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«Likoud ou Hamas ?» Quand «L’Obs» se prend pour un magazine féminin

Une page de L'Obs qui a plu à Guillaume Meurice. Sinon, il y a Céline Pina, dans "Causeur"


«Likoud ou Hamas ?» Quand «L’Obs» se prend pour un magazine féminin
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Deux semaines seulement après l’attaque terroriste contre Israël, le chroniqueur de L’Obs, David Caviglioli, qu’on a connu mieux inspiré, proposait aux lecteurs de l’hebdomadaire un test intitulé, « Etes-vous Likoud ou Hamas ? ». Raté.


Au fil des décennies, son nom n’a cessé de se rétrécir. L’Observateur politique, économique et littéraire. Puis France-Observateur. Puis Le Nouvel Observateur. Et enfin depuis 2014, L’Obs, tout simplement. Le contenu, lui aussi, n’a cessé de se rétrécir. Au milieu des pages de pub pour de grosses berlines et des parfums, le Nouvel Obs a cessé de devenir le bulletin paroissial du Parti socialiste pour devenir une sorte de tribune woke. On pouvait être en désaccord avec L’Obs quand il était l’épicentre du cercle de la raison ; il nous exaspère depuis qu’il en est sorti.

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Deux formations que la gauche rêve de renvoyer dos-à-dos

Le dernier épisode en date, c’est le « test » proposé par David Caviglioli, dans le numéro du 26 octobre. Sur le modèle des tests que l’on trouve dans les magazines féminins et qui permettent de savoir si son ex était en fait un pervers narcissique, le journaliste développe seize questions. Le thème : le conflit au Proche-Orient. Au moins, dans les magazines féminins, il y a le choix entre quatre propositions. Ici, seulement deux. Au terme de l’exercice, le lecteur est soit un partisan du Hamas, soit un soutien du Likoud, les deux formations étant renvoyées dos-à-dos. Sur un ton un peu badin, les deux partis sont mis sur un pied d’égalité, tout aussi pourris, tout aussi cyniques, tout aussi violents, tout aussi indifférents aux vies humaines. Ça commence comme ça :

L’arbre de votre voisin empiète sur votre jardin.
a. Vous le déracinez au bulldozer.
b. Vous kidnappez votre voisin.

Ça continue ainsi :

Votre conjoint trouve que vous faites trop de bruit.
a. Vous construisez un mur autour de votre conjoint.
b. Vous ne reconnaissez pas l’existence de votre conjoint.

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Le procédé est à demi habile. On a compris depuis le 7 octobre que les humoristes et les farceurs avaient tout au moins intérêt à adopter une attitude prudente. Tanguy Pastoureau a révélé ceci : « Pourquoi les célébrités ne s’engagent pas pour les victimes du terrorisme en Israël ? Réponse : moi qui suis si peu connu et qui l’ai fait, je reçois 500 messages/jour de haine et je perds, je le sais, une partie de mon public. C’est aussi simple que ça ».

Changement d’ère

Surtout, ce que manque le quizz plus ou moins humoristique de David Caviglioli, c’est la dimension nouvelle des attentats du 7 octobre. Le 7 octobre a peut-être moins été une énième réplique d’un conflit vieux de 75 ans que le début d’une nouvelle ère. Le Hamas est sans doute moins dans la continuation du Fatah et de l’OLP de jadis (qui ont commis aussi leur lot d’atrocités) que les cousins (pas si) pauvres de Daech. En s’attaquant aux ravers, le Hamas s’est attaqué à la population la plus libérale d’Israël. Dans sa compilation de chroniques faite lors du procès du Bataclan, Emmanuel Carrère racontait dans V13 que les terroristes qui ont sévi à l’automne 2015 avaient d’abord envisagé d’attaquer une messe traditionaliste; l’écrivain était presque désolé d’admettre que ce premier choix aurait été moins « payant » du point de vue du marketing de la terreur. En Israël non plus, le Hamas ne s’est pas attaqué en premier lieu aux colons et aux orthodoxes. La sociologie des victimes du 7 octobre est probablement assez proche de celle du 13 novembre. Dans les deux cas, il y avait d’ailleurs des Français.

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Or, la société israélienne n’est pas monolithique. Depuis le 7 janvier dernier, le pays connait un vaste mouvement politique contre une réforme judiciaire qui risquerait de le faire basculer dans le camp des « démocraties illibérales »[1]. Rien n’empêche d’imaginer une alternance au pouvoir. A Gaza, c’est plus simple. Les dernières élections remontent à 2006. Depuis, le Hamas a éliminé physiquement ses opposants de l’intérieur. Avec l’attaque d’octobre 2023, il a compromis le rapprochement entre Israël et l’Arabie Saoudite. Et un peu partout, le Hamas nous entraîne dans une sorte de guerre civile mondiale. De Brest à Tel-Aviv, l’hypothèse de se faire zigouiller par un fan de Mohamed Atta est plus grande que par un fan de Baruch Goldstein. Alors oui : il y a quand même entre le Hamas et le Likoud une différence. Pas seulement de degrés, mais de nature. En voulant faire des Israéliens des sortes de néonazis à papillotes, à gauche, trop de petits esprits ressortent finalement les vieilles ficelles du sketch de Dieudonné chez Marc-Olivier Fogiel en 2003. Rendez-nous Jean Daniel et Jacques Julliard !

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[1] https://www.causeur.fr/israel-des-jours-redoutables-265854




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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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