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Élections en Espagne: vers une victoire de la droite en juillet prochain?

Les élections générales se tiendront le 23 juillet prochain...


Élections en Espagne: vers une victoire de la droite en juillet prochain?
Pedro Sánchez (à gauche), membre du Parti socialiste ouvrier et Alberto Núñez Feijóo (à droite), membre et président du Parti populaire. © SOPA Images/SIPA et Lenin Nolly/EFE/SIPA

En Espagne, lors des dernières élections locales, la gauche s’est effondrée. Cette débâcle est loin d’être imméritée. Analyse.


Ce qui se joue actuellement en Espagne est d’un intérêt majeur pour tous ceux qui s’interrogent – non plus sur l’existence – mais sur la longévité des politiques d’extrême gauche menées tambour battant au plus haut sommet d’un État européen. Les Espagnols ont visiblement ébauché une réponse à cette question le 28 mai dernier lors d’élections municipales qui se sont tenues sur l’ensemble du pays : la nette victoire de la droite libérale-conservatrice, conduite par le représentant du Partido Popular (PP) Alberto Nuñez Feijóo, a amené l’actuel et très controversé Premier Ministre socialiste Pedro Sánchez (PSOE) en poste depuis 2018, à assumer «personnellement » ce cuisant échec électoral local et à anticiper les élections générales initialement prévues en décembre prochain.

Anticiper pour mieux sauter ?

Échec territorial de la gauche, sans nul doute, puisque le PP a triplé son implantation dans les capitales de province et l’a emporté dans 3193 municipalités, lesquelles représentent 46,5 % de la population espagnole, tandis que le Parti Socialiste (PSOE) a vu sa présence locale divisée par deux, allant jusqu’à perdre l’emblématique Séville et la quasi-totalité de l’Andalousie pourtant bastion de la gauche et traditionnel baromètre de la couleur politique à l’échelle nationale.

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Débâcle de la gauche assumée « à la première personne » (« en primera persona ») par un Premier ministre taxé de « narcissique », d’« ambitieux » et de « grand imposteur » autant par ses opposants que par ses alliés du PSOE qui lui reprochent d’avoir conjugué l’action politique non seulement à la première personne – suivant une dérive autocratique voire tropicale du pouvoir – mais aussi aux deuxièmes et troisièmes personnes que sont l’ultra-gauche d’Unidas Podemos (UP, Unies Nous Pouvons, sorte de LFI ibère, littéralement atomisé par les élections du 28 mai) et les partis séparatistes basque et catalan, respectivement Bildu et ERC. Si la vague bleue se confirme, malgré la tentative de Pedro Sánchez, en avançant la date du scrutin au 23 juillet, de museler l’inévitable contestation en interne et de transformer ces élections générales en un plébiscite de sa politique contre la montée de la droite agitée comme un chiffon rouge, l’ex-chef de file de la droite galicienne Alberto Nuñez Feijóo, patron du PP depuis mai 2022, est bien parti pour être le futur Président du gouvernement espagnol.

Espérons, pour les Espagnols, que la date du scrutin, stratégiquement fixée en pleines vacances d’été, ne sera pas un frein à la poursuite de la contestation sortie des urnes le 28 mai dernier. Espérons aussi que ce que la droite espagnole a qualifié de leçon d’humilité adressée à l’actuel Président du gouvernement se concrétise le 23 juillet en ce « baño de realidad » (littéralement et très joliment « bain de réalité ») qu’elle lui promet, autrement dit, une confrontation avec le réel. Un réel énoncé de façon simple et concise par Alberto Nuñez Feijóo, il y a tout juste un an : « Les Espagnols en ont assez ».

Pedro Sánchez, Nuñez Feijóo et le berger du Don Quichotte de Cervantes

Et on peut les comprendre. Reléguée à la dernière place en Europe, derrière la Grèce, en matière d’emploi, attaquée dans ses fondements constitutionnels par un gouvernement prêt à questionner « l’indissoluble unité de la Nation espagnole » (article 2 de la Constitution de 1978) pour s’assurer de l’appui électoral des partis séparatistes basque et catalan, outragée dans l’histoire douloureuse de son XXème siècle par la nouvelle loi de Mémoire démocratique (2022) et la remise en cause de cette étape fondamentale de la réconciliation nationale que fut la Transition à partir de 1975, wokisée à l’envi dans ses écoles et leurs affligeants programmes scolaires désormais délestés de philosophie mais obèses de « perspectives de genre», d’ « invisibilisation dans l’histoire », de « dégradation de la vie sur Terre » et de « vision contextualisée et juste de la motricité » – alias le sport- , enfin kidnappée dans sa citoyenneté par une sociétalosphère en roue libre, l’Espagne a sans doute besoin de sortir un peu la tête de l’eau.

Irene Montero, Ministre de l’Egalité, devant le Parlement à Madrid, après l’adoption de la nouvelle législation concernant le changement de sexe, le jeudi 16 février © Paul White/AP/SIPA

En attendant les élections, les « perles » se succèdent. La ministre du travail Yolanda Díaz, à la tête d’un parti politique nommé Sumar (additionner, ajouter, en espagnol) regroupant les différentes gauches radicales qui viendront en renfort pour aider le PSOE le moment voulu, a précisé cette semaine son brillant objectif : « que l’on puisse rentrer chez soi à 18:00, pour prendre un verre, aller se balader, s’ennuyer ou s’occuper de ses enfants ». Ambitieux programme, en effet, pour une ministre du travail, ancienne communiste. Pedro Sánchez, de son côté, se dit soucieux de l’image d’une Espagne appelée à prendre la Présidence du Conseil de l’UE le 1er juillet prochain et qui, si elle passait à droite, serait vue comme homophobe, trumpiste, bolsonariste, anti-européenne, insensible aux causes environnementales, bref, l’incarnation du camp du Mal. Rassurons la gauche espagnole sur ce point : ce que beaucoup d’Européens auront retenu des exploits progressistes du gouvernement de Pedro Sánchez sera sans doute d’avoir été à l’origine de la loi dite du consentement, une loi anti-violeurs concoctée par la Ministre à l’Egalité Irene Montero (Unidas Podemos, UP), et qui a visiblement porté ses fruits puisqu’en moins d’un an auront été enregistrées 1127 remises de peine et 115 sorties de prison d’individus jugés pour agressions sexuelles. Pour reprendre les mots d’Amelia Valcárcel, professeur de philosophie morale et politique à l’UNED et ancien membre du Conseil d’Etat, ce qui caractérise les ministres Podemos c’est « leur impréparation intellectuelle et politique : ils ouvrent la bouche pour dire ce qui leur passe par la tête ». Toute comparaison avec d’autres partis au-delà des Pyrénées, etc.

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Cette loi, acmé de la politique inclusive et bienveillante menée par le tandem gauche-extrême gauche depuis 2018, rappelle un épisode du célèbre Don Quichotte de la Manche (1605) de Miguel de Cervantes, celui du jeune berger battu par son maître, un épisode moins connu que celui des moulins à vent, mais tout aussi exemplaire (Première partie, chapitre 4). Don Quichotte, parti à l’aventure avec son fidèle écuyer Sancho Panza pour redresser les torts et punir les malveillants, se retrouve tout à coup nez à nez avec un paysan occupé à frapper un jeune berger, sous prétexte que celui-ci lui aurait perdu plusieurs moutons. Don Quichotte, outré d’apprendre, par-dessus le marché, que le paysan n’a jamais versé un seul sou au berger pour son travail, lui fait jurer de rentrer chez lui et de le payer séance tenante. Le paysan jure, rentre chez lui avec le jeune homme, et lui donne double ration de coups, lui promettant même, au passage, de l’écorcher vif. Don Quichotte, confiant en ses bonnes paroles, poursuit son chemin très heureux de cette belle leçon de chevalerie donnée au paysan et, surtout, très satisfait de lui-même.

Rendez-vous le 23 juillet.


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Georgia Ray est normalienne et professeur (sans -e).

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