Accueil Brèves Les macros sont à l’eau

Les macros sont à l’eau


S’il est un argument éditorial qui m’a convaincu de travailler pour Causeur, c’est bien le principe qui consiste à envoyer des brèves pendant les vacances. J’ai ainsi pu apprendre où Jérôme Leroy passait les siennes, et la lecture de ses articles n’en a été que meilleure. J’ajoute que son traitement de l’actualité ne m’a pas paru moins incisif ni moins professionnel, ce qui constitue une piste de réflexion intéressante sur la pertinence de nos conditions de travail habituelles.

Pour ma part, c’est allongé sur le sable chaud d’une plage proche de Caracas que je réagirai à la nouvelle du moment : Nicolas Sarkozy n’a pas réussi à faire que ceux qui travaillent plus gagnent plus. L’échec de cette mesure-phare est d’autant plus dramatique qu’elle devait donner raison à la France qui se lève tôt. Premier constat : se lever tôt n’aura pas suffi pour donner raison à la Droite.

Précisons que son échec ne donnera pas davantage raison à la Gauche. Je ne doute pas que ses leaders vont se jeter sur cette nouvelle comme la misère sur monde. La vérité est que l’insuccès de ce choix de société, comme on dit, n’a rien à voir avec Nicolas Sarkozy, pas même avec son idéologie.

Il résulte de notre croyance absurde en la rationalité des politiques publiques. Une politique publique présuppose trois choses: l’existence d’un problème reconnu de tous (par exemple, le chômage), la décision d’y mettre fin par l’homme élu (ici, le Président de la République) et la mise en oeuvre d’une série de mesures (dites concrètes). Je sais bien que ce schéma résume à lui seul l’idée que nous nous faisons de la politique, mais cela n’en fait pas une idée moins fantasque, au contraire. C’est ce qui ressort d’un article remarquable écrit par deux politologues américains, Bachrach et Baratz.

Non seulement la décision d’agir est la résultante de micro-décisions qui n’ont rien à voir avec le problème initial, mais elle est surtout la résultante de micro-non-décisions beaucoup plus lourdes de conséquences. L’article s’intitule « Decisions and Non-Decisions: an Analytical Framework ». Le lecteur de bonne volonté le trouvera sans mal en consultant l’American Political Science Review, vol. 57.

La déconstruction de l’hypothèse rationaliste des politiques publiques ne constitue peut-être pas une lecture de vacances idéale, elle vous affranchira pourtant des mythes les plus tenaces de la vie politique occidentale. Dépêchez-vous de l’étudier si vous disposez d’une semaine devant vous, car à la rentrée, il sera déjà trop tard.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Tunis-Damas : dernier train pour la modernité
Article suivant L’euro, drogue dure du Portugal

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération