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Coronavirus : pourquoi l’Italie est si lourdement frappée

Psychose à l'italienne


Coronavirus : pourquoi l’Italie est si lourdement frappée
Métro de Milan, février 2020. Auteurs : Claudio Furlan/AP/SIPA. Numéro de reportage : AP22431542_000024


Seul pays d’Europe à avoir suspendu sine die tous les vols avec la Chine, l’Italie est subitement devenu le premier foyer continental de l’épidémie, avec la découverte de quelque 230 malades dont déjà une demi-douzaine sont morts, souvent âgés. Explications.


Pour avoir transité en Vénétie au début du mois, j’échappe de peu aux mesures de confinement recommandées aux voyageurs provenant d’Italie. Début février, la botte ne présentait encore aucun cas de Coronavirus mais tremblait déjà d’épouvante. Seul pays d’Europe à avoir suspendu sine die tous les vols avec la Chine, l’Italie est subitement devenu le premier foyer continental d’épidémie, avec la découverte de quelque 230 malades en Lombardie, en Vénétie puis en Sicile, en Toscane et en Ligurie. Bilan : une demi-douzaine de morts, souvent âgés.

Défiance institutionnelle

Traditionnellement, la population cultive une très forte défiance envers ses institutions sociales, politiques, économiques et sanitaires. Autrement dit, le fossé entre pays légal et pays réel, creusé par le poids de l’économie informelle, des solidarités familiales, et des incuries de l’Etat, vire parfois au drame. Du moins à la crise sanitaire. Et la crainte diffuse d’une pandémie ne vas pas arranger les choses. D’ores et déjà, la guerre est déclarée entre le gouvernement Conte M5S-PD, accusé d’avoir sous-estimé la menace en refusant d’appliquer des mesures de quarantaine, et les gouverneurs du Nord, acquis au centre-droit et presque tous léghistes. Avec l’assentiment du premier opposant Salvini, ces derniers appellent à renforcer les mesures prophylactiques et fustigent l’irresponsabilité du cabinet. Alors que les débarquements illégaux ont bondi de 900% en un an, départ de Salvini oblige, les journaux les plus à droite imaginent un scénario catastrophe : l’arrivée par la mer de migrants africains porteurs du Coronavirus. Le quotidien Libero titre ainsi « Folie du gouvernement progressiste : nous accueillons tout le monde, même le virus ». En attendant, les ministres de la Santé des pays limitrophes se sont réunis à Rome. À Milan, les défilés font la grise mine et le match Turin-Inter se jouera à huis clos.

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Pour y voir plus clair, laissons la parole au professeur d’épidémiologie à l’université de Milan Massimo Galli, interrogé dans le Corriere della Sera, qui explique les progrès fulgurants de la maladie dans le pays.

L’apparition du virus en Italie

« L’épidémie est apparue à l’hôpital de Codogno (Lombardie), de la même manière que le Mers avait fait irruption à Séoul en 2015. Ceci dit, l’épidémie s’est déclarée à l’extérieur de l’hôpital, lequel a servi d’amplificateur, piégeant des médecins qui ne pouvaient soupçonner que leurs patients étaient porteurs du virus. Un hôpital peut se transformer en redoutable amplificateur de contagion si la maladie est portée par un sujet a priori non à risques (…) Aucun patient l’hôpital de Codogno ne s’était rendu en Chine (…) La personne en provenance de Shanghai qui était soupçonnée d’avoir contaminé les autres s’est finalement révélée ne pas avoir contracté le virus. Par conséquent, nous ne savons pas encore qui a apporté le Coronavirus à Codogno. Le premier cas cliniquement prouvé de Covid-19 a toutefois été traité sans les précautions d’usage parce qu’on a cru qu’il s’agissait d’une autre pathologie ».

Origine inconnue

« Il est vraisemblable qu’un malade soit arrivé en Italie en phase d’incubation, qu’il ait développé le virus sur place, sans symptômes ou avec des symptômes très légers qui lui ont permis de continuer à vivre plus ou moins normalement. Il a pu ainsi involontairement infecter toute une série de gens. Même si nous l’avions arrêté à la frontière, nous aurions pu ne pas nous rendre compte de sa situation. En France, un citoyen britannique venant de Singapour a infecté plusieurs personnes alors qu’il arrivait d’une zone qui n’était pas considérée comme à haut risque ».

Pourquoi des premiers foyers en Lombardie et Vénétie?

« Probablement parce que ce sont les régions qui ont les échanges économiques et commerciaux les plus intenses avec la Chine et dans lesquelles il existe une importante présence de citoyens chinois. Mais il n’est dit que le premier malade du Coronavirus en Italie soit un Chinois. Il pourrait aussi s’agir d’un homme d’affaires italien de retour de Chine. »

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Comment le Coronavirus se diffuse-t-il?

« On peut affirmer avec certitude que ce type d’infection se transmet plus facilement dans les lieux clos et par des contacts relativement rapprochés, à moins de deux mètres de distance. L’épidémie à l’hôpital implique une série de cas secondaires et tertiaires, et peut-être même quaternaires. »

Le nombre de malades va-t-il baisser avec l’arrivée du printemps?

« Je l’espère mais aucune certitude n’est permise avec ce virus nouveau. En Chine, entre 2002 et 2003, le Sras avait disparu vers juin-juillet. Mais il est difficile de déterminer si cela était dû à l’arrivée de la chaleur, à la réduction des rassemblements dans des lieux clos ou en raisons des mesures mises en œuvre »

Quelle est la mortalité du virus?

« Jusqu’à maintenant, les données de la province chinoise de Hubei indiquent un taux de mortalité de 3.8% parmi les sujets infectés. Ce chiffre a légèrement augmenté par rapport au début de l’épidémie parce qu’il tient compte des différents décès survenus depuis. A l’extérieur de la Chine, la mortalité est moins importante. Du reste, les plus de 65 ans meurent plus fréquemment car leurs capacités physiques les rend moins en mesure de combattre le virus (…) Il serait plus facile de mettre au point un vaccin en cas de pandémie car le nombre de malades permettrait de l’expérimenter à grande échelle »



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est journaliste.

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