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Jean-Pierre Bacri: un acteur qui manque

Sa voix manque plus que jamais...


Jean-Pierre Bacri: un acteur qui manque
Le comédien Jean-Pierre Bacri lors de la présentation du film " Cherchez Hortense" le 24 août 2012 © BAZIZ CHIBANE/SIPA

Disparu il y a un an, Jean-Pierre Bacri a laissé un grand vide.


Dans le monde artistique et culturel, tant de voix inutiles et de propos convenus mais comme la parole singulière de Jean-Pierre Bacri fait défaut ! On a pu le revoir et l’entendre récemment dans un film-portrait de Stéphane Benhamou et Erwan Le Gac sur France 3, « Bacri, comme un air de famille », avec un commentaire discret dit par un très grand acteur d’aujourd’hui, Gilles Lellouche. Bacri tel qu’on l’a toujours aimé, lui dont la disparition – son infinie pudeur n’informant ses amis, dont un Sam Karman très ému dans le film, de sa disparition inéluctable qu’au lendemain de Noël, il mourra le 18 janvier – a laissé un vide immense que la frénésie politique, médiatique et péremptoire de ces dernières années nous a rendu encore plus amer, plus insupportable.

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Une personnalité intelligente, libre jusqu’à susciter l’incompréhension, détestant les étiquettes et la globalisation paresseuse, seulement soucieuse d’exprimer sa vérité quoi qu’il en coûte, fuyant les globalités, les étiquettes et les conformismes comme la peste, jamais mouton de Panurge, haïssant les injustices, ne signant pas mécaniquement toutes les pétitions de gauche, si lucide sur son passé de – selon lui- « petit con cannois », s’étant découvert lui-même grâce au théâtre et au cinéma, devenu un scénariste de haute volée de concert avec Agnès Jaoui, l’amour de sa vie puis une amie avec laquelle l’entente artistique n’a jamais été brisée, un homme intelligent récusant tout ce que le jeu social induit de simulacre et de conventionnel, un Alceste qu’il aurait formidablement joué sur scène s’il ne l’avait pas estimé trop proche de ce qu’il était dans la vie, une intégrité d’acier, un inimitable râleur dont le visage s’éclairait d’un magnifique sourire, une rectitude exemplaire nous donnant à tous la mauvaise conscience de préférer les accommodements tranquilles aux conflits nécessaires, Jean-Pierre Bacri, une force tendre, une intégrité absolue. Il est mort et on ne cesse de déplorer ce dont sa fin nous a privés. Sans doute, de son vivant, avec une ironie aimable j’en suis sûr, m’aurait-il trouvé excessif, quasiment flagorneur, mais comme il aurait eu tort !

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Dans ce que les médias nous proposent et qui sollicitent des artistes, allant jusqu’aux histrions, pour donner leur avis sur tout et n’importe quoi, il n’est pas une minute où je ne m’interroge : qu’aurait-il dit, lui, quelle contradiction aurait-il fait valoir, quelle colère légitime aurait-il exprimée, quelle valeur ajoutée aurait été la sienne aux banalités et poncifs que trop souvent les pauvres intelligences ou la dérision masquant tout ce qui manque au véritable esprit, prodiguent ?

Dans les grandes messes corporatistes tombant parfois dans une pompe hyperbolique, genre cérémonie des Césars ou Festival de Cannes, somptuaire de l’entre-soi parfois si mal inspiré, sa parole singulière, qu’on approuve ou non le fond de son inimitable sincérité, aurait projeté de l’authentique et mis dans l’ensemble de ces comédies une odeur d’humanité et sans doute de vraie révolte. On ne devrait plus, même pour lui rendre hommage, revenir sur Jean-Pierre Bacri parce qu’à chaque fois, inéluctablement, douloureusement pour tous ses multiples admirateurs, pour cette nostalgie inguérissable, le cœur se point à l’idée qu’il sera absent pour toujours.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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