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Macron: la faute d’Abidjan

S'autoflageller, ce n'est pas aider l'Afrique


Macron: la faute d’Abidjan
Bain de foule du président Macron à Abidjan, novembre 2017. Auteurs : PHILIPPE WOJAZER-POOL/SIPA; Numéro de reportage : 00834098_000022

 


Il devient insupportable d’entendre le président Macron, chaque fois qu’il va en Afrique (trop souvent à notre gré) cracher sur le passé de la France. « Le colonialisme, s’est-il cru obliger de dire à Abidjan, a été une erreur profonde et une faute de la République ». De tels propos sont une offense à l’Afrique et à la France. 


Nous ne reviendrons  pas sur les arguments bien  connus qui réfutent ces propos sommaires : où en seraient ces pays s’il n’y avait  pas été colonisés ?  D’autres, comme Driss Ghali dans Causeur, ont rappelé tout ce que la France avait  apporté à ses colonies africaines.

Des poncifs nocifs

Macron s’abîme-t-il chaque jour dans les affres de la culpabilité nationale ? Non . Au fond, il s’en fiche. Il dit cela parce qu’il se croit obligé de le dire. Ce faisant, il commet plusieurs  erreurs.

D’abord il montre son ignorance. A une connaissance précise de l’histoire de nos anciennes colonies, prises une à une, il substitue des poncifs sur le colonialisme qui témoignent  de sa connaissance superficielle de la question. Sait-il qu’il fallut en 1960 « pousser dehors » la Côte d’Ivoire qui aurait préféré rester un département d’outre-mer ? Il est vrai que Houphouët-Boigny avait été un ministre particulièrement en vue de la  IVe République, un honneur qu’aucune autre puissance coloniale n’avait accordé à ses sujets.

Sait-il que les présidents de l’ancienne Afrique équatoriale française se sont cotisés pour ériger à Brazzaville un mausolée à Savorgnan de Brazza qui avait fondé la colonie? Sur le sujet de la colonisation, Macron ne fait que répéter ce qu’on dit  dans les universités américaines, gangrenées par le politiquement correct anticolonialiste. Il fut et reste le meilleur élève de Richard Descoings qui ne fit rien d’autre qu’américaniser l’enseignement des Sciences Po.  Il serait temps qu’il renouvelle sa culture !

Chacun des pays que Macron visite est attaché à sa singularité. En leur appliquant des clichés passe-partout, il montre qu’au fond il ne s’intéresse pas vraiment à eux.

Il est temps de traiter les Africains comme des gens normaux

Sent-il par ailleurs ce que peut avoir de blessant pour ses interlocuteurs l’évocation du passé colonial ?  Rien de plus ambigu que la victimisation. On ne rappelle pas aux gens qu’ils ont été vaincus ou dominés, même sur le mode du repentir.  Dans le monde dur où nous vivons, être ou avoir été une victime n’a rien de glorieux.  Il faut traiter les Africains comme des interlocuteurs normaux. Que dirait-on si tout président italien, chaque fois qu’il visite la France, venait nous rappeler que nous avons été vaincus à Alésia, puis dominés, fût-ce sur le mode de la repentance?  Ces subtilités échappent à Emmanuel Macron dont l’éducation, pour avoir été bourgeoise, ne comportait sûrement pas ces délicatesses.

En clamant que la colonisation a été une « erreur », il montre aussi son absence de réflexion historique. Erreur ? Tout au long de l’histoire, les civilisations qui ont pris de l’avance sur les autres, ont été d’une manière ou d’une autre impérialistes vis-à-vis de leurs voisines  en retard. Les Perses, Grecs, les Romains, les Arabes, les Mongols et pour finir les Européens. C’est ainsi. Il n’y a pas à pas avoir de repentance. Il faut seulement savoir tourner la page.

Toutes les guerres africaines de la France ont d’ailleurs fait bien moins de victimes que l’invasion du Congo-Kinshasa par les troupes rwandaises de Paul Kagamé entre 1997 et 1999, soit plusieurs millions. Non seulement Macron n’a demandé aucune repentance à ce personnage mais il ne manque aucune occasion de lui rendre les honneurs, allant jusqu’à l’inviter au sommet du G7 de Biarritz et à promouvoir sa protégée à la tête de la francophonie.

L’alibi post-colonial

Il est vrai que certains chefs d’Etat africains usent et abusent de l’alibi du mal que leur aurait fait la colonisation pour justifier leurs erreurs et leur corruption. C’est particulièrement vrai de ceux de l ’Algérie. Les jeunes générations, tout aussi ignorantes que Macron de ce que fut la colonisation, ne sont que trop promptes à écouter ces discours. Il ne sert qu’à entretenir une haine idéologique très éloignée de ce que ressentaient leurs pères colonisés et qui est totalement stérile. Macron rend un mauvais service à la jeunesse africaine en l’entretenant. D’autant que ces sentiments sont transportés dans nos banlieues.

Nous pourrions aussi rappeler qu’en jouant les coqs quand il va en Afrique, il n’a pas pris la mesure du déclin de l’influence française sur ce continent – dont la cessation du franc CFA dont il a l’air de se glorifier est un symbole. Seuls les dominants peuvent se payer le luxe de s’autodénigrer. Or la France ne domine plus rien sur ce continent, surtout depuis son enlisement au Mali.

Paver les voies de la Chine

Mais comme là aussi les discours oiseux risquent être pris au sérieux, à quoi sert désormais de vilipender la colonisation française sinon à donner de la légitimité   aux entreprises concurrentes de la Chine, de la Russie, des Etats-Unis, de l’Arabie saoudite bien moins respectueuses de l’identité africaine que nous ne l’avons été.

Ajoutons que les pays africains sont des pays normaux, dont les chefs d’Etat, même corrompus, savent ce qu’ils doivent à leurs peuples : ne pas les insulter, ne pas insulter leur histoire, les  rendre fiers de leur passé, soit les principes éternels du leadership, exactement le contraire de ce que  fait Macron.  C’est dire que les rodomontades auto-flagellatoires du président français apparaissent aux Africains, comme aux Asiatiques, pour ce qu’elles sont : à la fois une bizarrerie et le symbole de la décadence européenne. L’intéressé n’en récolte aucune estime, bien au contraire. Il ferait mieux de rester chez lui.

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est essayiste.

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