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L’énorme mensonge de Macron sur «les emplois vacants»

L’analyse de Philippe Murer


L’énorme mensonge de Macron sur «les emplois vacants»
Image d'illustration Unsplash

En visite à Marseille, face à une citoyenne expliquant au président de la République que son fils ne trouvait pas d’emplois, M. Macron a refait le coup de « Il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi ». Il a ensuite expliqué qu’il y a des centaines de milliers d’emplois vacants en France. L’affirmation est grave puisqu’elle signifie que les Français sans emploi sont des fainéants.


En économie de marché, quand quelque chose est en pénurie, le prix monte et beaucoup ! Or, les salaires baissent compte tenu de l’inflation. Des centaines de milliers d’offres d’emplois non pourvus alors que les salaires baissent est donc un énoncé complètement illogique. Nous allons voir qu’il y a effectivement beaucoup de manipulations et de mensonges dans cette affaire.


Selon Pole Emploi, il y a 375 000 offres d’emplois non pourvus, en baisse de 5% sur le trimestre. Ce ne sont pas forcément des CDI, ce sont parfois des CDD et même des emplois à temps très partiel : un CDD de 2 heures de ménages par semaine est une offre d’emplois non pourvue !

Il y a 6,1 millions de personnes inscrites à Pole Emploi en France. Ces 375 000 prétendus emplois vacants sont une goutte d’eau au regard des 6 millions de personnes inscrites à Pole Emploi dont la moitié a tout intérêt à chercher du travail pour cause de non indemnisation !

Précarité à durée indéterminée

99% des propositions d’embauches trouvent preneurs. Les employeurs ont déposé auprès des Urssaf près de 30  millions de déclarations préalables à l’embauche en 2022 (environ 5 millions de CDI et 25 millions de CDD dont un grand nombre de moins d’un mois). Les 375 000 de ces offres qui sont non pourvues ne représentent que 1% des déclarations d’embauches ! Elles sont résiduelles. Enfin, les « offres non pourvues » reçoivent presque toujours (90%) des candidatures mais les employeurs jugent les personnes pas assez compétentes pour le poste. D’ailleurs, la France a un nombre d’emplois vacants inférieur à la moyenne européenne : 2,4% d’offres non pourvues contre 2,8% en moyenne dans l’Union Européenne. Si les Français sont des fainéants, cela signifie que les 500 millions d’Européens sont des fainéants.

De nombreuses annonces échouent car elles ne proposent qu’une ou deux heures de travail par semaine. Voici ce que dit Hadrien Clouet, docteur en sociologie, dans un article du Monde diplomatique.

« Salaire ridicule par rapport aux compétences exigées, recruteur inexpérimenté, inexistence du poste annoncé, l’offre servant parfois à la constitution par l’employeur d’une base illégale de CV ». « La problématique des emplois non pourvus gomme l’enjeu de la qualité du travail, en postulant la commensurabilité de toute offre ».

A lire aussi, du même auteur: Le mystère de la baisse du chômage

Regardons plus précisément les offres qui circulent à Pôle emploi. Nombreuses sont les propositions du type « nettoyage industriel, 1 heure par semaine, 9,75 euros l’heure » ou « aide ménager(e), 2 heures par semaine, 11 euros l’heure ».

Les chômeurs à la recherche d’un emploi à plein temps ne s’intéressent logiquement pas aux contrats courts… mais ils font monter le nombre d’emplois non pourvus. On leur reproche de ne pas vouloir travailler, alors qu’ils veulent au contraire travailler davantage ! Beaucoup sont aussi piégés par des trappes à pauvreté. Entre 2007 et 2011, environ cinq cent mille personnes ont dû renoncer à un poste en raison de problèmes de logement et du surcoût de la mobilité exigée.

On ne manque pas de joueurs de flûte au sommet de l’Etat

Certains veulent nous faire croire que la France aurait beaucoup d’emplois non pourvus. En réalité, cette fable était ânonnée pour cacher l’échec sur le chômage des gouvernements en faisant croire que les chômeurs sont des fainéants. Macron a augmenté le niveau de manipulation et l’utilise pour faire croire que « nous sommes presqu’au plein emploi » alors que nous en sommes très loin !

Mais allons un peu plus loin que les statistiques, regardons ce qui se cache derrière les vrais « emplois non pourvus ».

Une amie DRH travaille dans une entreprise de fabrication de produits pour le BTP. Effectivement, elle me dit qu’elle n’arrive pas à recruter assez de personnel. Les salaires des employés de cette entreprise ne suivent pas l’inflation depuis des années et se sont beaucoup rapprochés du SMIC. Les emplois sont aujourd’hui quasiment au SMIC et l’entreprise a de plus en plus de mal à recruter. Les conditions sont très difficiles : il faut porter des tonnes de sacs de ciments par jour, le travail se fait dans des conditions très mauvaises (matières dangereuses pour la santé, poussières en quantité importante en suspension, machines en mauvais état…). L’usine se situe à 50 kilomètres de Paris, dans une zone de logistique très embouteillée. De nombreux salariés ont deux à trois heures de temps de transport par jour. Les emplois sont non pourvus mais la direction de l’entreprise refuse de laisser la DRH recruter avec un salaire 5 à 10% plus haut, donc de rattraper les baisses de salaire précédentes, compte tenu de l’inflation. Emplois non pourvus réellement ?

Un ami qui possède et dirige une entreprise de 20 salariés et fait 400 000 euros de profit chaque année m’assure qu’il y a en France des emplois vacants et même beaucoup. Dans la conversation, il donne son entreprise en exemple : il n’arrive pas à recruter un ouvrier très spécialisé au salaire qu’il a fixé. Le salaire est effectivement correct. Très étonnamment, vu que son entreprise est hyper profitable, il ne se pose pas la question d’augmenter le salaire pour embaucher cet ouvrier très qualifié dans une spécialité très recherchée aujourd’hui. Vu son taux de profit, il y gagnerait beaucoup de chiffre d’affaire et ferait nettement plus de résultat net mais il refuse. A l’écouter, cela donne l’impression que le patron d’une entreprise a, lui, le droit de faire toujours plus de profits et d’avoir un salaire toujours plus élevé mais qu’un bon salaire est inadmissible pour un poste très recherché. Je précise que son entreprise fait des profits récurrents et élevés depuis 10 ans. Que certains chefs d’entreprise fassent un peu d’introspection serait une excellente chose car tout cela commence à ressembler à une façon de penser féodale : il existe des seigneurs qui méritent de gagner toujours plus d’un côté et des gueux qui doivent tout accepter de l’autre côté.

La France se tiers-mondise

Une autre problématique est la déformation de l’économie française que j’appelle tiers-mondisation de la France. En 2017, quand Macron arrive au pouvoir, chaque emploi génère 101 000 euros par an de PIB. Aujourd’hui, chaque emploi génère 98 000 euros de PIB (Pour ceux que cela étonne, le PIB de la France est d’environ 2600 milliards d’euros pour environ 26 millions de salariés). Depuis 6 ans, les emplois créés sont en moyenne des emplois mal payés, souvent précaires. Ainsi, le nombre d’auto-entrepreneurs a explosé : il y avait 1,2 millions d’auto-entrepreneurs en 2017 et 2,4 millions d’auto-entrepreneurs en 2022. Les auto-entrepreneurs actifs gagnent 600 euros par mois soit la moitié du SMIC selon l’Insee. Un auto-entrepreneur typique est un livreur à vélo dans Paris ou un chauffeur de VTC sous-payé de Bolt… Ces chauffeurs sont tellement sous-payés qu’il s’agit dans la grande majorité des cas de migrants fraîchement débarqués qui parlent à peine le français, les seuls prêts à accepter un travail précaire et sous-payé. Je précise que je ne prends pas cette chaîne de VTC sauf lorsque des chaînes de télévision les louent pour moi afin de faire venir leurs invités sur leur plateau en banlieue…

A lire aussi, Stéphane Germain : Retraites, argent magique: l’impossible sevrage

Il manque aussi des employés dans le secteur de la restauration dans les grandes villes. Ce phénomène n’est pas nouveau, il dure depuis 20 ans. Un salarié dans la restauration dans une grande ville touche un salaire généralement un peu au-dessus du SMIC. Les horaires sont 11 heures -16 heures, une pause de 3 heures puis 19 heures – 23 heures. Les jours les plus actifs sont… le week-end quand les autres se reposent ou s’amusent. Un salarié de la restauration peut-il habiter à Paris avec un salaire de 1400 euros ? Une simple chambre de bonne de 10 mètres carré coûte 650 euros par mois. Ces salariés habitent donc le plus souvent à 30 kilomètres de Paris car le loyer et le coût de la vie de la capitale et de la proche banlieue sont trop élevés. Ils ont des pauses de 3 heures qu’ils doivent faire seuls dans Paris et rentrent très tard dans des RER, aujourd’hui dangereux, voire impraticables pour des femmes aux alentours de minuit. Il n’y a rien d’anormal à ce que la restauration ait des difficultés de recrutement.

Les « emplois vacants » et autres « offres d’emploi non pourvus » existent mais restent résiduels et ont souvent de bonnes raisons d’exister. Prétendre ainsi que les Français sont des fainéants et mettre la pression sur les chômeurs pour qu’ils acceptent n’importe quel travail, à n’importe quel salaire, dans n’importe quelle condition de travail et à n’importe quelle distance de leur logement est donc une nouvelle déclaration indécente de Macron. Nous sommes en droit d’attendre du président de la France qu’il s’occupe des grandes affaires de l’Etat comme faire baisser les prix élevés de l’énergie pour que l’économie française tourne bien plutôt que de jeter de l’huile sur le feu. Il suffit pour cela de ne pas agir en idéologue, de copier l’Espagne et de sortir du marché européen de l’électricité. Il suffit aussi d’être capable de faire entretenir correctement nos réacteurs nucléaires et d’éviter de fermer Fessenheim, 3% de notre capacité de production d’électricité, quand la France est au bord de manquer d’électricité. Il suffit aussi d’arrêter les auto-sanctions sur l’énergie qui détruisent l’économie française sans gêner la Russie. Il semble que ce président préfère stigmatiser les Français les plus faibles que de jouer son rôle de président : par exemple, s’opposer à la présidente de la Commission Européenne et utiliser la puissance de la France pour dire Non, No, Nein.

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Un autre son de cloche. À Marseille, Macron assure trouver « dix offres d’emploi » – l’édito d’Élisabeth Lévy

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