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Le militaire et la militante

Alain Finkielkraut n’aurait-il pas dû laisser sa place au général Georgelin ?


Le militaire et la militante
Caroline de Haas, entrepreneur et militante féministe. © BALTEL/SIPA n° de reportage 00611999_000029

Inacceptable dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, le « ferme ta gueule » du Général Georgelin pourrait être de bon aloi à la télévision. 


 

A la place de Caroline de Haas, notre muse nationale du féminisme, je n’aurais pas apprécié que David Pujadas se sente obligé de me préciser que la sainte colère d’Alain Finkielkraut était à prendre au « second degré ». C’était – on n’ose à peine le dire – se faire traiter peu ou prou de petite sotte. Mais, tout à son racolage médiatique, la muse n’a pas senti la flèche.

Le lendemain se déployait l’arsenal habituel du pilori : pétition en ligne contre le philosophe, tweets, demande d’exclusion de France-Culture, plainte auprès du CSA, saisie du procureur de la République par quatre députés de La France Insoumise, etc. Curieusement certaines plumes, favorables à l’écrivain, écrivirent dans la presse : « C’est l’ironie du sort: l’émission avait pour thème « Toutes les opinions sont-elles bonnes à dire? »».

Dans les œillères

Pourquoi « l’ironie du sort » ? « Violez, violez, violez ! Voilà, je dis aux hommes : violez les femmes ! D’ailleurs, je viole la mienne tous les soirs ! Et elle en a marre. » En quoi, se fâchant avec la fureur d’un briseur d’idoles, Alain Finkielkraut exprimait-il une opinion sur le viol qui ne serait pas « bonne à dire ». L’opinion qu’exprimait sa rageuse antiphrase ne visait-elle pas les seules œillères de la fondatrice du mouvement « Osez le féminisme » ? Lui reprochant d’ailleurs dans la même séquence d’être « absurde », ne s’est-il pas retenu – cela s’est senti – d’utiliser des qualificatifs moins galants?

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En entendant, avec une stupéfaction sans cesse renouvelée, certains intervenants, dans pareilles émissions, prendre à la lettre (faute d’avoir l’ouïe fine) ce qu’on leur explique, on finit par se demander si l’école n’a pas péché depuis trop années par son insuffisance, et si l’enseignement du « second degré » n’usurpe pas son appellation.

Lorsque le général Georgelin, missionné par le Président Macron, s’est permis de dire, devant la Commission Culture de l’Assemblée nationale, qu’il avait invité l’architecte en chef des monuments historiques chargé de la restauration de Notre-Dame de Paris « à fermer sa gueule », il ne s’exprimait certainement pas au « second degré ».

Alors que l’égérie du féminisme viril aurait dû entendre autre chose que ce qu’elle voulait à tout prix entendre, les membres de la Commission Culture, eux, ont entendu ce qu’ils ont entendu. La vulgarité ne prête pas à confusion. Il n’en va pas de même de la subtilité toujours difficile à appréhender pour les esprits qui en manquent.

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Bêtise à front de taureau

Aussi est-on tenté de se demander si notre pays, avec ses étonnantes nominations à des postes-clés, ses émissions bavardes qui attisent les incompréhensions, son politiquement correct toujours prompt à s’indigner au-delà de toute mesure, n’est pas victime d’erreurs de casting.

Alain Finkielkraut n’aurait-il pas dû laisser sa place au général Georgelin ? Le franc-parler du soldat, aussi détestable qu’inacceptable devant la représentation nationale, ne serait-il pas de temps en temps le bienvenu face à la « bêtise au front de taureau » qui hante les plateaux de télévision ? Un militaire face à une militante… Inimaginable ! Le petit écran en est effectivement bien incapable.

Misère du petit écran

Ce serait nécessairement changer de registre pour passer au grand écran, notamment à celui de Fellini. On songe à Ginger et Fred sorti en 1986 et qui demeure pour l’éternité la satire la plus géniale d’une télévision définitivement sans génie.

De Fellini, il fut magnifiquement question dans l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut, samedi dernier sur France Culture. C’était deux jours après l’émission de David Pujadas.

Pour cette émission consacrée à Woody Allen, le philosophe avait invité Laurent Dandrieu, rédacteur en chef des pages culture de Valeurs actuelles, auteur de Woody Allen, portrait d’un antimoderne, et Antoine Guillot, journaliste, critique de cinéma et de bandes dessinées, producteur de l’émission « Plan large » sur France Culture.

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Ancien collaborateur parlementaire, Jérôme Serri est journaliste et essayiste. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke/Gallimard), Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées), et participé à la rédaction du Dictionnaire André Malraux (éditions du CNRS).

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