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Le pape n’est pas de gauche, il est le pape


Le pape n’est pas de gauche, il est le pape
Le pape François au Vatican, septembre 2017. SIPA. 00820992_000004

« Le pape est-il de gauche? » s’interroge le Figaro Magazine dans son numéro de rentrée. Le soupçon est récurrent parmi les lecteurs de l’hebdomadaire qui n’apprécient guère les audaces papales concernant notamment la critique du libéralisme économique ou le devoir d’accueil des migrants et des réfugiés. Sur ce fond de tableau permanent deux éléments nouveaux sont venus se greffer, créant un contexte favorable à ce questionnement angoissé.

Le premier est la publication du message du pape François pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés qui sera célébrée le 14 janvier prochain. Il y développe, en quatre verbes, ce que devrait être l’attitude inconditionnelle des chrétiens et de leurs communautés : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.

Le second, est la sortie en librairie aujourd’hui d’un livre d’entretiens entre le pape François et le chercheur et sociologue français Dominique Wolton né d’une série de douze rencontres étalées sur deux années. Un livre dont on ne connaît pour l’heure que les extraits publiés, précisément, par le Figaro Magazine mais qui laissent percevoir un propos libre, vif, enjoué, bien dans la manière du pape argentin.

Angela Merkel, une femme de gauche?

Est-ce là suffisant pour renouer, concernant le pape François, avec le vieux fantasme d’un clivage gauche-droite dont on nous dit par ailleurs, à tort ou à raison, qu’il serait aujourd’hui totalement dépassé, y compris dans notre vie politique ? Car enfin, quel chef d’Etat ou de gouvernement, en Europe, est allé aussi loin qu’Angela Merkel dans l’accueil des réfugiés et des migrants ? Et l’on ne sache pas que ce soit une femme de gauche ! Et peut-on raisonnablement qualifier de gauche les propos du pape François réaffirmant, dans son dialogue avec Dominique Wolton : « Disons les choses comme elles sont: le mariage, c’est un homme avec une femme. Ça, c’est le terme précis. Appelons l’union du même sexe « union civile » ».

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L’accusation sent le procès d’intention à plein nez. S’en tiendrait-on aux seuls domaines de la critique des dérives du libéralisme économique, du plaidoyer pour une révolution écologique ou de la réaffirmation de l’accueil inconditionnel des migrants, le pape François se situe dans le droit fil de l’enseignement de ses prédécesseurs les plus immédiats, les papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Que ceux qui en douteraient encore relisent seulement leurs écrits ! Étaient-ils d’affreux gauchistes ?

Plutôt que de savoir si le pape François est de droite ou de gauche, il me semble personnellement plus intéressant de formuler ces deux questions : est-il pertinent dans la formulation de certaines affirmations ; est-il fidèle à l’enseignement des Évangiles ?

Le pape se contente d’exprimer la doctrine sociale de l’Eglise

Dans ses entretiens avec Dominique Wolton, le pape François s’interroge sur les causes des migrations d’origine africaine. Pour lui elles se ramènent essentiellement au manque de travail et à des situations de guerre. Des causes où, selon lui, la responsabilité de l’Europe est directement engagée : « L’Europe a exploité l’Afrique… Je ne sais pas si on peut le dire! Mais certaines colonisations européennes… oui, elles l’ont exploitée. » Voilà un propos qui, d’évidence, fera débat comme on l’a vu en février dernier lorsque le candidat Emmanuel Macron évoquait la colonisation en Afrique en termes de « crime contre l’humanité ». Disant cela le pape François engage-t-il l’infaillibilité pontificale ? Assurément pas ! Il invite simplement à un examen de conscience sur nos propres responsabilités, comme le firent jadis Jean-XXIII ou Paul VI dans leurs encycliques.

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Lorsque le pape François écrit dans son Message pour la journée des migrants, faisant référence à l’encyclique Caritas in Veritate (n°47) de Benoît XVI : « Le principe de la centralité de la personne humaine, nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale.» il se contente d’exprimer là la doctrine sociale de l’Eglise. C’est bien le droit des personnes et lui seul qui fonde le droit des sociétés. Réaffirmer les droits des migrants comme s’imposant à la communauté internationale ne signifie aucunement qu’il conteste les droits propres des citoyens des différentes nations européennes aujourd’hui appelées à les accueillir. Il n’est pas conforme à la morale évangélique de prétendre fonder la prospérité et la sécurité des uns – fussent-ils chrétiens – sur la misère, l’exploitation et l’exclusion des autres – fussent-ils majoritairement musulmans. Qui peut prétendre que rappelant cela le pape François n’est pas tout simplement fidèle à sa mission ?

Enfin un pape qui parle clairement!

Il me faudra revenir sur le livre Politique et société qui sort aujourd’hui. Je pressens déjà qu’on pourrait le renommer : Un pape ne devrait pas dire ca… Car il est probable qu’une fois encore des voix s’élèveront pour contester le style même, direct et spontané, de ces entretiens. Quel statut faut-il leur accorder ? N’est-ce pas là dissoudre – coupablement – l’autorité du pape se demandent certains ? En réalité, le monde catholique a du mal à se départir d’une conception de la parole pontificale « pontifiante » telle qu’elle a dominé dans le passé. Certes le « poids des mots » y était pesé et soupesé, comme si toute parole émanant du pape avait par nature une finalité juridique qui ne pouvait souffrir ni ambiguïté, ni contradiction avec les propos de ses prédécesseurs. Est-il excessif de dire que ce langage d’Eglise, cette langue de buis, par-delà ses mérites propres incontestables, a contribué à creuser un fossé d’incompréhension avec le monde contemporain ?

Et voilà que nous est advenu, venu des extrémités de la terre, un homme pétri de culture populaire qui aime à parler de chair et de sang et que nos contemporains, croyants ou non-croyants, ont reconnu comme frère en humanité. Enfin une parole d’Eglise compréhensible! Allons-nous nous en lamenter ? Sans doute l’heure a-t-elle sonné pour tous les baptisés d’entrer enfin dans une saine compréhension de la hiérarchisation des déclarations pontificales et des textes du Magistère. Dont on les a trop longtemps privés !

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