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Rétropédalage vers l’Hémicycle


Rétropédalage vers l’Hémicycle

« Le retour des morts-vivants. » Voilà la plaisanterie qui a fait rire pas mal de monde à l’Assemblée nationale, fin décembre. Le come-back des ministres virés de « Fillon IV » à leur poste de député a donné lieu à une chouette bousculade entre télés et radios pour arracher le premier son de Jean-Louis Borloo réinstallé dans son fauteuil d’élu valenciennois ou le premier grognement d’indépendance de l’ex-ministre de la Défense, Hervé Morin.

Reprenons : depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les ministres peuvent automatiquement retrouver leur siège à l’Assemblée sans avoir à passer par une élection partielle où, comme chacun le sait, l’électeur est trop souvent partial. Trente jours après leur éjection du gouvernement, le temps de renvoyer le suppléant à son métier de doublure, ils reviennent donc désormais dans l’Hémicycle. On s’était pourtant habitué à voir Cécile Gallez, baptisée peu élégamment « Mamie Nova », occuper le siège de Borloo depuis dix ans. Oui, ça fait dix ans qu’il est ministre… Mais personne n’a en tête le nom du suppléant d’Éric Woerth, ou de celui d’Hervé Novelli.

Il faut se souvenir que ce retour automatique avait été décidé par le président de la République pour régler certains cas particuliers de ministres qu’il souhaitait nommer, mais dont il redoutait l’échec à une législative partielle en cas de retour à la vie commune parlementaire. Va donc pour le retour automatique, équivalent politique du « ceinture et bretelles ». Cette disposition avait été supprimée par de Gaulle, celui-ci considérant que les ministres de la IVe, qui avaient la certitude de retrouver leur siège, n’étaient guère fiables et prenaient avec un peu de légèreté leurs obligations de solidarité gouvernementale. Evidemment, avec Sarkozy, tout a changé. On dirait qu’il ne craint pas les dissidents. Il a bien plus peur des électeurs…

Ce retour est devenu en lui-même un objet de commentaire néo-politique : « Alors, Éric Woerth, ça vous fait quoi d’avoir un tout petit bureau, après avoir été ministre ? » « Jean-Louis Borloo, le terrain, ça vous manquait ? » Y’a plus de saisons, celle du marron glacé est devenue aussi celle du marronnier. Christian Estrosi, fidèle parmi les fidèles, lui itou revenu au régime ordinaire de la République, fuit les médias. Comme Woerth… mais, dans ce dernier cas, c’est peut-être pour d’autres raisons… Qu’on se rassure, l’ardeur médiatique n’a duré qu’un jour, le temps d’épuiser les images d’Hervé Morin se déclarant soulagé, heureux d’avoir pu « déjeuner avec sa fille », ou de Borloo feignant de fuir les caméras en lançant aux journalistes qui lui couraient après : « Je vous aime ! »

La politique du golden-parachute à cocarde

Pour être exhaustif, il faut noter que cette politique du golden parachute à cocarde dépasse les frontières de l’Assemblée. Il n’y a qu’à voir comment d’autres anciens ministres, pourtant qualifiés de turbulents, ont été rattrapés au vol : Rama Yade, disgraciée, aurait pu retourner au Sénat dans son emploi d’administrateur, auquel elle semblait terriblement attachée − elle a dû y faire référence onze à douze mille fois depuis qu’elle existe publiquement. On lui a néanmoins refusé le bonheur de retrouver son administration d’origine pour la forcer à accepter le poste d’ambassadeur à l’Unesco. On murmure que Fadela Amara, elle aussi, finira par bénéficier d’une nomination quelque part. Comme Xavier Darcos en son temps (il a hérité de Culture France, le bras armé de nos Arts et lettres à l’étranger), Roger Karoutchi nommé à l’OCDE (alors qu’il ne parle pas un mot d’anglais), ou Christine Boutin bénéficiant d’une mission sur les conséquences sociales de la mondialisation avant de rendre, sous la pression médiatique mais avec une certaine classe, ses indemnités.

À l’arrivée, la République est bonne fille, même avec ses enfants indisciplinés. Et si les télés avaient voulu nous raconter, pour une fois, quelque chose d’intéressant, elles auraient mieux fait d’aller débusquer, au fin fond de leur mairie, les rares débarqués à qui on n’a rien proposé ou, mieux encore, ceux n’ont rien demandé en échange de leur potentielle capacité de nuisance…



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