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Feu sur le sous-commandant Darcos !


Feu sur le sous-commandant Darcos !

« Touche pas à mon école ! » La semaine dernière, une chaîne humaine d’une centaine de personnes, parents, enseignants et enfants a formé une chaîne symbolique autour de l’école du village où je demeure. Protestait-on contre une suppression de classe ou de poste d’enseignant ? Nullement. L’activité reproductrice des habitants de la commune et l’arrivée de nouvelles familles séduites par la qualité de vie sur son territoire garantit la pérennité et même l’extension de cette école élémentaire.

Il s’agissait donc de l’écho renvoyé par nos montagnes des lamentations des syndicats d’enseignants, relayées par celles des organisations de parents d’élèves, relatives à un supposé démantèlement du service public de l’éducation par l’actuel ministre, Xavier Darcos.

Lorsqu’un mouvement revendicatif atteint le département de la Haute-Savoie et reçoit le soutien d’une population généralement rétive à la contestation systématique de l’ordre établi, le gouvernement qui en est la cible a du souci à se faire.

Les mots d’ordre entendus lors de ces manifestations et les discussions avec les participants à ces actions témoignent d’une angoisse réelle des enseignants et des parents d’élèves. Deux thèmes sont particulièrement mis en avant : on soupçonne le ministère de vouloir retirer les professeurs des écoles (ci-devant instituteurs) des classes maternelles pour les remplacer par des personnels moins qualifiés, et on voit dans les évaluations, au mois de janvier des acquis des élèves de CM2 une volonté de faire un tri trop précoce entre les « bons » et les « mauvais ».

Dans le cas de l’école maternelle, l’inquiétude a été suscitée par une petite phrase pour le moins malheureuse de Xavier Darcos qui ironisait sur l’utilité d’utiliser des bac+5 à changer des couches et surveiller des siestes. Outre que ces tâches, dont l’humilité n’exclut pas la nécessité, sont assurées, la plupart du temps, par des assistantes désignées par le sigle Atsem (à vos souhaits !), elles ne concernent que les enfants de 2-3 ans dont 20 % seulement sont scolarisés avec de fortes disparités régionales. Dans aucun texte, dans aucun discours des actuels gouvernants ou parlementaires de la majorité, n’a été évoquée l’hypothèse d’un dessaisissement de l’éducation nationale de la gestion de la classe d’âge 3-6 ans. On assiste donc là à un face-à-face paranoïde entre une administration considérant le corps enseignant comme un boulet freinant les réformes nécessaires par égoïsme corporatiste, et une  » communauté éducative » soupçonnant le ministre des plus noirs desseins.

Il en va de même pour les évaluations : un projet destiné à éclaircir une réalité opaque est perçu comme une entreprise de stigmatisation des élèves et de leurs maîtres. En procédant à des évaluations normalisées à l’échelle nationale avant l’entrée en sixième, on essaie de répondre à une question : le niveau de l’enseignement est-il aussi uniforme dans notre pays que le proclament les principes éducatifs de la République ? Une partie des usagers de l’école publique, la plus aisée et la plus éduquée, semble s’être empiriquement fait une opinion sur le sujet en rusant allègrement avec la carte scolaire. Il n’est donc pas totalement stupide d’aller voir ce qu’il en est réellement pour, ensuite, étudier et mettre en œuvre les moyens d’améliorer les choses.

Enfin, le projet de « jardins d’éveil » pour accueillir les 2-3 ans, formulé dans des rapports parlementaires est violemment contesté par les syndicats enseignants qui voient là un premier pas vers la privatisation cette école maternelle que l’Europe entière nous envie.

Derrière cette accumulation de procès d’intentions, de malentendus réels ou feints, on perçoit le cœur du problème: la perte collective d’estime de soi du corps enseignant, qui met sa sensibilité à vif dès qu’il est interpellé, même de manière bienveillante, par le corps social. La déconfiture de la Camif n’est pas qu’un accident industriel banal, c’est aussi un symbole de la déstructuration d’une collectivité dont la cohésion sociale et idéologique était très forte et donnait à chacun de ses membres la fierté d’appartenir à un bataillon d’élite de la République.

La suppression annoncée des IUFM, héritiers, sinon de l’esprit du moins des bâtiments des anciennes écoles normales d’instituteurs, marque la fin de cette spécificité du métier d’enseignant, auquel on ne se donnait pas par hasard, mais par vocation. La « mastérisation » de la formation des instituteurs et la « revalo » afférente (en bon français le passage au niveau bac + 5, condition d’une augmentation salariale) aura, dans le contexte actuel, le même effet que la morphine sur la douleur des malades : elle l’effacera un temps sans en éradiquer les causes. Le mammouth, quand il est déprimé peut devenir dangereux…



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