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Etats-Unis: ceux qui peuvent dire merci à la fin de la discrimination “positive”


Etats-Unis: ceux qui peuvent dire merci à la fin de la discrimination “positive”
L'étudiant américain Jon Wang sur Fox News.

La fin de la discrimination positive à l’université était attendue par la majorité des Américains blancs et d’origine asiatique.


Un nom, celui de Jon Wang, un jeune Américain de 18 ans et d’origine chinoise, a été médiatisé par Fox News trois semaines avant que la Cour suprême n’invalide les politiques de discrimination positive quant à l’examen des candidatures par les universités.

La victoire politique de la SFFA

Wang avait obtenu 1 590 points sur 1 600 au SAT Reasoning Test, l’un des examens utilisés pour les admissions universitaires, avec le maximum en mathématiques, mais aussi un GPA (Grade Point Average) de 4,65 au lycée. Ce GPA représente une moyenne des notes durant les années de lycée, et le score maximum est de 4 pour les GPA pondérées, mais peut aller au-delà si l’élève a fréquenté des classes plus exigeantes. Dans ce cas, le GPA n’est pas pondéré. 

Cependant, en dépit de ce parcours brillant, le jeune homme a vu ses candidatures auprès de prestigieuses écoles comme le MIT, CalTech, Harvard ou UC Berkeley refusées.

Wang a récemment rejoint l’organisation Student for Fair Admissions (SFFA) fondée en 2014 par Edward Blum, un conservateur, afin de lutter contre les politiques discriminatoires dans les établissements supérieurs confortées en 2003 par l’arrêt Grutter v. Bollinger rendu par la même cour. L’association représente des étudiants qui réclament une politique de color-blindness, aveugle à la couleur ou la “race”, et qui préfèrent généralement garder l’anonymat par crainte de représailles. La SFFA contestait devant la justice les principes soutenus par cette jurisprudence.

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Dans l’arrêt de 2003, la Cour suprême avait rejeté la demande de Barbara Grutter, une jeune femme qui avait saisi les tribunaux après avoir vu sa candidature refusée par la faculté de droit du Michigan au profit d’étudiants issus de minorités, alors qu’elle avait un GPA de 3,8. Confirmant un arrêt de 1978, cette jurisprudence a donné une lecture contraire aux dispositions du XIVe amendement interdisant toute forme de traitement préférentiel. Le juge Sandra Day O’Connor avait déclaré : “Nous nous attendons à ce que dans 25 ans, l’utilisation de préférences raciales ne soit plus nécessaire pour favoriser l’intérêt [de la diversité, NDLR] approuvé aujourd’hui.”

La discrimination positive, une utilisation négative de la race

La décision rendue dernièrement par la Cour suprême concernait deux affaires distinctes car l’une des universités, Harvard, est privée, tandis que l’autre, celle de Caroline du Nord (UNC), est publique. L’arrêt Students for Fair Admissions v. Harvard est l’aboutissement d’une affaire décennale concernant la discrimination subie par des candidats d’origine asiatique par rapport à des candidats blancs dans l’examen de leurs dossiers d’admission. Dans l’affaire concernant l’UNC, la SFFA alléguait qu’un Blanc s’était vu refuser l’admission en première année en 2014 parce qu’il n’était pas autorisé à concourir sur un pied d’égalité avec d’autres candidats issus des minorités.

Les plaignants avaient demandé à la Cour si Harvard méconnaissait le titre VI de la loi de 1964 qui interdit les discriminations dans les programmes bénéficiant de fonds fédéraux. Dans les deux affaires, la SFFA avait demandé à la Cour suprême de revenir sur son arrêt de 2003 et dénoncé l’absence d’alternatives neutres dans les procédures d’admissions. Ces procédures alternatives consistent, par exemple, à admettre à l’université un certain pourcentage des meilleurs élèves, ou à faire passer des “examens holistiques” tels que des entretiens à l’aveugle ou une série de mini-entretiens.

Dans l’opinion qu’il a rédigée pour la majorité (six sur neuf), le juge en chef John Roberts a déclaré : “les programmes d’admission de Harvard et de l’UNC ne peuvent être conciliés avec les garanties de la clause de protection égale [du XIVe amendement]. Les deux programmes n’ont pas d’objectifs suffisamment ciblés et mesurables qui justifient l’utilisation de la race, [ils] utilisent inévitablement la race de manière négative, impliquent des stéréotypes raciaux.” Toutefois, la majorité reconnaît une certaine importance à la race en précisant que les universités peuvent “prendre en compte le propos d’un candidat sur la façon dont la race a affecté sa vie, que ce soit par la discrimination, l’inspiration ou autre”. Roberts écrit qu’un étudiant issu d’une minorité pourrait bénéficier d’un avantage s’il a surmonté la discrimination raciale avec courage et détermination, ce qui diffère de l’approche des universités qui ont “conclu à tort que la pierre de touche [ce qui le transforme, NDLR] de l’identité d’un individu, ce ne sont pas les défis surmontés, les compétences acquises ou les leçons apprises, mais la couleur de sa peau.”

Le président de la Cour a par ailleurs écrit que cette discrimination positive a pour conséquence une discrimination négative, alors que les deux universités prétendent que la race n’est jamais un facteur négatif : Les admissions à l’université sont à somme nulle. Un avantage accordé à certains candidats mais pas à d’autres favorise nécessairement le premier groupe au détriment du second.” 

Blum s’est réjoui de la décision : « Une université n’a pas de vraie diversité quand elle ne fait qu’assembler des étudiants qui ne se ressemblent pas, mais qui viennent d’arrière-plans similaires et parlent, agissent et pensent pareillement. »


L’opinion et l’expérience personnelle du juge conservateur et noir Clarence Thomas

Sans surprise, le juge Clarence Thomas, conservateur et noir, a rédigé une opinion concurrente renforçant les arguments de la majorité. Dans son opinion dissidente en 2003, Thomas avait cité l’ancien esclave et abolitionniste républicain Frederick Douglass : “Quant aux gens de couleur, il y a toujours davantage de bienveillance, je le perçois, que de justice, manifestée envers nous. Ce que je demande pour le nègre [sic], ce n’est ni la bienveillance, ni la pitié, ni la sympathie, mais simplement la justice.”  

Dans son opinion du 29 juin, exceptionnellement lue sur le banc de la Cour, Thomas a dénoncé la discrimination positive qui, en plus de ne pas respecter le principe d’égalité devant la loi, a pour conséquence de “redistribuer les individus entre les établissements d’enseignement supérieur, en plaçant certains d’entre eux dans des établissements plus compétitifs que ceux qu’ils n’auraient fréquenté autrement” et où “au moins certains Noirs et Hispaniques […] ont moins de chances de réussir sur le plan académique par rapport à leurs pairs”. Le doyen des “Justices” ajoute : “le fait de traiter les étudiants comme si leurs notes les plaçaient parmi les meilleurs de leur classe au lycée ne contribue en rien à améliorer le niveau de performance de ces étudiants ou à les préparer à des environnements universitaires compétitifs. En fait, des études suggèrent que des préférences sociales plus importantes pour les candidats noirs et hispaniques ont conduit à une part disproportionnée de ces étudiants à recevoir des notes médiocres ou mauvaises une fois qu’ils arrivent dans des environnements universitaires compétitifs.”

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Cette préoccupation se retrouve dans l’autobiographie “My Grandfather’s Son: A Memoir” de Thomas quand il déclare avoir connu “les effets stigmatisants de la préférence raciale” après avoir été admis à Yale : “Fin décembre [de sa troisième année, NDLR], je n’avais toujours pas reçu la moindre offre d’emploi. Je savais désormais ce que valait un diplôme de droit de Yale lorsqu’il était entaché de préférence raciale. J’étais humilié et désespéré.”

Thomas développe son opinion concurrente en ajoutant que l’affirmative action nuit à ceux qui ont réussi grâce à elle comme à ceux qui auraient réussi sans en profiter : Soit la discrimination raciale a joué un rôle, auquel cas la personne peut être considérée comme “autrement non qualifiée”, soit elle n’a pas joué de rôle, auquel cas le fait de poser la question elle-même marque injustement ceux … qui réussiraient sans discrimination.”

Américains blancs et d’origine asiatique largement opposés à la discrimination positive

Un sondage ABC News/Ipsos publié le 2 juillet révèle que 52 % des Américains approuvent le renversement de jurisprudence, contre 32 % qui le désapprouvent tandis que 16 % n’ont pas d’opinion. Les Républicains sont 75 % à le soutenir, devant les indépendants (58 %), alors que les Démocrates ne l’approuvent qu’à 26 %. Les Américains blancs et ceux d’origine asiatique soutiennent fortement l’arrêt à respectivement 60 et 58 %, alors qu’ils ne sont que 40 % d’Hispaniques et 25 % de Noirs à l’approuver. De son côté, le Pew Research Center a publié le 8 juin une étude d’après laquelle, 76 % des Américains majeurs d’origine asiatique estiment que les considérations raciales n’ont pas leur place dans les procédures d’admission à l’université.

Alors que les Américains d’origine asiatique représentent 7% de la population, entre 20 et 25% des étudiants fréquentant l’une des prestigieuses universités de l’Ivy League sont issus de ce groupe qui présente cependant des différences selon les communautés. Selon une étude de 2014, ils réussissent bien mieux que les autres élèves au lycée en raison d’une forte implication scolaire. Ceci explique en grande partie cette surreprésentation à l’université.




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