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Obama sadise l’Europe


Obama sadise l’Europe
Obama décommande, sans même passer un coup de fil à Zapatero
Obama décommande, sans même passer un coup de fil à Zapatero
Obama décommande, sans même passer un coup de fil à Zapatero

Il arrive que l’on soit négligent avec ses amis, qu’on oublie de leur envoyer des vœux en janvier ou de souhaiter leur anniversaire. Sauf à être un adepte du freudisme de comptoir, on s’emploiera alors à « arranger les bidons », comme disent nos amis belges, pour qu’une relation chaleureuse ne vire pas en eau de boudin.

En revanche, si on accumule les vexations, petites ou grandes, envers ceux qui font partie du cercle de ses proches, ces derniers sont en droit de s’interroger sur les motivations de cette attitude.

L’Europe obamaniaque vient de prendre un sérieux coup sur la tête avec l’annonce cavalière du président américain de sa non-participation au sommet Union européenne/Etats-Unis prévu pour le mois de mai prochain à Madrid. Même pas un coup de téléphone à José Luis Zapatero, hôte de la réunion, un simple communiqué indiquant que Barack Obama avait des choses plus importantes prévues pour cette date, et basta !, comme on dit en Castille. Cette grossièreté calculée s’ajoute à une longue liste de râteaux pris par des dirigeants européens qui s’imaginaient occuper une place privilégiée dans le cœur du métis de Chicago. Nicolas Sarkozy ne cache plus son irritation devant les rebuffades qu’il n’a cessé de subir depuis un an. Angela Merkel n’a pas digéré qu’Obama sèche la célébration du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. Les Tchèques ont modérément apprécié que le discours de Prague d’avril 2009 soit le coup d’envoi d’un rapprochement avec Moscou au détriment des intérêts de sécurité des pays d’Europe centrale, mais qui se soucie des Tchèques ? Haïti ? Vous atterrirez quand je voudrai et où je voudrai ! Copenhague ? Allez jouer dans la cour à  » plus écolo que moi, tu meurs ! », pendant que je cause sérieusement avec les Chinois et les Indiens. Même un brave type pas américanophobe pour un rond, le roi Harald de Norvège, a droit à sa petite humiliation : Barack n’a pas daigné aller goûter son saumon fumé et son renne bouilli au banquet prévu à l’issue de la remise du Prix Nobel de la paix.

L’affront fait à Zapatero a provoqué, en France, un chœur de pleureurs et pleureuses obamaniaques sur le thème : il ne faut nous en prendre qu’à nous-mêmes si le bien-aimé président des Etats-Unis nous traite de la sorte. Si cette Europe unie, solidaire et parlant d’une seule voix existait, nous ne serions pas snobés de manière aussi massive par celui dont nous avions accueilli l’élection comme l’arrivée d’un Messie ayant chassé l’Ange de la mort.

En nous châtiant, ajoutent ces suspects habituels du commentaire inspiré, Barack Obama nous renvoie à une triste réalité dont nous serions collectivement responsables : l’impossibilité de construire cette Europe-puissance qui nous permettrait de peser aussi lourd sur la scène politique planétaire que l’ensemble des pays européens dans l’économie mondiale.
Non seulement il nous traite mal, mais en plus il ne nous écoute pas, ajoutent les plus amers, en soulignant le peu de cas fait par le département d’Etat et le Pentagone des avis formulés par les Européens sur la stratégie à mener en Afghanistan, où nos braves soldats viennent se faire trouer la peau, et nos vaillants journalistes sont accueillis plus longtemps que prévu dans des paysages magnifiques. Napoléon demandait-il des conseils stratégiques aux princes d’opérette qui envoyaient quelques-uns de leurs meilleurs soldats jouer les supplétifs dans la Grande Armée ?

Tout cela se tient, mais à quoi sert-il de gloser à l’infini sur une situation dont on sait maintenant qu’elle ne peut être modifiée, du moins à vue humaine ? Le premier qui parle de pessimisme de l’intelligence et d’optimisme de la volonté a gagné un dîner avec Catherine Ashton.

À supposer même qu’une politique étrangère commune substantielle puisse être adoptée et mise en œuvre par l’UE, quel gouvernement serait disposé à en payer le bras armé sans lequel une diplomatie n’est que paroles verbales ? Cela supposerait au moins le doublement des budgets de défense des pays membres de l’UE. Comme nous le signale Jean Guisnel dans son indispensable blog du Point : « Barack Obama a présenté pour l’année fiscale 20 un budget militaire qui s’élève à 768 milliards de dollars (552,11 milliards d’euros), soit 17 fois le budget français de 2010, qui s’élève à 45,2 milliards de dollars (32,5 milliards d’euros). Si on utilise le critère de la dépense militaire par habitant, on obtient 514 euros en France (nourrissons et centenaires compris), et 1.862 euros aux États-Unis. »

Les vraies inquiétudes qui peuvent être formulées après un an de présence d’Obama à la Maison Blanche ne concernent pas son attitude vis-à-vis de l’Europe, mais son bilan global en matière de politique internationale. D’ailleurs, s’il ne vient pas à Madrid, c’est peut-être aussi parce qu’il n’est pas très fiérot de ce qu’il a accompli au cours de cette première année de mandat. Passons rapidement sur le blocage du processus de paix israélo-palestinien. L’administration américaine, par la voix d’Hillary Clinton a eu le fair-play de reconnaître qu’elle s’était plantée en voulant tordre le bras à Benyamin Netanyahou.

L’affaire iranienne est plus préoccupante et laisse entrevoir un réel amateurisme d’Obama et de ses proches conseillers dans la gestion des affaires du monde.

Le plan Obama pour empêcher l’accession de l’Iran à l’arme nucléaire avait pourtant tout pour séduire. Au lieu de menacer Téhéran des foudres de l’US Air Force et de l’US Navy réunies si Mahmoud Ahmadinejad persistait dans son projet atomique, on tente d’encercler diplomatiquement le régime des mollahs. On abandonne le projet de bouclier antimissile est-européen pour amadouer Moscou, et on soutient Pékin à Copenhague sur la question du CO2. Les Chinois et les Russes prennent, font quelques déclarations plus ou moins claires sur leur réprobation de la nucléarisation iranienne, et profitent de la première occasion pour rompre quelques lances avec Washington, histoire de bien faire comprendre qu’il est « prématuré » ou « contre-productif » de mettre en place de vraies sanctions contre Téhéran, dernière tentative avant que la poudre ne soit obligée de parler…Les Chinois se permettent même de montrer les dents, comme au bon temps de Mao, en menaçant Washington de représailles si Obama persiste à livrer des armes à Taïwan et à vouloir recevoir le Dalaï-Lama. Pure gesticulation, dès lors que la supériorité militaire de Pékin sur Taïpeh ne saurait être remise en cause par quelques avions ou vedettes supplémentaires fournies par les Etats-Unis, et que le département d’Etat et la Maison Blanche ont toujours su résister aux pressions d’un lobby pro-tibétain très actif au Congrès.

Pour dresser les fauves de cirques, il existe paraît-il deux méthodes : « en douceur » et  » en férocité ». Les Bouglione sont des gens sérieux, si la première ne marche pas, on prend l’autre.

Mars 2010 · N° 21

Article extrait du Magazine Causeur



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