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Qu’est-ce qui fait pleurer Jane Fonda ?


Qu’est-ce qui fait pleurer Jane Fonda ?

Si je n’ai jamais nié l’existence des maladies mentales, qui sont un fléau bien réel, je me suis mille fois opposée, en tant que thérapeute, professeur d’université ou experte auprès de tribunaux, à bien des tentatives d’instrumentaliser de pseudo diagnostics psychiatriques à des fins de diabolisation d’un individu ou d’un groupe.

Je suis en revanche assez perplexe face à un certain type de comportements politiques des foules, qu’on pourrait caractériser de « dément ».

Dans le Wall Street Journal, l’islamologue Fouad Ajami cite Elias Canetti, qui explique dans Masse et Puissance que le fait de marcher ensemble donne aux gens « l’illusion de l’égalité ». Or Ajami pense que les foules pro-Obama aux Etats-Unis se comportent de plus en plus comme les masses populaires du monde arabe, c’est-à-dire avec un niveau très élevé d’émotions et une foi aveugle dans un grand Leader. Selon Ajami, cette « politique de charisme a ravagé les sociétés arabes et musulmanes ».

Il y a sûrement d’excellentes raisons de voter soit pour Obama, soit pour McCain. Personnellement, aucun des deux ne m’enthousiasme. Mais ce qui m’inquiète le plus dans cette affaire, ce ne sont pas tant les candidats eux-mêmes que ces millions d’Américains qui, pour la circonstance, semblent avoir perdu à la fois leur sérieux et leur bon sens et se comportent comme des supporters ivres ou des membres d’une secte en pleine extase mystique.

Pendant le discours de Denver où Obama a accepté sa désignation comme candidat, j’ai vu des gens de tous âges et couleurs pleurer, trembler, tomber en transe. J’ai vu des mamies se comporter comme jadis les groupies hurleuses au premier rang des concerts d’Elvis.

Les supporters de McCain et Palin ne semblent pas se comporter ainsi. Probablement parce qu’ils ne voient pas McCain et Palin comme des messies. Je ne dis pas que les supporters de candidats républicains sont exempts de comportements bizarres ou calamiteux. Nous avons tous en mémoire le cas de cette jeune supportrice de McCain qui a prétendu avoir été attaquée et blessée par un noir pro-Obama fou furieux. Tout cela était inventé, et cette jeune femme a manifestement eu des « problèmes ». Mais il s’agissait d’un cas unique et non pas d’une foule; d’une paumée lambda et non pas d’une personnalité influente.

Que penser dans ce contexte des déclarations de mon amie Erica Jong[1. Erica Jong est elle aussi une figure historique du féminisme américain. Auteur de nombreux livres à succès, on lui doit notamment le best seller mondial Le complexe d’Icare (Grasset, 1974).] qui a annoncé dans la presse italienne qu’elle commençait à éprouver de sérieux symptômes somatiques – insomnie, spasmes, douleurs dorsales, etc. – liés aux élections ? Je lui ai envoyé un mail pour en savoir plus, mais j’attends toujours la réponse. Selon Jason Horowitz du New York Observer, Jong a déclaré au Corriere della Sera qu’une défaite d’Obama déclencherait une seconde guerre de Sécession. « Le sang coulera dans les rues », a-t-elle dit. Quand ai-je lu quelque chose dans ce genre, déjà ? Toujours d’après Horowitz, Jong a dit au journal italien que sa peur d’une défaite d’Obama était devenue « une obsession, une terreur paralysante. Une fièvre anxieuse qui m’empêche de dormir la nuit ». Elle a également affirmé que ses amies Naomi Wolf et Jane Fonda étaient « extrêmement inquiètes, car elles craignent que l’élection Obama ne soit sabotée par les coups tordus des Républicains, ce qui conduirait inéluctablement à une seconde guerre civile ». Selon Erica Jong, Jane Fonda « a pleuré toute la nuit et n’arrive pas à se débarrasser de maux de dos liés au stress ». Quant à Jong, elle souffrirait elle aussi de « spasmes dorsaux » et envisage de se remettre « à l’acupuncture et au Valium ». Pour conclure le tout, Erica Jong a expliqué au Corriere : « Ce n’est pas par hasard que Bush a rappelé des soldats d’Irak. Cela permettra à Dick Cheney de les utiliser contre les citoyens américains qui descendront dans la rue… »

Alors, que faut-il penser quand de brillantes intellectuelles féministes commencent à se comporter comme de pauvres hystériques tout droit sorties d’un mauvais roman du XIXe siècle ? Quand elles se sentent affreusement martyrisées, alors même que leur candidat est donné archi-gagnant ?

Oh, Erica, dis-moi que tout ça est un canular, dis-moi que toutes ces citations sont hors contexte, dis-moi que tu as pris trop de Valium, Erica, je t’en conjure, dis-moi n’importe quoi.

Fonda Is Weeping, Jong Is In Spasm : Pre-Election Psycho-Somatic Hysteria, publié sur pajamasmedia et traduit par Basile de Koch.

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Phyllis Chesler est écrivain et universitaire. Dans les années 60, elle fut l’une des initiatrices du mouvement féministe américain.

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