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Mais où sont donc passées les violences conjugales liées au confinement?

On n'entend plus Marlène Schiappa (sur ce sujet)


Mais où sont donc passées les violences conjugales liées au confinement?
La Secrétaire d'État Marlène Schiappa, prononçant un propos quelconque, sur un joli canapé, le 5 mars dernier à Paris © ERIC DESSONS/JDD/SIPA Numéro de reportage: 00948858_000013

Les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur début avril sont fort rassurants, mais personne n’en parle.


Fin mars, sur Europe 1, la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes Marlène Schiappa citait des données effrayantes. « Il y a + 32 % de signalements de violences conjugales en zone gendarmerie en une semaine et + 36 % dans la zone de la Préfecture de police de Paris en une semaine également ». Puis, le 6 avril, la note Interstats conjoncture N°55 du ministère de l’Intérieur est tombée. On y apprend que les coups et blessures volontaires sur personnes de plus de 15 ans sont en recul de 33% et les violences sexuelles de 43% entre mars et février 2020. Peut-on imaginer que le confinement ait apaisé les rues au point de masquer la hausse des agressions domestiques ? Ce n’est pas impossible, mais c’est improbable. Les violences familiales représentent, schématiquement, 45% du total des coups et blessures volontaires. Il faudrait vraiment qu’il ne se passe plus rien ailleurs, pour qu’une augmentation d’un tiers des violences dans les foyers passe inaperçue. Or, les journaux relatent chaque jour des faits-divers.

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Autre indicateur, le standard du 3919, centre de conseil et d’écoute pour les femmes victimes de violence, est loin d’exploser. Il enregistre un modeste surcroit d’activité : 1949 appels la semaine du 6 au 15 mars, 2237 appels la semaine du 30 mars au 5 avril. On est très loin du record enregistré pendant la semaine du Grenelle des violences conjugales, en septembre 2019, à 5766 appels hebdomadaires. Le numéro SMS d’urgence, le 114, a reçu quelques dizaines de messages d’appels au secours relatifs à des violences conjugales en une semaine, a précisé Christophe Castaner le 6 avril. C’est toujours trop, mais c’est peu.

Pas de flambée en région

Ce n’est pas tout. Fin mars, interrogés par France Inter, les parquets de Paris, Bobigny, Pontoise, Nanterre, Créteil, du Gard et l’Oise, ne constataient aucune augmentation des dossiers de violences conjugales depuis le début du confinement. Dans le Doubs, écrit l’Est Républicain du 2 avril, « la police a enregistré trois fois moins de plaintes liées aux violences intrafamiliales qu’en mars dernier. Le constat est identique en zone gendarmerie ». Quant aux gendarmes du Nord, raconte France Bleu le 7 avril 2020, ils « n’ont pas constaté, pour le moment, de hausse des signalements de faits de violences conjugales ». Dans le Finistère, indique Ouest-France, elles sont en baisse en mars, en zones police et gendarmerie. Rien à signaler non plus à Dieppe, selon Paris-Normandie. Sur Bordeaux Métropole et Arcachon, lit-on dans Rue89 Bordeaux,  les interventions de la police pour violences familiales sont en hausse de 25% la première semaine du confinement par rapport aux semaines précédentes, mais les chiffres sont modestes : 55 interventions contre 44 en moyenne. Il faut chercher longtemps pour trouver une vraie explosion : +83% de violences intrafamiliales dans la zone gendarmerie de Haute-Garonne sur la période allant du 17 mars au 5 avril, par rapport à la même période de 2019. Une hausse considérable, mais avec un bémol. II est question de moins d’une trentaine d’affaires. Peut-on parler d’un déchainement de violences causés par la promiscuité forcée ?

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Il faut souligner par ailleurs que la police et la gendarmerie ont été fortement inciter à se pencher sur les violences conjugales ces derniers mois, avec visites-mystères pour jauger la qualité de l’accueil en commissariat et en gendarmerie. Cela aurait sans doute entrainé, en temps normal, une hausse des faits enregistrés.

Une erreur qui allait dans le sens du vent ?

Les chiffres de Marlène Schiappa, repris ensuite par Christophe Castaner, ont été acceptés comme des évidences. Confronté à une baisse nette des faits signalées dans le Doubs, l’Est Républicain en a conclu que les victimes, placées sous la surveillance permanente de leur bourreaux, n’osaient plus porter plainte. Mais pourquoi l’avaient-elles fait la première semaine ? Nous avons demandé des précisions à ce sujet à la préfecture de police de Paris et au ministère de l’Intérieur, sans réponse. Le thème de l’explosion des violences conjugales a d’ailleurs disparu des communications publiques.

Hypothèse à envisager, une erreur d’interprétation sur les premières données. Si la délinquance de rue baisse significativement, la part des agressions interfamiliales augmente dans le total des violences aux personnes[tooltips content= »Imaginons 100 faits enregistrés, 45% au foyer, 55% dans la rue. Les agressions dans la rue tombent à 30 faits. Les agressions domestiques, stables, passent mécaniquement de 45% à 60% du total, soit une hausse apparente d’un tiers… »](1)[/tooltips]. Il y a peut-être eu une lecture hâtive des données, dans un sens conforme au préjugé du moment, femme victime et homme violent, forcément violent.

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Il faudra quelques semaines pour établir des chiffres robustes après le confinement. S’il y a eu une hausse nette des violences, tous les médias en parleront. Dans le cas contraire, retrouvez nous sur Causeur.fr.



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