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Au Proche-Orient, le « en même temps » est inopérant

Et si Emmanuel Macron ne s'en était pas si mal tiré?


Au Proche-Orient, le « en même temps » est inopérant
Ramallah, 24 octobre 2023 © Christophe Ena-POOL/SIPA

Le président Macron a su quitter le « en même temps ». Notre chroniqueur nous explique pourquoi il pense cela, et lui dit bravo!


Beaucoup, dont moi le premier, ne donnaient pas cher d’un voyage présidentiel si tardif en Israël et dans le Proche-Orient. Certes Emmanuel Macron nous avait expliqué qu’il le voulait « utile » mais comment satisfaire une telle exigence alors que d’autres chefs d’État ou chefs de gouvernement, et pas des moindres, étaient déjà passés, notamment le président Joe Biden, et qu’ils semblaient avoir très peu obtenu ? Pourtant le président de la République a relevé le défi brillamment. J’use à dessein de cet adverbe, par contraste, car si on peut le créditer d’une réussite admise par à peu près tous, cela tient précisément au fait que, pour une fois, dans le fond et la forme il a échappé avec une sobriété remarquable à cette légère touche de narcissisme qui souvent a altéré ses propos en France, même les plus émouvants, à la suite des tragédies ayant endeuillé notre pays. Comme s’il s’écoutait pleurer et parler en même temps ! Aussi bien devant le Premier ministre israélien que face à Mahmoud Abbas, à la tête d’une Autorité palestinienne ne représentant plus rien mais incontournable dans le cadre d’une visite officielle, Emmanuel Macron a su, avec clarté, sans la moindre fausse note, en ayant pesé chaque mot – la moindre erreur aurait engendré les pires effets diplomatiques -, tenir une balance subtile, un équilibre délicat entre la barbarie absolue dont Israël avait été victime et l’apitoiement sur les souffrances, les morts et les blessés causés par sa riposte intense et durable contre le Hamas dans la bande de Gaza.

Une balance subtile mais surtout pas égale

Le Hamas a massacré des Juifs de tous âges, jusqu’aux plus petits, parce qu’ils étaient juifs et les civils ont été assassinés en pleine connaissance de cause. Israël n’a jamais eu cette volonté initiale et criminelle de violer les règles du droit de la guerre. C’est une différence capitale dont le président a pris toute la mesure. Pourtant, en l’occurrence, ce n’était pas simple de placer sur un plateau une horreur totale, inexcusable, appelant un soutien inconditionnel, sans la moindre équivoque, et sur l’autre une commisération simplement humaine à l’égard des conséquences forcément dramatiques pour la population palestinienne de la volonté d’Israël d’éradiquer le Hamas qui dévoie sa cause au lieu de la servir. C’est à partir de cette approche d’une justesse et d’une justice pleines et entières que la mission que s’était assigné le président a pu engendrer des effets bienfaisants. Le tour de force était déjà là, dans cette manière exigeante de manifester l’absence de tout parallélisme tout en n’oubliant aucune des parties concernées.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Coalition anti-Hamas: l’irréalisme de Macron

Ensuite il est loisible de discuter non pas la position traditionnelle de la France sur les deux États, qu’Emmanuel Macron n’a fait que rappeler, mais sa proposition d’élargir la coalition internationale pour y intégrer la lutte contre le Hamas. Il est clair qu’aucun pays arabe n’y participerait, ce qui enlèverait à l’initiative toute sa vigueur et son intérêt, même si le président a précisé qu’il ne s’agirait pas d’opérations militaires à Gaza. Par ailleurs, les États-Unis n’ont pas prêté la moindre attention à l’idée française. La voix de la France n’est évidemment plus celle d’antan, elle peut être écoutée mais je ne suis pas sûr qu’elle soit respectée, ce qui n’est pas la même chose. Le président de la République va rencontrer le roi de Jordanie et le président égyptien, ce que le président Biden n’avait pu faire à la suite de l’attaque de l’hôpital de Gaza, prétendument par Israël, avec une quarantaine de morts et non pas la multitude de victimes mensongèrement invoquée par le Hamas. On a vu à l’occasion du tir de roquette, dont Israël était innocent, la partialité à l’encontre de cet Etat et la présomption de culpabilité qui pesait sur lui avant toute vérification.

La situation nationale également préoccupante

Emmanuel Macron réclame l’union nationale et on doit constater qu’il a été peu suivi dans ce souhait. Il me semble même que l’intensité belliqueuse sur le plan politique augmentait à proportion de ses désirs d’apaisement. Pourtant, s’il y a un domaine capital où son souci est légitime, c’est celui qui a trouvé son paroxysme horrible avec l’attaque contre Israël le 7 octobre par le Hamas. Malheureusement on ne peut que regretter l’obsession de Jean-Luc Mélenchon de faire bande à part dans une sorte de trotskisme échevelé, sa volonté de dissidence à tout prix le mettant sans précaution sous le risque de l’antisémitisme, avec une impérieuse domination sur un petit cercle condamné à d’effarantes arguties pour suivre le « maître ». Elles sont souvent pathétiques : je songe à Manon Aubry questionnée par Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio. Ce n’est pas la même chose de déplorer les souffrances palestiniennes, les morts, les victimes civiles en étant en permanence gangrené par la perversion d’une équivalence entre la barbarie du 7 octobre et la légitime défense qu’elle a suscitée ou de procéder comme a su le faire notre président. Bravo à lui pour avoir su quitter le « en même temps »…




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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