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Drame d’Avignon: la France forte avec les faibles, faible avec les forts


Drame d’Avignon: la France forte avec les faibles, faible avec les forts
Un policier sécurise les lieux du crime, Avignon, 5 mai 2021 © CLEMENT MAHOUDEAU / AFP.

Le meurtre par balle d’un policier d’Avignon près d’un point de deal mercredi doit nous inspirer, à tous, compassion et colère.


Compassion évidente envers ce policier tué – vraisemblablement par un dealer – alors qu’il intervenait sur un lieu de trafics bien connu. Envers sa famille, ses amis, tous ses proches. Envers ses collègues de terrain, envers une institution maltraitée, éprouvée, souvent vilipendée, mais qui même si elle a sa part de responsabilité n’en reste pas moins massivement inspirée par un authentique souci du bien commun et un véritable dévouement. Et colère. Colère envers une frange de la population qui a fait collectivement le choix de la délinquance, envers une magistrature indigne, envers les politiques de tous bords, envers de nombreux médias, envers la hiérarchie des forces de sécurité qui n’est pas à la hauteur de l’époque.

Bien sûr, il vaut mieux chercher des solutions que des coupables. Il n’empêche : savoir comment on en est arrivé là est important, et il n’est plus tolérable que ceux à cause de qui notre pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans la sauvagerie échappent à leurs responsabilités.

Compassion pour les uns, indifférence pour les autres

Il y a toute cette frange de la population qui a, collectivement, fait le choix de la délinquance. Trafics, économie souterraine, loi de silence, vision romantique du truand et exaltation du caïd, attachement à une culture où la brutalité est la norme et où l’idée même d’intérêt général fait hausser les épaules en ricanant. Oui, les habitants des zones de non-droit sont les premières victimes de ces bandes contre lesquelles l’État ne les protège pas, mais beaucoup sont aussi responsables de l’éducation qu’ils donnent – ou trop souvent qu’ils ne donnent pas – à leurs enfants. On sait les remarquables travaux du docteur Maurice Berger sur le sujet, sur le rôle crucial de l’environnement culturel et familial.

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Il y a cette magistrature gangrénée par l’idéologie du juge Baudot, pleine de compassion envers les criminels mais d’indifférence envers les victimes et d’hostilité envers les forces de l’ordre, cette magistrature accrochée à son privilège d’indépendance, qui se croît propriétaire du pouvoir judiciaire alors qu’elle n’en est que délégataire car en France la souveraineté, dont le pouvoir judiciaire est une composante, n’appartient qu’au peuple. Une corporation dont seule la légitimité est d’avoir réussi un concours professionnel, mais qui utilise l’autorité qui lui est confiée au mépris de la volonté générale et du bien commun, pour servir une vision idéologique et une obsession pour la forme au détriment du fond.

Culture de l’excuse

Il y a ces politiques, de tous bords, sans doute les premiers coupables. À gauche on retrouve l’idéologie, la culture de l’excuse, la négation du libre-arbitre qui conduit à affirmer que tout délinquant ne serait que le produit mécanique de conditions socio-économiques – quel terrible mépris envers ces centaines de milliers de gens qui malgré la pauvreté sont honnêtes et droits ! On trouve l’obsession pour la « réinsertion » et les « peines alternatives » qui conduit à faire mille fois plus pour les criminels que pour les honnêtes gens, et à faire prendre tous les risques aux seconds pour flatter son orgueil et se draper de vertu en se montrant compatissant envers les premiers. Taubira, Belloubet, Dupond-Moretti : tout est dit.

Et à droite ! Sarkozy a promis le karcher, mais n’a fait que de l’affichage et de la communication. Les gouvernements successifs n’ont jamais eu le courage d’affronter l’idéologisation de la magistrature, ni de faire adopter des lois à la hauteur de la situation et des enjeux, ni de mettre fin à l’inflation formaliste perpétuelle de la procédure pénale, de plus en plus chronophage pour les forces de l’ordre au détriment de la présence sur le terrain. Pire encore, au lieu d’assumer de dire le réel, la droite a laissé la gauche – dans ce domaine comme dans tant d’autres – imposer un magistère moral absurde, elle s’est pliée à cette arrogance de l’adversaire. Oui, la plus grande faute politique et morale de la droite est celle-ci : avoir permis à la gauche de fixer les limites de ce que l’on a le droit de dire, des questions que l’on a le droit de poser, des constats que l’on a le droit de faire.

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Et n’oublions pas, droite ou gauche, la faute qui consiste à avoir instrumentalisé les forces de l’ordre contre le peuple, faute dont Emmanuel Macron et sa majorité ont été les parangons pendant la crise des gilets jaunes, « en même temps » qu’ils montraient une indulgence coupable envers les casseurs ou des mouvements ouvertement haineux comme les manifestations de la famille Traoré. « Fort avec les faibles, faible avec les forts » : et on s’étonne ensuite qu’il y ait des catastrophes ? Que l’habitude de l’impunité pousse à aller toujours plus loin ?

Il y a ces médias, eux aussi massivement acquis à cette idéologie du « politiquement correct », eux aussi coupables d’avoir laissé le déni du réel s’investir d’une autorité morale et d’un pouvoir de censure dramatiques, eux aussi responsables d’avoir diffusé la méfiance systématique (quand ce n’est pas la haine) envers les forces de l’ordre, et une vision romantique idéalisée de la délinquance. Non, les criminels qui frappent aujourd’hui en France ne sont pas des Jean Valjean, ce sont des Thénardiers ! Les médias aussi ont du sang sur les mains. Et il y a les forces de l’ordre elles-mêmes. J’hésite à écrire ces lignes alors qu’elles sont en deuil, mais hélas ! Dans la police elle-même, il y a une hiérarchie trop soucieuse de se faire bien voir, trop adepte du « pas de vagues », trop éloignée du terrain. Une hiérarchie qui a laissé la « voie publique » être le parent pauvre des commissariats, et regarde passivement s’accumuler les missions « innovantes » au détriment du travail de fond, laborieux mais indispensable. Des organisations syndicales très soucieuses de mesures catégorielles et de rythmes horaires – avoir toujours plus en faisant toujours moins – mais très peu soucieuses d’efficacité opérationnelle, et de capacité à monter en puissance pour renforcer un équipage pris à partie. Malgré la valeur des hommes et des femmes qui servent sous l’uniforme, le constat est terrible : la police a abandonné des secteurs entiers du territoire, et là où elle « tient » encore c’est uniquement grâce au travail désormais incontournable des polices municipales.

Vers le règne des caïds et des milices

Dans la gendarmerie, certes le statut militaire est une garantie et un gage de capacité de réaction à l’urgence, mais pourquoi tant d’années de silence face à des dérives que chacun constate et connaît ? Pourquoi Bertrand Soubelet a-t-il été pratiquement le seul à oser dire ce que tout le monde sait ? Pourquoi une absolutisation du devoir de réserve au détriment du devoir d’alerter le peuple souverain sur la situation réelle de la France ? Alors que l’institution bénéficie – à juste titre – de la confiance de la grande majorité des citoyens et des élus, pourquoi ne pas dire ouvertement l’incapacité de la police à tenir le terrain qui lui est confié, et l’incurie désastreuse de la réponse pénale ? Et je ne parle pas des associations professionnelles (car si les militaires ne peuvent pas se syndiquer, ils disposent désormais d’un droit d’association) que l’on aimerait beaucoup plus offensives et beaucoup plus déterminées à se faire entendre.

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Le choix est simple. Nous pouvons continuer à nous payer de mots, exprimer notre tristesse et notre indignation, « condamner fermement », et laisser le pays glisser encore et encore vers le délitement. Laisser l’État démissionner toujours plus de ses responsabilités régaliennes pour se transformer en fermier général, et nous pousser vers le règne des caïds et des milices. Exactions des pillards et des bandes au détriment des plus faibles, groupes d’auto-défense pour ceux qui parviendront à s’organiser et à s’équiper, sécurité privée surarmée au seul bénéfice des plus fortunés, et ce sera l’ère des seigneurs de la guerre. La fragmentation de la France en multiples féodalités, ou l’avènement d’une dictature fanatique qui saura unifier les bandes les plus brutales et gouverner par la peur – c’est le rêve des islamistes – ou encore la prise de pouvoir par une oligarchie s’appuyant sur une supériorité technologique écrasante pour imposer sa volonté aux masses. Ou un héros, qui parviendra à fédérer les forces de l’ordre, les armées et le peuple pour refonder la France…  mais il serait bien imprudent d’attendre passivement l’émergence improbable d’un nouveau Napoléon, ou l’apparition miraculeuse d’une nouvelle Jeanne d’Arc.

Mais nous pouvons aussi reconquérir le territoire dès maintenant, sans attendre le chaos total ni l’homme providentiel. Construire des prisons, et les remplir. Rappeler à tous que dans « violence légitime » il y a « violence », et que les forces de l’ordre ont le droit et même le devoir d’en faire usage. Refonder totalement la chaîne pénale pour que le formalisme cesse d’être plus important que le fond, pour les peines soient véritablement dissuasives (par l’enfermement et en frappant au porte-feuille) et pour qu’elles soient effectives et douloureuses dès le premier fait, au lieu d’attendre qu’un jeune ait fait de la délinquance son mode de vie avant de se préoccuper enfin de le sanctionner. Oser, partout où il le faudra, proclamer l’état de siège. Et confronter enfin les magistrats aux conséquences de leurs décisions, obliger le pouvoir politique à trouver le courage de contraindre l’autorité judiciaire à rendre des comptes au seul souverain légitime de la France : le peuple français.




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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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