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Israël et Gaza, l’illusion de la paix

Le 7 octobre 2023 est une journée historique. Israël déplore 700 morts et plus de 2000 blessés suite aux attaques terroristes du Hamas


Israël et Gaza, l’illusion de la paix
Les soldats israéliens se dirigent vers le sud du pays, proximité d'Ashkelon, Israel, 7 octobre 2023 © Ohad Zwigenberg/AP/SIPA

L’attaque coordonnée du Hamas sur Israël, qui indigne le monde entier sauf LFI, suggère à notre chroniqueur un modus vivendi entre Juifs et Palestiniens d’un nouveau genre : vae victis ! On fait la paix avec un ennemi, pas avec des exterminateurs.


 « Lois de la guerre » est une expression rhétorique qui a aussi peu de sens — sinon celui de la dérision — que la fameuse « raison du plus fort ». On sait commence se termine la fable du Loup et l’Agneau. On voit ces jours-ci où l’illusion d’une cohabitation sereine a amené l’État juif.

Les Palestiniens ont perdu toutes les guerres qu’ils ont entreprises, mais sans cesse ils en commencent une autre — parce qu’ils ne visent pas la victoire, mais l’extermination. Qu’Israël s’accroche quand même au rêve de vivre côte à côte avec des gens qui vous égorgeront à la première occasion témoigne d’une grande naïveté, camouflée sous le joli vocable de « Droits de l’homme » et autres foutaises qui n’ont pas cours en temps de guerre. Parce que la guerre est justement la suspension des lois civiles, fort utiles en temps de paix, fort dangereuses en temps de guerre. Laisser guerre et paix coexister procède d’une impardonnable illusion. Et de toute façon, la force prime le droit — et il est des peuples qui ne respectent que la force, parce qu’ils ignorent le droit.

Revenons aux grands théoriciens :
« Quand les États conquis sont, comme je l’ai dit, accoutumés à vivre libres sous leurs propres lois, le conquérant peut s’y prendre de trois manières pour s’y maintenir : la première est de les détruire ; la seconde, d’aller y résider en personne ; la troisième, de leur laisser leurs lois, se bornant à exiger un tribut, et à y établir un gouvernement peu nombreux qui les contiendra dans l’obéissance et la fidélité : ce qu’un tel gouvernement fera sans doute ; car, tenant toute son existence du conquérant, il sait qu’il ne peut la conserver sans son appui et sans sa protection ; d’ailleurs, un État accoutumé à la liberté est plus aisément gouverné par ses propres citoyens que par d’autres.

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« Les Spartiates et les Romains peuvent ici nous servir d’exemple. Les Spartiates se maintinrent dans Athènes et dans Thèbes, en n’y confiant le pouvoir qu’à un petit nombre de personnes ; néanmoins ils les perdirent par la suite. Les Romains, pour rester maîtres de Capoue, de Carthage et de Numance, les détruisirent et ne les perdirent point. Quiconque ayant conquis un État accoutumé à vivre libre, ne le détruit point, doit s’attendre à en être détruit. Dans un tel État, la rébellion est sans cesse excitée par le nom de la liberté et par le souvenir des anciennes institutions, que ne peuvent jamais effacer de sa mémoire ni la longueur du temps ni les bienfaits d’un nouveau maître. Quelque précaution que l’on prenne, quelque chose que l’on fasse, si l’on ne dissout point l’État, si l’on n’en disperse les habitants, on les verra, à la première occasion, rappeler, invoquer leur liberté, leurs institutions perdues, et s’efforcer de les ressaisir. »

On aura reconnu Machiavel (Le Prince, chap. V), qui avait approfondi les mécanismes du pouvoir et de la survie. De Carthage, les Romains n’ont rien laissé : ils ont tué les hommes, amené femmes et enfants en esclavage, loin de leur terre, et rasé la ville — si bien qu’on a mis des siècles à retrouver la trace de l’ancienne cité d’Hannibal. « Delenda est Carthago », répétait inlassable Caton l’Ancien. Eh bien, delenda est Gaza — une ville de Philistins que Samson a écrasés sous les débris de leur temple.

Je suis sidéré qu’Israël n’ait pas vitrifié Gaza depuis longtemps. Cela aurait fait hurler quinze jours les béats des Droits de l’homme et les islamo-gauchistes, et ça se serait tassé. Et ça aurait donné à penser aux musulmans de nos cités, qui ces jours-ci exultent. C’est que les hadiths du Coran précisent bien : « L’Heure ne viendra pas jusqu’à ce que les musulmans combattent les juifs et que les musulmans les tuent ; jusqu’à ce que le juif se cache derrière un mur ou un arbre, et le mur ou l’arbre diront : Ô musulman ! Ô serviteur d’Allah ! Voilà un juif derrière moi. Viens et tue-le ! »
On n’est pas plus aimable.

Un ami qui a séjourné à Gaza me dit qu’aux faubourgs de la ville, il y a Khan Younès, enclave chrétienne de populations qui n’ont pas les moyens de fuir – comme à Bethléem. Et, ajoute-t-il avec le sens de la mesure que partagent tous ceux qui ont fréquenté ces parages et leurs habitants : « Les salopards du Hamas les parquaient dans les cibles potentielles d’Israël il y a vingt ans. Aujourd’hui, ils ont rajouté les otages capturés il y a trois jours. »

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Cette histoire d’otages devrait donner à penser à ceux qui se réfugient derrière l’éternelle objection « oui, mais les temps ont changé ». Les Romains prenaient des otages, les nazis prenaient des otages, le Hamas prend des otages. La bête humaine n’a pas changé d’un iota. Eh bien, il faut traiter les chiites de Gaza (quelle erreur de n’avoir pas passé d’accord autrefois avec les baasistes du Fatah !) comme les Romains ont traité les Carthaginois — quitte à perdre des otages, comme autrefois les Romains ont perdu le consul Regulus, assassiné salement à Carthage.

Tsahal bombarde Gaza. Avec modération, pour le moment. Bien sûr, le Hamas cherche à pousser Israël à anéantir la région tout entière, de façon à forcer les pays arabes qui aujourd’hui se rapprochent de l’État juif à s’en dissocier. Mais l’Arabie saoudite ou le Maroc savent où est leur intérêt — et la real politik l’emportera au bout du compte sur la pseudo-solidarité musulmane. Pseudo, car j’aimerais bien que l’on me cite un seul Etat sunnite qui soutient réellement les Palestiniens.

Bien sûr, cet affrontement est, comme l’Ukraine, un prélude à une troisième guerre mondiale vers laquelle les appétits des uns et des autres nous poussent. Mais ce n’est pas en prenant des demi-mesures que l’on évitera un conflit général — Chamberlain a tenté la manœuvre à Munich en 1938 avec le succès que l’on sait. C’est en réglant, de la façon la plus décisive, les guerres marginales que l’on suspendra l’embrasement — parce qu’il faut montrer ses muscles pour éviter que l’autre vous exhibe les siens.




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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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