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Les Midterms 2022: une nouvelle victoire de Trump ?

Ses adversaires affronteront un homme toujours aussi pugnace, belliqueux et inébranlable.


Les Midterms 2022: une nouvelle victoire de Trump ?
Donald Trump, le 20/11/2022 / PHOTO: zz/Dennis Van Tine/STAR MAX/IPx/AP/SIPA / AP22742730_000005

Un Donald Trump nouveau annonce sa candidature pour 2024 et aborde tous les points de politique intérieure sous l’angle de la politique étrangère (son point fort). Ayant retrouvé l’usage de son compte Twitter, Donald Trump semble avoir le vent en poupe pour les prochaines élections présidentielles.


Les cycles politiques s’enchainent et ne se ressemblent pas. Une semaine, jour pour jour, après les Midterms, Donald Trump annonce sa candidature pour 2024. Le contraste avec sa déclaration spectaculaire de juin 2015, et sa célèbre descente de l’escalateur doré de la Trump Tower, est frappant. Cette fois-ci, son discours est sobre, laconique, presque ennuyeux pour ce personnage habituellement haut en couleurs. Il souhaite mettre fin à cette « pause » que représente selon lui le mandat de Joe Biden, cette « pause » qui retarde son objectif de redorer le blason des Etats-Unis, le fameux MAGA : « Make America Great Again ». Cette interruption dans sa présidence lui permet surtout d’adopter un nouveau positionnement politique qui annonce une primaire combative du côté des Républicains.

Voilà donc le nouveau Donald Trump : un homme mesuré, sérieux et appliqué. Un homme qui ressemble étrangement à son illustre rival, Ron DeSantis, considéré par les médias comme un Trump « sans les excès ». Mais le nouveau Trump se démarque tout de suite de ses rivaux éventuels. Il aborde en effet chaque sujet de politique intérieure sous l’angle de la politique étrangère dans un discours sans digressions ni parenthèses. Ses potentiels concurrents, gouverneurs ou sénateurs, sont distancés car ils ne peuvent rivaliser avec son bilan quasi irréprochable en politique étrangère. Il est en effet le premier président à ne pas partir en guerre depuis Carter. A son actif, il peut aussi ajouter la désescalade avec la Corée du Nord, le rééquilibrage de la balance commerciale avec la Chine ou encore la sortie de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Ainsi, au fil de sa déclaration de candidature, le projet se concrétise et l’audience est entrainée, projetée dans un futur qui fait de nouveau rêver, loin du quotidien inflationniste et morose post-Covid. Mais le nouveau Donald Trump n’a pas perdu les qualités de l’ancien. Ses adversaires affronteront donc un homme toujours aussi pugnace, belliqueux et inébranlable.

Son annonce de candidature le 15 novembre n’est pas un hasard et montre qu’il se sait en position de force. Il est même probablement le grand gagnant de ces élections. Les médias mainstream le savent et leur critique est d’autant plus sévère qu’ils essaient d’attribuer l’échec de la vague rouge et de la stratégie républicaine au seul Donald Trump. Cependant les chiffres ne sauraient tromper.

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Si le parti républicain ne récupère pas le Senat en 2022 et que le résultat global des Midterms peut donc être considéré comme une déception pour l’ensemble du parti républicain, le bilan personnel de Trump s’avère quant à lui impressionnant. En effet, sur les 34 sièges ouverts au vote en 2022, Trump a soutenu personnellement et publiquement 24 candidats dont 17 ont été élu, soit un taux de 74% de réussite, en attendant le vote en Géorgie qui pourrait être lui aussi favorable aux conservateurs. Encore plus significatif, à la Chambre des Représentants, que les Républicains récupèrent en 2022, sur les 219 élus Républicains (lise à jour mardi 22 novembre 2022), Trump en a soutenu 158 dont 147 ont été élus, soit un taux de réussite de 93%. Autre point clé passé sous silence, Trump renforce son influence sur le parti en sortant les candidats Républicains qui avaient voté en faveur de son impeachment. En particulier, Jaime Herrera Beutler, Peter Meijer, Tom Rice et Liz Cheney, tous éliminés dès les primaires. Sur les 10 Républicains qui avaient fait sécession, seuls 2 ont été réélus en 2022. Enfin, de manière générale, le vote populaire est significatif pour les Républicains avec 54 millions des voix contre 50 millions pour les Démocrates.

Outre la victoire personnelle de Trump, qui renforce son influence sur le parti, deux autres grandes leçons de ce scrutin sont importantes pour la présidentielle de 2024 et les élections à venir : la première est que le parti républicain enregistre des gains importants parmi les populations noires et hispaniques et en particulier chez les hommes. En effet, le vote noir masculin qui était à 76% en 2018 en faveur des Démocrates est tombé à 65% en 2022, soit un gain de 11% pour le parti conservateur. Le vote hispanique masculin lui aussi se rééquilibre et l’écart se resserre. Il passe de 29% en faveur des Démocrates à seulement 8% en 2022. Ces populations semblent avoir été sensibles au discours anti-woke du parti républicain, et en particulier à l’idéologie du genre considérée comme trop extrême ou trop éloignée de leur réalité et de leurs croyances traditionnelles. Le parti républicain enregistre là ses meilleurs scores parmi ces populations, historiquement majoritairement démocrates, depuis la fin des années 90 et la présidence de Bill Clinton. Même si seulement quelques états comme la Floride ou le Texas enregistrent en réalité la grande majorité de cette transformation.

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La deuxième leçon, peut-être encore plus importante pour les élections à venir, confirme une tendance nouvelle, celle d’un exode géographique nouveau sur fond de revendication politique. Ce mouvement a été initié par des personnalités du show-business comme Joe Rogan puis de la politique comme Dave Rubin ou Ben Shapiro, et il touche désormais même les classes moyennes. Les premiers ont fui les taux d’imposition confiscatoires d’états démocrates comme la Californie ou New York en faveur d’états comme la Floride et le Texas. Pour comparaison, en Floride, il n’y a pas d’impôt sur le revenu alors qu’en Californie, l’impôt sur le revenu est de 31% du salaire brut moyen. La Californie termine 48e sur 50 dans le classement des états les moins taxés selon la Tax Foundation. La classe moyenne fuit, quant à elle, plutôt pour des raisons sécuritaires. La crise des sans-abris s’aggrave d’année en année en Californie et les problèmes de drogue et d’insécurité qui l’accompagnent font l’objet de reportages toujours plus nombreux sur les chaines d’information américaines. Ces populations ont tendance à voter massivement pour le parti républicain dans les états qui les accueillent pour que la situation qu’ils fuient ne se répète pas. Les victoires de Marco Rubio et Ron DeSantis en Floride et de Greg Abbott au Texas sont symptomatiques de ces mouvements de population. Ils enregistrent des marges­­ de plus de 10 points en leur faveur dans des états auparavant considérés comme des swings states prenables par les Démocrates. Il faut ajouter à cela que, dans ces deux états, les Républicains ont accentué la lutte anti-fraude électorale avec les lois S.B.1, FL S 524 and FL H 7061 qui renforcent notamment le contrôle des pièces d’identité ou instaurent des audits aléatoires pour vérifier les listes électorales.

Ces évolutions viennent peu à peu faire changer la liste des swing states, si cruciaux pour l’élection présidentielle. Si le Texas et la Floride semblent désormais acquis aux Républicains pour les années à venir, la Pennsylvanie, le Michigan et l’Arizona semblent difficilement prenables en 2024 pour le parti conservateur. Seuls 4 états semblent encore pouvoir basculer entre les deux partis (Géorgie, Caroline du Nord, Wisconsin et Nevada) mais seront insuffisants pour permettre aux Républicains de gagner la présidentielle. Ces derniers ont désormais deux ans pour parfaire leur stratégie politique et tenter de conquérir définitivement ces 4 états ainsi qu’au moins un des 3 états que sont la Pennsylvanie, le Michigan et l’Arizona.

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La recette du succès est claire si l’on considère les leçons politiques des Midterms. Du côté des Républicains, les candidats qui ont gagné dans des circonscriptions serrées se sont concentrés sur des thèmes qui rassemblent au-delà des divisions droite/gauche: une gouvernance efficace (sans confinement ni dépenses dispendieuses des budgets étatiques), une croissance économique fondée sur une baisse des impôts et une lutte contre l’inflation, une sécurité accrue et une immigration choisie, une lutte contre le wokisme et la théorie du genre, et enfin, un renforcement des dispositifs de lutte contre la fraude électorale. Du côté des Démocrates, les thèmes trop extrêmes comme le wokisme et le renforcement du droit à l’avortement semblent avoir été un repoussoir. A l’inverse, le discours alarmiste de fin de campagne de Joe Biden, comme quoi la démocratie serait en péril à cause des « ultra MAGA », semble avoir porté ses fruits, en particulier dans la population féminine qui représente toujours plus de la moitié de l’électorat démocrate. Les défaites médiatiques de Blake Masters et de Kari Lake en Arizona, d’Adam Laxalt au Nevada et de Mehmet Oz en Pennsylvanie semblent le prouver. Certains candidats Démocrates comme Jared Golden, Jared Polis et Josh Shapiro ne s’y sont pas trompés non plus et ont largement battu leurs adversaires Républicains en les attaquant sur leur extrémisme politique. Cependant, il faut noter que ces candidats se sont aussi éloignés de la ligne du parti démocrate et ont rassemblé au-delà des divisions droite/gauche avec des positions claires pour une gouvernance efficace (refus de remettre les masques en place, contrôle des dépenses étatiques) ou en prônant une politique énergétique plus conservatrice et plus économique en incluant l’utilisation d’énergies fossiles.

L’annonce de la candidature de Donald Trump intervient donc dans un contexte politique nouveau. Son influence sur le parti est immense et son retour sur Twitter intervient au meilleur moment pour lui. En effet, les Républicains sont décidés à mener la vie dure aux Démocrates à la Chambre des Représentants. En particulier, ils s’apprêtent à enquêter sur le fiasco du désengagement en Afghanistan d’août 2021, à dissoudre le comité qui s’intéresse à l’émeute du 6 janvier 2021 et à créer un nouveau comité pour enquêter sur la gestion de fin de crise du Covid et les agissements du Dr Fauci. Peut-être plus important encore pour 2024, un dossier jusqu’à présent enterré par les médias risque de frapper de plein fouet la Maison Blanche. Hunter Biden, le fils de Joe Biden, est sous les feux des projecteurs car il est soupçonné de divers crimes, et notamment de corruption alors que son père était Vice-Président sous Barack Obama. Ces investigations, associées à la caisse de résonance médiatique amplifiée de Trump, ainsi qu’aux changements des algorithmes de Twitter, désormais plus neutres politiquement, vont certainement rabattre les cartes. Cependant, il n’est pas certain que cela suffise à faire basculer la Pennsylvanie, le Michigan ou l’Arizona lors des présidentielles de 2024. Le parti républicain semble avoir sa feuille de route toute tracée. A l’inverse, le parti démocrate va avoir besoin de renforcer sa stratégie et de trouver de nouveaux donateurs s’il ne veut pas que le mandat de Joe Biden ne soit qu’une « pause » historique comme l’annonce aujourd’hui Donald Trump.



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Pierre-Antoine Fèvre vit à l'étranger depuis plus de 10 ans. Il est membre de l'Institut de Formation Politique depuis 2014 et est spécialiste de politique étrangère anglo-saxonne.

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