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Avec Macron, un chat ne s’appelle plus un chat

Le billet d'Ivan Rioufol


Avec Macron, un chat ne s’appelle plus un chat
Emmanuel Macron lors de la rencontre avec les natifs et les élus de Nouvelle-Calédonie, le 23 mai 2024 © LUDOVIC MARIN-POOL/SIPA

Pour qualifier la révolte ethnique canaque en cours en Nouvelle-Calédonie, le président utilise des mots inadéquats – un peu comme ses députés préfèrent parler de « fin de vie » à la place d’ « euthanasie »


Surtout, ne pas appeler un chat un chat : le procédé est abondamment utilisé par Emmanuel Macron pour entretenir la confusion intellectuelle et la dissimulation des intentions. Platon déjà s’inquiétait de ce travers : « La perversion de la cité commence par la fraude des mots ». 

Dimanche, dans Le Parisien, le chef de l’État a ainsi récusé l’existence d’une révolte canaque et d’une guerre civile en Nouvelle-Calédonie, pour préférer n’y voir que « du grand banditisme », à l’image des émeutes de juin-juillet 2023 en métropole. « À trop vite nommer les choses, on les justifie ou on les installe », a-t-il expliqué. Rien n’est moins convaincant, pourtant, que ce déni d’un conflit racial et décolonial.

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De la même manière, dès ce lundi, les députés vont commencer l’examen du projet de loi sur « l’aide à mourir » : un texte où les mots « euthanasie » et « suicide assisté » n’apparaissent pas, alors que le gouvernement entend accélérer dans ces directions, en permettant à l’État intrusif de mettre son nez dans l’intimité la plus sacrée de l’homme. L’euphémisation des réalités par le détournement des mots est un confort intellectuel. Il a permis à la classe politique, depuis cinquante ans, d’ignorer les assauts menés contre la cohésion nationale par l’immigration de peuplement et la tyrannie des minorités ethniques. Or cette « déréalisation du monde », que dénonce le philosophe Jacques Dewitte[1], aboutit à la « dépossession du rapport à la réalité », au profit d’un monde indifférencié. Comment répondre à des faits hétérogènes s’ils ne sont pas préalablement séparés, identifiés, nommés par leur nom ?

En Nouvelle-Calédonie, c’est la guerre civile !

Quand Péguy dit de l’homme moderne qu’ « il ne croit pas en ce qu’il dit », il pointe l’usage abusif des mots creux et de la jactance. La politique y recourt pour dissimuler des insincérités et des mensonges. Mais Macron s’est fait, plus que d’autres, une spécialité de ces flots verbeux censés éteindre des feux. Or son savoir-faire, qu’il veut réitérer en proposant en urgence un inutile débat avec Marine Le Pen, brasse du vent. N’en déplaise au président de la République, c’est une guerre civile qui s’installe en Nouvelle-Calédonie, avec l’appui d’une délinquance mafieuse qui s’épanouit en jouissant du désordre. Cette guerre oppose, par les armes et la terreur, des canaques à des blancs, sur fond d’État faible qui avance l’ « apaisement » pour masquer ses reculades. Quant à la « loi de fraternité » promise derrière « l’aide à mourir », qui sera débattue jusqu’au 11 juin, elle laisse voir un monde déshumanisé dont le nihilisme effraie soignants et religieux. Au nom de la technique et de la rationalité des choix hospitaliers, les plus vulnérables se verront de plus en plus confrontés, dans leur statut d’encombrants, à leur inutilité sociale et à leurs coûts pour la collectivité ou les mutuelles. Déjà, le « pronostic vital engagé » a été supprimé en commission spéciale pour alléger le processus de mise à mort, présenté comme un acte de soin. Un « délit d’entrave » ouvre la voie à un système d’épuration des vieux, coupables d’être improductifs. La macronie veut y voir un « progrès sociétal ». Décidément, les mots ne veulent plus rien dire.


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Journaliste, éditorialiste, essayiste. (ex-Le Figaro, CNews, Causeur)

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