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Edwy et moi


Edwy et moi

levy plenel mediapartAmateurs de romances improbables et torrides, passez votre chemin. Mon histoire avec Edwy Plenel, comme dirait Marcela Iacub, a été strictement épistolaire. Et on ne saurait dire qu’elle ait obéi aux canons du marivaudage et du commerce galant. Elle aurait pu figurer dans la catégorie « Entre hommes » – à la loyale, si vous préférez. Le genre « conversation musclée ». Le problème, c’est qu’il n’y a pas eu de conversation. D’accord, on ne peut pas converser avec tout le monde. N’empêche, cette sensation que les mots n’ont aucun pouvoir, qu’ils ne parviennent ni à persuader, ni à ébranler, ni même à énerver, comme s’ils ne portaient pas, est inquiétante. Est-il possible que déjà, nous n’ayons plus de langage (donc de monde) commun avec ceux qui ne pensent pas comme nous ? Et si c’est le cas, qui est sourd dans ce dialogue ? Qui est le fou, quand chacun croit l’autre fou ? C’est à vous, chers lecteurs, qu’il revient de trancher. Sur pièces[1. Nous publions ci-dessous les courriels échangés entre Edwy Plenel et moi. S’il reste des fautes, elles sont d’origine.]. Sans trop s’illusionner sur la vérité démocratique qui sortira de cette consultation sauvage – il est probable que chacun trouvera raisonnable celui qui pense comme lui. Cela ne devrait pas nous dispenser, les uns et les autres, de l’effort d’empathie minimale nécessaire pour comprendre vaguement comment fonctionne l’adversaire. Et là, je sèche. Je l’avoue, je ne comprends rien à Edwy Plenel. Voilà un homme qui défend, avec le brio que l’on sait, une vision du monde. Intellectuel, journaliste et militant, il intervient dans le débat public. Et aucun de mes arguments n’y a fait : je n’ai pu le convaincre de répondre à mes questions et critiques. Il a préféré me passer une « avoinée » –  je ne comprends rien à ses idées, ni même à ce qu’il dit, ni bien sûr au journalisme. Justement, c’était l’occasion de m’expliquer. Je ne dois pas mériter cet honneur. Enfin « je », c’est une façon de parler, je suppose qu’il n’y a rien de personnel dans ce « Je ne vous parlerai pas ! » J’ai comme l’impression que ce n’est pas ma personne qui est illégitime pour Edwy Plenel, mais la contradiction elle-même. Il est vrai que si on incarne la vérité, tout contradicteur est un menteur.
On trouvera que je sur-interprète quelques lignes écrites à la va-vite pour se débarrasser d’une importune. Admettons. Mais si le président Plenel est en « une » de Causeur, c’est que nous pensons qu’il détient un pouvoir (et, accessoirement, que ce n’est pas forcément une bonne nouvelle). Aussi, à défaut d’être palpitante, cette correspondance sera peut-être instructive. Bien entendu, nous ne l’aurions pas publiée sans son accord. Qu’il soit remercié pour nous l’avoir donné.

Le 19 avr. 13 à 20:49, ELISABETH LEVY a écrit :
Cher Edwy Plenel,

Pour commencer, je vous dois des excuses. L’entretien que vous aviez eu l’amabilité de m’accorder il y a deux ans n’a jamais vu le jour, pour des raisons que vous connaissez bien : j’avais tellement de matière, passionnante au demeurant, portant sur des sujets tellement vastes, que je n’ai jamais trouvé le temps de le prendre à bras le corps. Nous avons au moins en commun d’être bavards. Ceci étant, c’est entièrement de ma responsabilité, car j’aurais dû mieux préparer, donc structurer, la conversation. Quoi qu’il en soit, je suppose que vous ne m’en tenez pas rigueur.
Je n’exclus pas, en revanche, que vous soyez agacé par mes critiques de Mediapart et du journalisme que vous pratiquez, à supposer que vous ayez le temps d’en prendre connaissance. Au moins suis-je certaine que vous ne vous contentez pas de l’aimable résumé qu’en font certains de mes excellents confrères. Sans doute ai-je été incapable, jusque-là, d’exposer clairement mes interrogations. Toujours est-il que dans les quelques occasions où j’ai pu questionner vos méthodes (dans les termes avec lesquels vous les revendiquez) et votre conception du journalisme, je n’ai pas obtenu la moindre réponse. Pourtant, vous en conviendrez sans nul doute, ces méthodes et ces conceptions doivent pouvoir être critiquées et discutées. J’aime bien la polémique, comme vous d’ailleurs. Mais au-delà du théâtre médiatique, je prends suffisamment vos idées au sérieux pour les combattre. J’aimerais être sûre de les comprendre.
Je reviendrai dans le prochain numéro de Causeur sur le rôle que vous jouez dans le débat public. J’aimerais donc vous interroger, non pas sur vos kayaks et trottinettes, mais sur votre vision de la politique et plus encore de la démocratie. Je ne la partage pas, c’est un fait, mais elle n’en est pas moins légitime et mérite d’être discutée. Il me semble que le rôle du journalisme est aussi de dévoiler les enjeux intellectuels et idéologiques structurellement masqués par l’affrontement médiatique.
Si vous êtes d’accord pour répondre, il faudrait le faire d’ici la fin de la semaine prochaine. Pour éviter de rééditer une discussion trop longue et touffue pour être correctement reproduite, je peux vous envoyer des questions par écrit. Sinon, cela peut aussi se faire sous la forme d’un court entretien, téléphonique ou pas, que vous pourrez évidemment relire, amender et valider.
J’espère que vous accepterez cette proposition. En toute hypothèse, j’attends votre réponse dès que vous le pourrez.
Bien à vous,
Elisabeth Lévy

Message du 21/04/13 22:26
De : « Edwy Plenel »
A : « ELISABETH LEVY »
Objet : Re: Proposition (honnête)

Chère Elisabeth Lévy,
Pas de souci pour cet entretien, je ne vous en tiens pas rigueur.
J’ai évidemment suivi vos interventions, ainsi que les réactions de certains de vos interlocuteurs, notamment Alain Finkielkraut et Marcel Gauchet, le premier évoquant à mon propos soit Robespierre soit la Stasi (avec un détour déplaisant par mon visage), le second un « journalisme de délation » d’une façon générale qui, dans le contexte, ne peut cependant viser que Mediapart.
Comme vous le savez, je n’ai aucune réticence à débattre et ne me suis jamais dérobé. Mais ces commentaires et ces opinions discutent un personnage et un journalisme imaginaires tant ils ne sont pas informés: ils ne prennent même pas la peine de lire Mediapart, de découvrir ce qui s’y écrit ni de prendre connaissance des livres où je m’efforce, depuis vingt ans, d’expliquer et de défendre une démarche à la fois professionnelle et démocratique.
Plutôt que d’ajouter du bavardage au bruit médiatique, auquel vous dites vous même vouloir échapper, je préfère donc que l’on prenne le temps de lire et de discuter, fût-ce pour les réfuter, mes textes, et notamment Le Droit de savoir (Don Quichotte) paru récemment.
Bien à vous,
Edwy Plenel

Le 22 avr. 13 à 09:15, ELISABETH LEVY a écrit :
Cher Edwy Plenel,
Merci de votre réponse. Permettez-moi cependant de la « discuter », comme vous m’invitez à le faire de votre dernier livre que j’ai, autant l’avouer, simplement parcouru. Aussi ne l’ai-je pas commenté, mais je prendrai évidemment le temps de faire l’un et l’autre. Ce que j’ai critiqué, discuté et parfois réfuté (ou tenté de le faire), pour reprendre vos termes, ce sont vos déclarations et interventions publiques. Aussi suis-je étonnée que vous m’opposiez des propos tenus par Alain Finkielkraut et Marcel Gauchet au cours d’entretiens qu’ils m’ont accordés: certes, ce sont des amis, et je suis globalement d’accord avec eux sur le sujet qui nous intéresse; pour autant, disposant d’un cerveau en propre, j’ai la coquetterie de vouloir choisir les termes dans lesquels j’expose mon point de vue. Je peux éclairer, expliquer, défendre les propos de mes amis, mais je ne peux répondre que des miens.
Surtout, le journaliste que vous êtes sait bien que votre livre ne contient pas toutes les réponses aux questions soulevées par l’affaire Cahuzac et ses suites. Je suis certaine que vous-même, dont le métier est de poser des questions, trouvez légitime qu’on vous en pose. Et il me semble important que les lecteurs de Causeur puissent se faire leur propre idée au terme d’un procès contradictoire.
Le plus simple, pour tenter de vous convaincre, est d’exposer sommairement ces interrogations :

– Le Canard Enchaîné affirme avoir disposé des mêmes éléments que vous au même moment sur le compte suisse de JC, mais avoir estimé que ces éléments étaient insuffisants. Et j’ai entendu un de vos journalistes dire, en substance, que c’était à la Justice d’apporter des preuves. On ne saurait, certes, exiger des journalistes le même niveau de certitude que des juges. Cependant, vous-même avez été très sévère, à juste titre à mon avis, avec Libération. Puisqu’il existe évidemment toute une palette entre la rumeur et l’information vérifiée, comment définissez-vous la limite au-delà de laquelle une hypothèse est publiable ? Dans le passé, lorsque vous étiez au Monde, il vous est arrivé de mettre en cause des personnalités que la Justice n’a pas reconnues coupables. N’y a-t-il pas un risque que le journaliste se substitue au juge et que le tribunal médiatique condamne avant celui de la République (et sans possibilité d’appel) ?

– Votre enquête, comme c’est souvent le cas, s’appuie sur un témoignage anonyme dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas dicté par des considérations morales. Acceptez-vous que ce témoignage soit qualifié de délation, et comment en maîtriser l’usage ? Au-delà de son contenu polémique, le terme « journalisme de délation », qui se réfère à vos sources, est-il dénué de toute pertinence ?

– Le soir des aveux de JC, vous vous êtes indigné que François Hollande n’ait pas débarqué Cahuzac le jour où Mediapart a publié son premier article. Le pouvoir exécutif doit-il et peut-il et doit-il réagir à des révélations dont leurs auteurs eux-mêmes reconnaissent ne pas avoir de preuves ? Dès lors que même vous pouvez vous tromper (ou être abusé), n’est-ce pas la porte ouverte à l’injustice ?

– Les aveux de Cahuzac ont déclenché une sorte de fièvre de la transparence, terme que je ne crois pas vous avoir entendu employer. Vous qui êtes fasciné par des personnalités comme Fouché ou Mitterrand, croyez-vous que le pouvoir peut s’exercer sans secret ?

–          – Vous vous êtes contenté d’accuser Cahuzac d’un délit dont il est coupable. Mais dans la foulée, vous avez bien vu que, de proche en proche, ce sont tous les politiques, puis tous ceux qui profitent (légalement) du système, puis tous les riches qui sont dénoncés en meute. Certes, vous n’êtes pas comptable des propos de vos confrères. Mais comme observateur, que vous inspire cet accès de vertu ?

– On a souvent le sentiment, en vous entendant, que votre but est de réformer la démocratie et de la rendre plus morale. Cela semble fort louable, mais cette prééminence de la morale ne signe-t-elle pas la mort de la politique ?

– Seriez-vous favorable à un régime d’inspiration jacobine, dans lequel le pouvoir est révocable à tout moment par ses mandants ?

– Au-delà d’une certaine idée de la démocratie, pensez-vous incarner ou défendre une certaine vision de la gauche ?
Peut-être ces questions, ou certaines d’entre elles, vous inspireront-elles. Je le souhaite en tout cas. Et dans un ultime effort pour vous convaincre, j’attire votre attention sur le fait que, quelques semaines avant la parution de votre livre, j’ai consacré à l’affaire Cahuzac naissante un édito intitulé « Le droit de ne pas savoir ». Si vous voulez mon avis, cher Edwy Plenel, cette coïncidence est un signe indiquant que vous devriez accepter le combat « à la loyale » que je vous propose ! Encore une fois, je crois que nous avons tous à gagner dans l’échange des arguments, même musclé. Et vous aimez le sport, non ?
Bien à vous,
Elisabeth Lévy

Message du 22/04/13 10:40
De : « Edwy Plenel »
A : « ELISABETH LEVY »
Objet : Re: Journalisme de persuasion…
Chère Elisabeth Lévy,
Je maintiens ma première réponse.
Le divertissement est l’ennemi de l’information. Or l’un de ses nouveaux visages, promu par des médias de flux et d’instant, est la confrontation d’opinions qui ne prennent pas la peine de s’informer, de vérifier, de recouper et de sourcer. D’opinions sans vérités de fait (pour reprendre une expression à laquelle je tiens fort, factual truth, celle de Hannah Arendt dans Vérité et politique). D’opinions qui, en ce sens, ne valent pas plus que d’autres opinions, et notamment celles de n’importe quel citoyen, lecteur ou auditeur, car elles ne font pas l’effort de s’ancrer dans des réalités factuelles.
Je pourrais vous en donner plusieurs exemples dans vos questions ci-dessous dont les affirmations s’appuient sur des bruits sans aucune véracité.
Par exemple, il suffit de lire le dossier de Mediapart sur l’affaire Cahuzac pour savoir que notre enquête ne s’est pas appuyé sur « un témoignage anonyme », tout cela est public et détaillé sur notre journal en ligne depuis décembre.
De même, il suffit de lire ma vieille préface aux mémoires de Fouché ou mes trois livres sur la présidence de François Mitterrand pour convenir que, loin d’être fasciné par ces personnages, je me suis efforcé de déconstruire la fascination dont ces représentants d’une politique supposée éternelle faisaient l’objet.
Enfin, si vous preniez le temps de lire plutôt que de parcourir Le Droit de savoir vous verriez que la morale n’a rien à voir là-dedans, mais simplement une conception de la démocratie dont vous trouverez les fondements chez des auteurs autrement importants que nous autres, journalistes (Cornelius Castoriadis et Jacques Rancière notamment, mais aussi Claude Lefort, Jean-Pierre Vernant, etc.).
Si nous faisions cet entretien, je passerai plus de temps à rectifier vos questions qu’à vous répondre sur le fond. Epargnons-nous cette peine.
Bien à vous,
Edwy Plenel

Le 27 avr. 13 à 14:40, ELISABETH LEVY a écrit :

Cher Edwy Plenel,
Merci pour votre réponse. Je ne vais pas la commenter, puisque visiblement, je ne suis pas la bonne personne et que je ne pose pas les bonnes questions.
Vous le comprendrez, je dois expliquer à mes lecteurs pourquoi ils sont privés de votre point de vue. Afin d’éviter une nouvelle interprétation fautive de vos pensées ou propos, je propose, conformément à vos souhaits, de vous citer. M’autorisez-vous à publier des extraits de nos échanges expliquant votre refus ? (Ceux-ci, certes, n’ont rien d’intime, mais il s’agit d’une correspondance privée que je ne saurais utiliser sans votre accord.)
Bien à vous, Elisabeth Lévy

Message du 27/04/13 22:51
De : « Edwy Plenel »
A : « ELISABETH LEVY »
Objet : Re: Requête gracieuse

Chère Elisabeth Lévy,
Nos échanges sont privés et, par conséquent, doivent le rester.
Dites simplement la vérité à vos lecteurs, à savoir que je vous ai accordé une longue interview que vous n’avez pas publiée et que je n’ai pas souhaité donner suite à cette nouvelle demande d’entretien.
Bien à vous,
Edwy Plenel

Le 28 avr. 13 à 12:03, ELISABETH LEVY a écrit :
Cher  Edwy Plenel,
Je prends note de votre suggestion de mentir à mes lecteurs pour expliquer votre refus de répondre. En effet, les raisons que vous me proposez de leur servir n’ayant rien à voir avec celles que vous m’avez précédemment indiquées :
« Pas de souci pour cet entretien, je ne vous en tiens pas rigueur. (…) Comme vous le savez, je n’ai aucune réticence à débattre et ne me suis jamais dérobé. Mais ces commentaires et ces opinions discutent un personnage et un journalisme imaginaires tant ils ne sont pas informés: ils ne prennent même pas la peine de lire Mediapart, de découvrir ce qui s’y écrit ni de prendre connaissance des livres où je m’efforce, depuis vingt ans, d’expliquer et de défendre une démarche à la fois professionnelle et démocratique. Plutôt que d’ajouter du bavardage au bruit médiatique, auquel vous dites vous même vouloir échapper, je préfère donc que l’on prenne le temps de lire et de discuter, fût-ce pour les réfuter, mes textes, et notamment Le Droit de savoir (Don Quichotte) paru récemment. » Puis, quelques jours plus tard, dans un deuxième courriel, il n’est évidemment plus question de cet entretien avorté, mais uniquement de la pauvreté de mes questions : « Si nous faisions cet entretien, je passerai plus de temps à rectifier vos questions qu’à vous répondre sur le fond. Epargnons-nous cette peine. »
Vous ne me contredirez pas : facts, only facts…Je suis donc navrée de ne pouvoir vous être agréable en suivant le judicieux conseil que vous me donnez (imputer votre refus à l’entretien non publié).
Permettez-moi cependant de vous faire remarquer que vous charriez grave ! Non seulement vous me prenez pour une imbécile, mais vous ne l’assumez pas et croyez, pour faire bonne mesure, me faire écrire des âneries ?  On a tort de dire que vous n’avez pas d’humour : vous êtes très amusant.
Il est assez rigolo qu’un homme qui fait publiquement profession de courage soit incapable d’assumer son refus de répondre à des questions et, du reste, incapable d’envisager que ses contradicteurs puissent être légitimes : c’est comme les peuples avec l’Europe, les gens qui critiquent vos idées ne les ont pas comprises, sinon, comment oseraient-ils ? Vous me direz peut-être que je ne suis pas digne d’entendre vos objections. Eh bien dîtes-le ! Et pas à moi seulement, c’est beaucoup moins marrant en privé !  Assumez donc votre mépris et votre haine du désaccord, cher Edwy Plenel (« Nous ne débattrons pas ! »).
En conséquence, je ne servirai pas à mes lecteurs la faribole que vous me proposez. Je pourrais passer outre votre refus et appliquer la méthode Mediapart : quand on défend une juste cause, tout est permis. Car déciller le public sur votre conception de la démocratie telle qu’elle est résumée par nos échanges et votre respect de l’adversaire (…) est une juste cause. Certes, ces échanges sont privés, mais peut-être un peu moins qu’une conversation téléphonique conservée dix ans pour nuire, ou que l’enregistrement-pirate de conversations d’une vieille dame. Et ce qu’ils nous enseignent de votre conception du journalisme et du désaccord démocratique est aussi intéressant que ce que les enregistrements du majordome de madame B. nous ont appris de Messieurs Maistre, Woerth, etc.
Toutefois, vous ne méritez pas une telle entorse à mes principes. En conséquence, je ne publierai pas nos échanges : je tenterai d’en extraire la substantifique moelle. Le plus honnêtement possible. Libre à vous, ensuite, de contester ce résumé, je sais que je peux compter sur votre bonne foi. Au moins aurai-je, sincèrement, tenté d’entamer un dialogue qui aurait pu, quoique musclé, être constructif. Mais on dirait que le combat à la loyale, ce n’est pas votre truc. Je crois que je me ferai une raison.
Bien à vous,

Elisabeth Lévy

Message du 28/04/13 14:48
De : « Edwy Plenel »
A : « ELISABETH LEVY »
Objet : Re: Les faits, rien que les faits !

Chère Elisabeth Lévy,
Décidément, chez vous, l’opinion l’emporte toujours sur l’information, le commentaire sur les faits, la fiction sur le réel. Ma phrase:
« Dites simplement la vérité à vos lecteurs, à savoir que je vous ai accordé une longue interview que vous n’avez pas publiée et que je n’ai pas souhaité donner suite à cette nouvelle demande d’entretien. »
n’impute en rien mon refus du second entretien à la non-publication du premier. Ce sont simplement deux faits vrais, l’un et l’autre, indépendants l’un de l’autre. Mais les rappeler ensemble, c’est évidemment souligner la démesure de votre attitude d’aujourd’hui qui fait tout un plat d’un refus momentané et argumenté de répondre à vos questions, alors même que, pour ma part, je n’ai pas fait tout un plat de la légèreté négligente avec laquelle vous avez traité le long entretien que je vous ai bel et bien accordé, il y a deux ans.
Bref, vous vous comportez comme si vous étiez un tribunal devant lequel il serait scandaleux que je n’accepte pas de comparaître sans délais quand bon vous semble. Un tribunal, vous-même et vous seule, aussi légitime, si je vous lis bien, que la souveraineté des peuples d’Europe ! Je redis donc ce qui fut la teneur de ma réponse constante, aussi mesurée que patiente, dans nos échanges: je n’ai aucune réticence à débattre, mais je vous demande d’abord de me lire et de lire Mediapart, plutôt que de m’interpeller sur un bruit médiatique infondé car mal informé.
Votre virulence témoigne d’une passion qui m’intrigue et m’inquiète. Elle prouve que, loin de vouloir débattre, vous cherchiez seulement ma caution pour combattre l’image, encombrée de préjugé et d’idéologie, que vous vous faites du travail de Mediapart et du mien sans même avoir pris la peine de les connaître. Sans avoir commencé par nous lire tout simplement – ce qui, s’agissant d’un journal et d’un journaliste, est la moindre des exigences.
Aussi, devant cette absence de la plus élémentaire rigueur, ne vous fais-je guère confiance pour extraire de façon loyale « la substantifique moelle » de nos échanges. Dès lors faisons plus simple, car je n’ai rien à cacher à vos lecteurs: publiez in extenso mes quatre réponses, celle-ci comprise. Qu’ils jugent sur pièces, librement.

Edwy Plenel

*Photo: DR



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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