Accueil Édition Abonné La Russie attaque? Vengeons-nous sur les handicapés!

La Russie attaque? Vengeons-nous sur les handicapés!


La Russie attaque? Vengeons-nous sur les handicapés!
Le président du Comité international paralympique Andrew Parsons, Pékin, 3 mars 2022 © Tsuyoshi Matsumoto/AP/SIPA

Pendant le conflit se déroulent à Pékin les Jeux Olympiques des handicapés. Les instances internationales n’ont rien trouvé de mieux, pour punir Poutine, que d’interdire aux handicapés russes de participer. Une décision sinistrement stupide.


Ils sont handicapés, ils vivent en Russie — ce qui en soi n’est pas forcément drôle —, ils se sont entraînés comme des fous pour un événement qui ne leur offre une chance d’exister et de briller que tous les quatre ans, et le Comité olympique, sous influence américaine, vient de leur interdire de participer. On tue leurs rêves pour punir Poutine — qui s’en fiche un peu, figurez-vous.

Les responsables de cet ostracisme sont de sombres connards. Ceux qui l’approuvent (et il en est, qui affirment que les culs-de-jatte n’avaient qu’à ne pas voter Poutine) sont encore plus cons. S’il en est parmi les lecteurs de Causeur, j’espère que ça leur fait du bien de cracher sur des handicapés. Que ça leur dégage les bronches.

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Les sportifs sont globalement des cibles désignées pour les bonnes consciences occidentales. Les patineurs russes sont désormais interdits de compétition (ça donnera enfin aux autres une chance de monter sur les podiums), les athlètes russes sont partout refoulés, et la Fédération ukrainienne de tennis réclame l’interdiction des tennismen russes — y compris ceux qui comme Medvedev ont manifesté leur hostilité à la guerre et qui seraient bien plus efficaces en se maintenant justement sur le circuit. De puissants connards, ces Ukrainiens-là, et ceux qui les approuvent.

Quant à la Fédération internationale féline, elle décrète l’embargo sur les chats russes. Il y a aussi des connards de première chez les amis des bêtes.

Dans le monde de la culture, c’est encore pire. Des chefs d’orchestre ou des cantatrices sont interdits, et sous l’influence des woke anti-guerre, un cours sur Dostoïevski a été suspendu à Milan (puis rétabli devant les protestations des Italiens intelligents, il en reste). Allons-nous brûler tous les ouvrages écrits par Tolstoï, Gogol ou Gorki ? Belle occasion de tuer Pouchkine une seconde fois. Le monde universitaire est bourré de connards. « La détestation de Poutine tourne au maccarthysme anti-russe », écrit avec un grand à-propos Anne-Sophie Chazaud dans Causeur. La « cancel culture » a trouvé avec cette guerre un terrain d’élection.

Ça me rappelle la grande intelligence des Américains lorsqu’après le refus (raisonné) de Chirac de s’embarquer dans la croisade irakienne, ils avaient rebaptisé « liberty fries » ce qu’ils appelaient autrefois « french fries ». Que ne les ont-elles étouffés !

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Dans la musique classique, c’est encore pire. Un chef d’orchestre, Valery Gergiev, est rayé des cadres de la Scala, et une soprano — la magnifique Anna Netrebko — est suspendue (par les bretelles de son soutien-gorge ?) par l’Opéra de New York. Sans doute ont-ils résisté au désir de la pendre pour de bon. Les Américains ont un chic particulier pour les lynchages et les chasses aux sorcières.

Et aux censures décrétées par Poutine, qui n’est pas exactement un démocrate, ont répondu les censures françaises de Russia Today et de Sputnik France. Nous devons nous sentir très intelligents d’appliquer les mêmes normes qu’un dictateur post-soviétique.

Enfin, pour punir la Russie, on n’a rien trouvé de plus efficace que d’interdire à son représentant de disputer le concours de l’Eurovision, et LVMH et Chanel ont provisoirement fermé leurs boutiques dans la capitale russe. Les Moscovites tremblent, j’en suis sûr.

C’est entendu, les Ukrainiens sont en première ligne dans un conflit qui oppose en fait l’OTAN, faux-nez des États-Unis, et la Russie. Querelles d’empires, les Ukrainiens sont le doigt entre l’écorce et l’arbre. De là à s’en prendre aux handicapés ou aux félins… Je sens venir un embargo sur le caviar (déjà que celui d’origine iranienne est soumis au blocus imposé par ces mêmes Américains, shérifs de la planète entière) et sur la zibeline. Le pétrole et le gaz, eux, coulent toujours, parce que l’Europe serait exsangue en quelques jours si l’on en coupait la source, comme l’a très bien expliqué Charles Gave au micro de Sud-Radio vendredi dernier.

Mais que ne ferions-nous pas pour permettre une fois encore à Bernard-Henry Lévy d’exhiber ses chemises et son brushing sur les plateaux télé ? Le joli coup de la déstabilisation de la Libye ne lui a pas suffi, il lui faut un conflit mondial pour pérorer à l’aise !




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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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