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Ce que l’on sait de l’offensive ukrainienne

L'analyse géopolitique de Gil Mihaely


Ce que l’on sait de l’offensive ukrainienne
Blindés ukrainiens détruits, Ukraine, 9 juin 2023 © AP/SIPA

« Des actions contre-offensives et défensives ont lieu en Ukraine, et je n’en parlerai pas en détail », a déclaré le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors d’une conférence de presse le samedi 10 juin. Le point sur le front et la stratégie de l’armée ukrainienne.


Depuis une petite semaine, les forces ukrainiennes sont engagées dans une série d’opérations sur un front de quelques 200 kilomètres, entre Bakhmout et Zaporijia. Ces opérations sont accompagnées de frappes en profondeur menées par l’artillerie (canon et roquettes) et des forces spéciales, allant jusqu’à quelques dizaines de kilomètres derrière le front, et visent notamment l’infrastructure ferroviaire, épine dorsale de la logistique des forces russes.

La contre-offensive pas encore à son maximum

Sur le front, on peut identifier quatre efforts importants conduits par les Ukrainiens, essentiellement sans la participation de la plupart des nouvelles brigades formées, équipées et entrainées ces derniers mois – du moins pour le moment. Certaines unités équipées de matériel occidental ont été engagées, mais plusieurs nouvelles unités ukrainiennes n’ont pas encore été identifiées sur le front ce qui laisse penser à une opération échelonnée dont l’intensité n’est pas encore arrivée à son maximum.

L’objectif militaire ukrainien est désormais clair : couper les voies de communication terrestres entre Louhansk – Donetsk et Kherson et la Crimée. Cela ne veut pas nécessairement dire que les Ukrainiens cherchent la « photo de victoire » d’un de leurs soldats se baignant dans la mer d’Azov entre Marioupol et Melitopol ! Du point de vue militaire, les Ukrainiens peuvent interdire tout mouvement sur ces voies de communication terrestres sans prendre les plages et ainsi atteindre l’objectif sans reprendre physiquement l’intégralité du territoire aujourd’hui annexé par la Russie.

Une opération longue

Une fois cet objectif atteint, les forces ukrainiennes vont s’organiser pour défendre leurs acquis et mettre la pression sur les Russes pour qu’ils évacuent la rive gauche du Dniepr, les régions de Kherson et Zaporijia. Comme nous l’avons vu pendant l’offensive de septembre-novembre 2022, le succès ne peut pas être mesuré aux avancées en kilomètres des forces ukrainiennes mais par le déficit logistique de l’un ou l’autre des belligérants (lorsque les forces combattantes consomment plus qu’elles ne reçoivent en réapprovisionnement). Les rares informations vérifiables (photos et vidéo authentifiées, datées et géolocalisées, certaines chaines cryptées) font état de quelques avancées ukrainiennes, de contre-offensives russes ainsi que de preuves de destructions de matériel hors contexte tactique. Puisque pour les Ukrainiens, une percée suivie d’une exploitation en profondeur et un écroulement de la défense russe n’est pas l’unique méthode pour atteindre leurs objectifs, même si le front est statique, le bilan peut être dramatique pour les Russes – les poussant jusqu’à l’abandon de ces deux régions. Pour cela, il faut maintenir la pression de manière permanente à la fois sur les unités au front (les obligeant à consommer essence, matériel, munitions et vivres) et sur la logistique en profondeur, détruisant des dépôts et ralentissant l’acheminement par trains et camions de tout ce dont les combattants ont besoin…

L’automne dernier, les forces ukrainiennes ont mis dix semaines (fin août – début novembre) pour obliger les Russes à abandonner la rive droite du Dniepr et la ville de Kherson. Cette fois-ci, leurs moyens sont bien supérieurs (en nombre, en matériel, en qualité), mais la tâche est aussi beaucoup plus compliquée. Le front est long et les Russes ont créé un espace de défense avec obstacles, mines, positions fortifiées et camouflées, stocks de vivres et munitions. Les Ukrainiens n’ont pas une option de contournement massive (au-delà des commandos) par opération de débarquement par voie maritime, et le rôle que leurs forces héliportées peuvent jouer n’est pas encore très clair. Dans ces conditions, quand on essaie de percer sans effet de surprise exactement là où l’ennemi vous attend, il ne vous reste que vos éventuels avantages tactiques et technologiques. Selon quelques indices publiés, les Ukrainiens essaient autant que faire se peut d’agir la nuit et de maximiser l’avantage de leur artillerie (meilleures portée et précision) pour détruire celle des Russes. Cependant, alors que la presse internationale s’attendait à une « contre-offensive » spectaculaire, nous sommes bien face à une opération longue (sur plusieurs semaines) dont l’évolution n’est pas visible, on l’a dit. Mais il faudra suivre de près l’engagement des nouvelles unités ukrainiennes avant de pouvoir tirer tous les renseignements utiles concernant l’avance de l’offensive.               




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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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