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Non, la société française n’est pas « malade du sexisme »


Non, la société française n’est pas « malade du sexisme »
Le président Emmanuel Macron embrasse la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, lors de son discours sur les violences faites aux femmes prononcé à l'Elysée, novembre 2017. SIPA. 00833484_000034

On s’apprête à faire quelque chose contre les violences faites aux femmes et contre la pornographie trop facilement à portée des enfants. C’est très bien. Parmi les mesures envisagées se trouvent des mesures concernant l’école et d’autres, le numérique. C’est très bien aussi. Encore que… Voyons un peu.

« C’est notre société tout entière qui est malade du sexisme », dit Emmanuel Macron.

Eh bien non. Cette formulation est à la fois au-dessous et à côté de la réalité. N’en faisons pas reproche à notre président : il a dit ce que les associations et le féminisme radical attendaient qu’il dise. Mais la réalité est tout autre.

Il ne s’agit pas de guérir la société de son sexisme

Toute société et toute civilisation se construisent sur la répression de la sexualité et cette répression n’est jamais totale et n’est même jamais satisfaisante. La nature biologique de l’homme fait de la sexualité une tendance très forte, plus forte même que l’instinct de conservation. La nature n’est nullement sexiste. Elle ignore les valeurs et la morale et n’a aucune considération pour l’individu. Elle ne connaît que la survie de l’espèce. Dès qu’ils se sont reproduits, à n’importe quel prix, les individus peuvent bien disparaître, et c’est souvent le cas.

C’est sur cette base biologique qui n’est guère favorable que société et civilisation doivent se construire. Il ne s’agit donc pas de guérir la société de son sexisme, mais de la perfectionner en surmontant sa base primitive. D’abord, il lui faut domestiquer les instincts primaires. Cela se fait dans deux directions. La première est l’organisation sociale par le droit et la répression, la seconde par l’éducation. Les deux vont ensemble. L’organisation sociale restera sans effet sur des individus mal éduqués et l’éducation restera vaine dans une société trop peu normative. Et tout est question d’équilibre. Trop de normes tuent la norme, trop d’éducation tue l’éducation. Trop de normes, c’est ce qu’on sait faire, qu’on fait toujours et qu’il faudrait arrêter de faire. Ce qu’on ne sait pas faire, en revanche, c’est l’éducation, la vraie, celle qui conduit à la maîtrise de soi. Ce qu’autrefois on appelait la sagesse et qui s’articule sur l’idée fondatrice de respect.

La vraie morale ne s’enseigne pas

On ne sait plus enseigner la morale parce qu’on n’y croit plus. Nous avons été persuadés que la morale n’était que la domination du fort sur le faible, du bourgeois sur le prolétaire, de l’homme sur la femme, du maître sur l’esclave et nous nous sommes laissé convaincre de « jouir sans entrave ». Arguments hédonistes qui ont prospéré sur une vieille éducation morale erronée, celle qui faisait apprendre la liste de ce qui est bien et celle de ce qui n’est pas bien ; celle qui apprenait ce qu’il faut vouloir alors qu’il fallait enseigner à décider par soi-même ce qui peut, ou non, être voulu. Or, en effet, cette morale à l’ancienne n’est pas une morale, c’est un conditionnement. La vraie morale ne s’enseigne pas… Tout simplement parce que tout le monde la possède. La véritable éducation morale consiste tout simplement à apprendre à lire en soi-même.

Qu’on n’aille pas croire, par exemple, que le harceleur de rue n’est pas parfaitement conscient de ce qu’il fait. Il sait qu’il harcèle jusqu’à l’insupportable. Il sait parfaitement que ce qu’il fait n’est pas correct. Il abuse délibérément de sa position de force pour imposer sa loi. Il en est de même pour le harceleur de bureau (par opposition au harceleur de rue), qui abuse de sa position sociale ou hiérarchique en sachant parfaitement que cet abus fait de lui un salaud. Nul n’enfreint jamais une loi morale sans le savoir. Simplement, il s’est entraîné à ne pas se regarder en face, renforcé dans sa mauvaise foi par les slogans de la vie sociale : « il n’y a pas de mal à se faire du bien », « nous n’avons pas les mêmes valeurs », etc.

Ce n’est pas à l’école d’éduquer

Or, ce qui peut empêcher l’ardeur séductrice de se transformer en fureur sexuelle, ce n’est certainement pas la loi, c’est sa propre conscience. On doit pouvoir se dire : « je ne franchis pas cette ligne ! » L’éducation morale rétablit, en chacun, ce que la philosophie d’autrefois appelait le respect et, ce, malgré l’évolution de nos sociétés qui appellent à ne rien respecter. Il ne s’agit donc pas de guérir la société de son sexisme, il s’agit de la perfectionner et notamment par le retour du respect. Encore que cette notion mériterait une définition claire.

Mais est-ce à l’école de faire cette éducation ? L’école possède une mission propre qui est d’enseigner ou d’instruire. Elle ne peut guère éduquer. La tâche d’éduquer relève de la famille et du milieu social. L’école enseigne des vérités et s’appuie sur le démontrable. L’éducation, surtout la toute première éducation, transmet des valeurs et s’appuie sur l’amour maternel. Et aussi sur le « nom » (non!) du père, comme disait Lacan !

Les enfants doivent être protégés de la pornographie

Quant à la pornographie, le problème n’est pas vraiment celui de l’avilissement de la femme. D’abord parce que ce n’est pas toujours le cas, ensuite parce que l’homme y est, à son tour, réduit à son érection. Le vrai problème est celui de l’irruption de la sexualité explicite dans la vie de l’enfant. On peut avoir l’impression que ce n’est pas très grave, qu’au fond, la sexualité, c’est naturel, donc licite, etc. Tous arguments qui sont faux. Lorsque l’enfant est mis en présence de la sexualité directe, il en est toujours affecté et souvent pour toujours. Et le problème posé n’est pas du tout celui de la « position » de la femme, problème qu’on pourrait résoudre en imposant aux pornographes une sorte de parité : autant de femmes au-dessus que de femmes au-dessous. Il est celui de la sexualité même. Les enfants parviennent souvent à comprendre, intellectuellement ce qu’ils voient. Mais ce qu’ils voient est un choc qu’ils ne parviennent jamais à intégrer psychologiquement. Il faut donc protéger les enfants contre la sexualité directe, au moins jusqu’à leur puberté. Et le sexisme n’a rien à voir là-dedans. Les enfants doivent être protégés de la pornographie. Pas forcément de la nudité, mais de la pornographie, c’est-à-dire de la représentation directe de la sexualité, même sous ses formes les plus douces.

On en arrive donc à internet, dont la régulation, tout le monde le sait bien, est impossible. La nature même d’internet, qui est d’être un réseau de réseaux, sans centre, interdit tout barrage, sauf à en couper totalement l’accès. On peut bien demander aux fournisseurs d’accès à l’internet de faire échouer les demandes d’accès à tel ou tel site, mais un simple changement de DNS (domaine name system) suffit à contourner l’interdiction. Et si la plupart des adultes ne savent pas comment s’y prendre, les ados, eux, le savent parfaitement et se transmettent les meilleures adresses de DNS, sans parler du réseau Tor et ses adresses en .onion.  Sur internet, tout est possible et on n’y empêchera jamais rien.

Joue-la comme Steve Jobs

Alors voici quelques conseils. Ils sont simples à mettre en œuvre, ne coûtent rien et protègent efficacement.

1. Ne jamais laisser à un enfant voire à un ado un accès libre à internet. Il doit consulter toujours en présence d’un adulte, que ce soit par une tablette, un smartphone un ordinateur. Et ne pas croire qu’un filtre parental sert à quelque chose. Non seulement il filtre de manière inintelligente, mais il est très facile à désactiver ou à contourner. Les parents ne savent peut-être pas le faire, mais les enfants, eux, sont experts.

2. Ne jamais fournir un smartphone à un enfant, voire à un ado. Un simple téléphone qui permet, outre de téléphoner, d’envoyer et de recevoir de SMS doit suffire.

3. Ne pas laisser les enfants, voire les ados s’inscrire sur les réseaux sociaux. La plupart, comme Facebook, Twitter ou Instagram imposent un âge minimum, 13 ans en général, mais il est facile de contourner la règle. Et si on ne parvient pas à empêcher une inscription, au moins les parents doivent réclamer les codes d’accès et regarder tous les jours l’activité sur ce compte.

Mais comment obtenir que les parents se rangent à ces consignes, alors que la plupart pensent que tout ce qui est informatique est bon pour l’avenir de leurs enfants ? Il faut en passer par les enseignants qui, pour une fois, feront la leçon non aux enfants, mais aux parents. C’est lors de réunion de parents, ou dans une circulaire qui peut leur être adressée, qu’il faut présenter ces règles avec insistance.

Steve Jobs, l’inventeur de l’iPod et du smartphone tenait ses enfants à l’écart des écrans, ordinateurs, tablettes et iPhones. On peut aussi souligner que les informaticiens de la Silicon Valley, ceux-là mêmes qui ont fait l’informatique, mettent souvent leurs enfants dans les écoles Steiner ou Montessori où téléphones portables et ordinateurs ne sont pas autorisés.

 



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