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Les politiques sont terriblement prévisibles

Les poncifs du discours politique


Les politiques sont terriblement prévisibles
Elisabeth Borne lors du Comite interministeriel des Outre-mer, le 18/07/2023 Eric TSCHAEN/POOL/SIPA 01120800_000017

On savait que, dans les mondes politique et médiatique, le discours était généralement dominé par le cliché et la formule toute faite. Mais aujourd’hui la prévisbilité et le psittacisme des déclarations de nos gouvernants sont devenus tels que la démocratie se trouve plus que jamais menacée par un ennemi implacable : l’ennui. Le billet de Philippe Bilger.


De la même manière que dans la vie sociale, médiatique, intellectuelle, je ne supporte pas la prévisibilité de certaines opinions et formulations, parce que ma hantise de l’ennui domine tout, je suis de plus en plus frappé sur ce plan par la pauvreté du discours politique, au pouvoir et dans les oppositions. Comme s’il y avait un immense vivier à disposition et que droite et gauche n’avaient qu’à y puiser sans rien changer.

Certes le fond n’est pas concerné, quoiqu’on pourrait soutenir qu’une forme étique a forcément une incidence sur la substance, mais je suis persuadé que la monotonie des échanges partisans n’est pas pour rien dans la désaffection citoyenne.

Il est parfois difficile de distinguer l’outrance de l’idée du simplisme de l’expression mais on parvient généralement à percevoir ce qui se rapporte à l’une ou à l’autre. Ainsi, quand Jean-Luc Mélenchon s’écrie que « la police tue » ou qu’Antoine Léaument, député LFI, rend « hommage » à Robespierre à Arras, malgré l’absurdité des mots, on est plus dans la perversion de l’idéologie.

À un certain moment, je trouvais les indiscutables poncifs du style politique tellement frappants que j’avais envie d’écrire un livre qui aurait compilé la multitude de ces expressions toutes faites. Elles relèvent de la paresse de l’esprit autant que du confort procuré par le ressassement de ce qu’on n’a même plus à élaborer. On répète ce qu’un jour on a dit, qui copiait les banalités du passé et servira à l’avenir.

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Cette implacable prévisibilité prêterait à sourire si elle n’était pas une plaie vive au flanc de la démocratie.

Prenons des exemples récents où la Première ministre est à l’honneur si j’ose dire.

Quel que soit le ministre en situation difficile sur le plan judiciaire, hier Olivier Dussoupt, aujourd’hui Eric Dupond-Moretti, elle lui « conserve sa confiance ».

Maud Bregeon, porte-parole de Renaissance, va plus loin : « C’est un grand ministre ». Mais elle est excusable, c’est de l’hyperbole partisane ! 

Elisabeth Borne adore aussi, dans ses entretiens, nous informer qu’elle n’est « pas dans le commentaire mais dans l’action ».

Elle n’hésite pas non plus, quand elle est gênée par une question ou une intervention, à user de l’adjectif magique : ce n’est pas « républicain ».

Les présidents de la République offrent un florilège qui tourne autour des thèmes visant peu ou prou à nous démontrer que présider est un devoir, un sacrifice, qu’ils ne songent pas à leur réélection et qu’ils sont les présidents de tous les Français. Qu’ils ne sont pas là pour durer mais pour faire. 

Emmanuel Macron est dans la lignée de Nicolas Sarkozy, de Jacques Chirac et de Valéry Giscard d’Estaing. On s’aperçoit que, si les tempéraments sont contrastés, les uns impulsifs, les autres plus réfléchis, il y a un terreau commun qui en quelque sorte est composé des données élémentaires pour séduire ou manipuler les citoyens. Ce sont des éléments de langage qui peuvent, malgré leur usure au fil des années et des pouvoirs en place, toujours servir. Ils sont parfaitement mensongers puisqu’au moment même où ils s’en emparent, ceux qui les exploitent sont conscients de leur inanité, au moins sur le long terme.

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Cette programmation du verbe politique, à quelque niveau que ce soit, est d’autant plus surprenante qu’elle tranche avec des personnalités qui se flattent d’être aux antipodes de processus aussi mécaniques. Elisabeth Borne qui s’affiche roide, sincère, authentique, sans démagogie, n’est pas la dernière, on l’a vu, à remplacer une possible spontanéité par un lassant conformisme. Il faudrait donc considérer qu’il y a une fatalité démocratique consistant à effacer les subjectivités libres et audacieuses au bénéfice de « perroquets » républicains seulement soucieux de ne pas sortir d’un sillon tracé de toute éternité ?

Ces politiques tellement prévisibles, où qu’ils se situent, sont les responsables de l’ennui qui saisit ceux chez qui la passion de la chose publique ne parvient pas à être plus forte que la détestation du discours stéréotypé.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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