Au centre Léo-Lagrange de Bonneuil-sur-Marne, des ateliers d’écriture sont animés par et pour les musulmans afin de prévenir la radicalisation. Constamment ramenés à leur appartenance religieuse, les enfants y reçoivent des cours d’exégèse coranique. Une hérésie antilaïque.
Slams sous la lune est un documentaire d’Armand Bernardi coproduit et diffusé par Public Sénat une dizaine de fois entre décembre 2018 et novembre 2019. On y voit un atelier d’écriture consacré à l’islam et destiné aux collégiens musulmans organisé par le centre Léo-Lagrange de Bonneuil-sur-Marne. L’argent public financerait-il une nouvelle forme de catéchisme ?
« Travailler le féminin dans les cultures musulmanes »
L’atelier et le documentaire s’inscrivent clairement dans la veine de la « prévention de la radicalisation », sésame à subventions et seule réponse idéologique apportée par les technocrates au djihadisme français. Tout comme la « déradicalisation », cette prévention repose sur un présupposé très optimiste : la violence islamiste résulterait entre autres de de l’ignorance religieuse. Par le truchement d’associations subventionnées, les institutions s’efforcent donc d’enseigner aux jeunes gens ce qu’est le « véritable islam », quitte à piétiner pour cela le principe de laïcité auquel elles sont soumises. Comme tuer au nom d’Allah ne peut provenir que d’une compréhension dévoyée de l’islam, elle-même fondée sur une mauvaise traduction, il est nécessaire d’enseigner aux petits musulmans ce que dit le texte originel du Coran, en arabe, donc. Osons la rétrospection historique : si dans leur enfance, Hitler et Staline avaient appris l’étymologie du mot socialisme, l’histoire du xxe siècle aurait-elle été différente ? La réponse est dans la question.
« On va travailler le féminin dans les cultures musulmanes », annonce Faker Korchane, animateur de l’atelier. Formulation sans doute un peu étrange aux oreilles de gamins de 13 ans, mais qui exprime l’ordre du jour : il s’agit de déconstruire les préjugés sur l’islam véhiculés par les médias. Puis, il invite les gamins à s’intéresser aux femmes musulmanes (nécessairement voilées), avant de citer trois des épouses du prophète dont l’une était imam et l’autre « première théologienne de l’islam ». Ce discours est tout à fait cohérent avec le parcours de Faker Korchane, qui a créé il y a un an la mosquée Fatima, « mixte et inclusive » où officie une femme imam, Kahina Bahloul. Reste à savoir pourquoi un centre socioculturel financé par un État laïque crée des ateliers d’écriture animés par et pour les musulmans, au cours desquels les enfants se voient constamment ramenés à leur appartenance religieuse. L’islam est « un patrimoine qui n’est pas du tout connu des Occidentaux », leur explique Korchane. Merci pour Rémi Brague, Jacqueline Chabbi, Gilles Kepel et tous les autres. L’animateur veut-il dire que des non-musulmans ne sont pas légitimes pour parler d’islam ? Contrairement à ce qu’affirme la présentation de l’atelier, il ne s’agit donc pas tant d’apporter aux enfants des connaissances historiques que de référer l’histoire de leur religion aux seules sources reconnues par les croyants, le Coran et la Sunna. L’atelier d’écriture du centre Léo-Lagrange devient ainsi un cours d’exégèse coranique, comme le montrent quelques passages du film.
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Critique victimaire de la laïcité
Les séances s’organisent autour de deux thèmes récurrents, toujours mis en miroir : les femmes voilées et la laïcité, la seconde privant les premières de leur liberté. « Que les femmes retrouvent leur liberté ! » slament les jeunes participants. Comme l’islam, la laïcité est une grande incomprise, explique l’animateur : ainsi, Aristide Briand aurait écrit la loi de 1905 pour autoriser les processions catholiques (interdites dans la première version de la loi).
Réduction du « féminin en culture d’islam » aux femmes voilées, obsession du voilement et critique victimaire de la laïcité : on retrouve là des motifs chers à l’islam politique. Certes, il arrive que les enfants les reprennent : l’un prie à la mosquée pour « gagner des points de paradis », l’autre oppose la femme voilée à la femme dénudée, l’autre encore regrette l’Algérie « où il y a plus de liberté ». Tous considèrent que les djihadistes sont « des fous » égarés. Cependant, les scènes les plus intéressantes du documentaire sont celles où, hors atelier, ils expriment librement leurs désirs, leurs sentiments, leurs rêves. Pas en tant que musulmans. En tant qu’enfants.
« Slams sous la lune », Un documentaire d’Armand Bernardi, multidiffusé sur Public Sénat (canal 13)
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