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Le prix Nobel de littérature ne pouvait pas échapper à Annie Ernaux

Annie Ernaux, une lauréate politiquement correct.


Le prix Nobel de littérature ne pouvait pas échapper à Annie Ernaux
Annie Ernaux lors d'une conférence de presse à Paris le 6 octobre 2022 Michel Euler/AP/SIPA AP22726836_000019

Annie Ernaux mérite-t-elle le prix Nobel de littérature ? Pour notre chroniqueur, Didier Desrimais, le choix de la romancière par l’Académie suédoise est moins littéraire que politique, voire politiquement correct.


Annie Ernaux a obtenu le Prix Nobel de littérature 2022. C’était prévisible. La platitude autobiographique, l’absence de style, la bien-pensance gauchisante, la simplicité du binarisme sociologique à la Bourdieu appliqué à la littérature la plus décharnée et l’égocentrisme camouflé derrière un misérabilisme social devenu un fonds de commerce littéraire étaient déjà les gages d’une reconnaissance de la caste médiatico-littéraire. Mais Annie Ernaux n’est pas qu’une écrivaine sans style. Elle est également une autrice engagée – chose qui n’est reconnue et n’a d’intérêt aux yeux de presque tous les journalistes et jurés littéraires du monde que si cet engagement penche ostensiblement à gauche.

Sa tribune pour dénoncer le « pamphlet fasciste » de Richard Millet a porté à la connaissance du monde (et aux quelques lecteurs du Monde qui avait jusqu’alors échappé à ce lavement) le style scolaire et administratif qui a fait le succès de Mme Ernaux (1). « Je suis contente d’avoir quand même changé des choses dans la littérature [sic], je crois avoir fait en sorte qu’il n’y ait plus cette espèce d’admiration inconditionnelle pour la joliesse, la belle phrase, la rhétorique », déclarera-t-elle au M Le magazine du Monde, le 26 avril 2019. La commissaire littéraire de Gallimard a effectivement changé des choses dans la littérature française. Comme l’écrira Benoît Duteurtre dans Le Figaro du 23 mars 2017, Ernaux et les signataires de sa tribune « allaient accomplir ce qu’on avait rarement vu, même en Union soviétique : une pétition d’écrivains dirigée contre un écrivain ; confrérie rassemblée non par solidarité, mais par la volonté d’éliminer une brebis galeuse ».

Personne n’est dupe : ce n’est bien sûr pas le très court et discutable Éloge littéraire d’Anders Breivik qui a chagriné Ernaux et toute sa clique d’écrivains délateurs (Le Clézio en tête) mais, en première partie de cet ouvrage, le long texte intitulé Langue fantôme dans lequel Richard Millet dénonçait la « paupérisation littéraire » dans un « pays entièrement soumis au régime des prix littéraires » où « la médiocrité des livres couronnés est le mètre étalon de l’idéal littéraire ». Annie Ernaux a avalé de travers ce juste état des lieux de la culture française, entre autres la paupérisation de la langue et de la littérature dont elle est une des plus éminentes représentantes. Millet ayant littérairement fait mouche, Ernaux usa de sa plume bureaucratique pour écrire une tribune vengeresse derrière laquelle se rangèrent tous ceux qui se sentirent visés par Langue fantôme. Et ils étaient nombreux. Comment se venger ? En dégainant le mot magique, le mot « fasciste » ; et en lâchant la meute des romanciers sous-doués sur les traces d’un écrivain ayant le tort de choyer la langue et l’histoire de son pays et quelques livres anciens. Le résultat ira au-delà des espérances du commissaire politique Ernaux : Richard Millet succombera sous les coups des lâches et des jaloux dont Patrick Besson se moquera hardiment dans un article judicieusement intitulé « La liste Ernaux » (2). Quant à Bruno Lafourcade, qui sait depuis longtemps qu’Annie Ernaux est dans « l’ordre des choses » contemporain, il écrira : « On ne se comporte pas comme ça ; ou alors, après, on meurt de honte. Je constate que Mme Ernaux est toujours en vie : c’est son droit ; le mien est de la mépriser : ça m’évite de la haïr. » (3)

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Annie Ernaux aime les pétitions. Quand elle n’en écrit pas, elle en signe. Ainsi, elle signa celle, parue dans Le Monde, affirmant que Houria Bouteldja n’est pas antisémite mais est une « authentique militante décoloniale » salie par une « campagne diffamatoire » diligentée, devinez par qui, par « l’extrême-droite », bien sûr. Il faut dire que « l’anti-sionisme » de Mme Bouteldja parle à Mme Ernaux qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne porte pas Israël dans son cœur. En mai 2018 elle signe une pétition parue sur le site de Médiapart et appelant au boycott de la « Saison France-Israël » au motif que cette dernière serait « en réalité l’un des moyens mis en œuvre par le gouvernement israélien pour redorer le blason de l’État d’Israël, passablement terni par sa politique chaque jour plus dure à l’encontre des Palestiniens ». Un an plus tard, Annie Ernaux signe une nouvelle tribune sur Médiapart pour dénoncer l’Eurovision 2019 qui doit se dérouler à Tel-Aviv et pour appeler « France Télévisions et la délégation française à ne pas servir de caution au régime israélien ». Enfin, en juin 2021, toujours sur Médiapart, elle paraphe une « Lettre contre l’apartheid » appelant les États, les particuliers et les artistes à soutenir la lutte palestinienne – on sait ce que cela veut dire.

Lorsque Annie Ernaux s’interroge sur le voile islamique, elle se demande surtout si, à propos  de polémiques comme celle sur le hijab de course proposé par Décathlon, « les opposantes à cet accessoire » n’ont pas surtout oublié la « sororité » (4). Elle trouve ces campagnes contre le voile trop agressives : « Violence, parce que sous couvert de défendre la liberté et l’égalité, dans les faits on tente de limiter le droit des femmes qui portent le hijab, ici, à faire du sport, là à chanter dans un télé-crochet (Mennel), à militer (Maryam Pougetoux), […] naguère à fréquenter les plages et se baigner. Bref, c’est de la vie collective qu’on cherche à les écarter ». Dans ce style cuculapralinien qui a fait son succès, elle demande : « Pourquoi refuser aux individus un droit qui ne retire rien aux autres ? » Puis, complètement égarée : « Qui suis-je pour obliger d’autres femmes à se libérer sans délai de la domination masculine ? » Enfin, son Bourdieu annoté par Éribon et Lagasnerie sous le coude, elle affirme : « Vouloir comprendre le sens de la pratique du hijab, ici et maintenant, c’est ne pas le séparer de la situation dominée des immigrés en France, ni par ailleurs des bouleversements, des mutations, de l’anomie même, des sociétés occidentales actuelles. C’est reconnaître dans celle qui choisit de le porter la revendication visible d’une identité, la fierté des humiliés. » C’est beau comme du Rokhaya Diallo (ou du Éric Fassin).

Cet engouement pour la délation professionnelle, la dénonciation efficace et l’indignation dirigée ayant été largement documenté, personne ne s’étonnera d’apprendre qu’Annie Ernaux est un soutien inconditionnel du parti islamo-gauchiste de Jean-Luc Mélenchon, pour qui elle appelle à voter à chaque élection. Elle a rejoint fin 2021 le Parlement de l’Union populaire – officine qui ne sert à rien d’autre qu’à faire croire que Mélenchon écoute l’avis « des gens » de différents milieux, y compris du « milieu culturel ». Le chef des Insoumis a pleuré de bonheur en apprenant la nouvelle du prix Nobel de littérature remis à son écrivain préféré.

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L’écriture fade et monotone d’Annie Ernaux devait immanquablement conduire l’Éducation nationale à se pencher sur cette œuvre sans relief. Certains professeurs n’hésitent pas à choisir les passages les plus atones de cette littérature anémiée pour parachever l’absence de goût littéraire apprise à leurs élèves. Annie Ernaux est devenue presque incontournable dans les épreuves littéraires de l’ENS. Son dernier livre – 28 pages insignifiantes sur une relation sans intérêt entre un jeune homme abruti et une femme de trente ans son aînée qui n’en revient pas d’être devenue une bourgeoise – devrait connaître un grand succès dans les coursives scolaires et universitaires : court, creux, soporifique, ce texte présente l’intérêt, d’après la quatrième de couverture, d’être « une clé pour lire l’œuvre d’Annie Ernaux ». Il n’est pas impossible que les membres de l’Académie suédoise se soient contentés de la lecture de ce minuscule opuscule ainsi que de la réputation progressisto-gauchiste de son autrice pour attribuer leur prix après une soirée bien arrosée au cours de laquelle ils ont rédigé une note ébouriffante dans laquelle ils déclarent avoir voulu saluer « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ». Hips !

Conclusion en forme de prévision. En toute logique, Virginie Despentes devrait obtenir le Graal suédois vers 2042, après la parution de son roman intitulé Enculez-les ! – un « ouvrage percutant sur la manière dont les minorités racisées et transidentitaires comptent se venger du pouvoir blanc et hétéro-patriarcal », écrira Paul B. Preciado dans Libération. Elle a bien sûr d’ores et déjà toutes les qualités requises. Mais elle est encore un peu jeune. Nul doute que les vingt prochaines années verront ces qualités s’augmenter de quelques nouveaux écrits « engagés » sur et pour le voile islamique, les migrants, la fluidité sexuelle, la libération de la parole des trans, et quelques autres sujets « sociétaux » lui permettant d’écrire avec un vocabulaire de plus en plus restreint, dans un style de plus en plus étriqué, sur un sujet de moins en moins original et de plus en plus ennuyeux, à savoir elle-même, des livres inconséquents et destinés, comme ceux d’Annie Ernaux, à finir dans la gigantesque poubelle de l’histoire de la littérature française.

(1) Tribune parue dans Le Monde du 10 septembre 2012.

(2) La liste Ernaux, article paru dans Le Point le 20 septembre 2012.

(3) Les cosaques et le Saint-Esprit, La Nouvelle Librairie, 2020, p. 287. (4) Tribune parue dans Libération le 13 mars 2019.

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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