Accueil Politique Nahel: Anne-Laurence Petel n’a pas sa langue dans sa poche

Nahel: Anne-Laurence Petel n’a pas sa langue dans sa poche

Être délinquant n'est pas un crime!


Nahel: Anne-Laurence Petel n’a pas sa langue dans sa poche
La députée Anne-Laurence Petel, Aix Les Milles, 27 janvier 2023 © Alain ROBERT/SIPA

La députée « Renaissance » des Bouches-du-Rhône brise l’omerta politique sur le parcours du jeune de Nanterre, jeune dont la mort a provoqué des émeutes sans précédent dans nos banlieues.


Depuis le 27 juin, cela commençait à faire long !

À la suite de la mort de Nahel, on avait eu le ridicule et mièvre tweet de Kylian Mbappé avec « son petit ange monté au ciel ». On avait eu une infinité de réactions politiques et médiatiques déplorant le « meurtre » de Nahel (selon la qualification pénale adoptée par le parquet de Nanterre), mais demeurant dans un non-dit sur le comportement antérieur de celui-ci – non seulement lors de la journée tragique mais dans la période la précédant. La frilosité du vocabulaire concernant Nahel, âgé de 17 ans, apparaissait comme le comble de la dignité jusqu’au moment où, enfin, une députée « Renaissance », Anne-Laurence Petel, exaspérée par cette euphémisation et sans doute beaucoup plus courageuse que ses collègues de tous bords, a parlé de Nahel comme d’un « délinquant » tout en ajoutant que rien ne justifiait sa mort.


Les outrances sans fin de l’extrême gauche

Immédiatement, deux « chiens de garde », pour reprendre une expression qu’affectionne Jean-Luc Mélenchon, Sandrine Rousseau d’EELV et Antoine Léaument de LFI, l’ont reprise vertement, l’une en lui demandant ce qu’elle aurait dit s’il s’était agi de son fils – ce qui est une réflexion inepte puisque la représentation nationale se doit d’échapper à sa subjectivité et à ses humeurs – et l’autre en lui reprochant de ne pas aller au bout de sa pensée qui était de légitimer et de vouloir la mort de Nahel. Alors qu’Anne-Laurence Petel a déclaré explicitement le contraire, mais peu importe pour le député Léaument puisqu’il est hors de question de juger ses adversaires à partir de leurs propos exacts mais seulement en fonction de ceux qu’on aurait aimé les voir prononcer et qu’on leur prête avec malignité et malhonnêteté. Cette mauvaise foi trop fréquente explique pourquoi nos débats politiques, l’espace démocratique sont encombrés, gangrenés par de fausses controverses, des procès inventés qui n’ont rigoureusement rien à voir avec la vérité. Puisqu’elle intéresse peu de monde, en tout cas bien moins que l’effervescence fabriquée d’empoignades fondées sur rien, fictives par volupté d’en découdre.

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Anne-Laurence Petel a-t-elle eu tort de traiter Nahel de « délinquant » ? Certes, apparemment, ce jeune homme avait un casier judiciaire : néant. Mais il était titulaire de douze mentions au fichier des antécédents judiciaires : plusieurs refus d’obtempérer, stupéfiants, conduite sans permis, peut-être à chaque fois au volant du véhicule Mercedes orange avec une plaque d’immatriculation polonaise en cause le 27 juin. « Un puissant trafic de voitures polonaises source de nombreux délits » pourrait être concerné, selon Le Figaro. Au regard de ces éléments incontestables, ne devrait-on pas au contraire féliciter cette députée Renaissance d’avoir pris la liberté et eu le courage de nommer sans fard le réel ?

Si Nahel n’était pas un délinquant, comment qualifier les jeunes des quartiers qui se sont toujours comportés correctement ?

J’entends bien qu’un certain nombre de députés, pas seulement à gauche et à l’extrême gauche, sont persuadés que la litote, l’euphémisation, le détournement du langage à des fins prétendument humanistes permettent d’occulter la réalité malfaisante qu’ils ne parviennent pourtant pas à recouvrir. C’est le contraire qui se produit : à force de croire embellir la crudité du réel par le simulacre de mots délibérément mal choisis, on aggrave le premier et on offense les seconds. Anne-Laurence Petel ne s’est pas contentée de ne pas reculer d’un pouce, elle a argumenté sur un mode très convaincant. Ne pas qualifier Nahel comme il convient a eu pour conséquence la confusion de sa destinée singulière avec sa conclusion tragique avec celle de beaucoup d’autres jeunes des quartiers sans antécédents judiciaires ni condamnations. Si Nahel n’est pas un délinquant, comment faudra-t-il nommer tous les adolescents et jeunes gens qui dans les cités et les quartiers, malgré parfois les réelles difficultés de leur existence, se sont toujours comportés correctement, honorablement ? A force de confondre sans cesse le bon grain et l’ivraie, on dégrade, on efface le premier par une confusion opérée par faiblesse ou démagogie en faveur de la seconde.

J’ajoute un autre effet délétère de cette euphémisation perverse du réel. La volonté d’ennoblir à toute force les péripéties antérieures à la mort et de postuler l’absolue moralité de celui qui s’y est trouvé impliqué (ce qu’on a fait trop longtemps avec Nahel) a pour conséquence de décréter quasiment par principe et obligation l’absolue culpabilité (avant l’heure) du fonctionnaire de police concerné, gardé à vue, mis en examen et incarcéré. La dénaturation de la vérité en amont réduit à presque rien la présomption d’innocence en aval. Être délinquant n’est pas un crime. Encore moins, de l’affirmer quand c’est une évidence.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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