Accueil Culture Un bon début

Un bon début

“Au commencement”, un drame géorgien de Dea Kulumbegashvili


Un bon début
© Wild Bunch

Premier film d’une cinéaste géorgienne, une tragédie oppressante, hantée par le crime


“Au commencement” – c’est le titre de ce premier long métrage, réalisé par une extraordinaire cinéaste géorgienne âgée de 36 ans, Dea Kulumbegashvili. Et à la fin ? Rien ne se sera passé comme on pouvait s’y attendre. 

Un film très soigné

Format carré de l’écran, plans fixes indéfiniment étirés, plastique rigoureuse organisant cadrages et entrées dans le champ de l’objectif avec une impeccable précision, voilà qui est assez rare dans le cinéma contemporain pour être souligné d’emblée. Formellement, le film est, d’un bout à l’autre, un objet pictural très soigneusement tenu. Jusque dans le plan final, étrange et magnifique. 

Wild Bunch

L’action (si l’on peut dire) se passe dans une campagne cernée par les montagnes caucasiennes, au bord de l’Azerbaïdjan. Yana, blonde et belle quadragénaire, partage avec son mari et leur jeune fils adolescent l’austère morale des Témoins de Jéhovah, petite communauté rurale marginalisée par la confession chrétienne orthodoxe, majoritaire dans le pays. Au milieu d’un office, incendiée par des extrémistes (le déroulement ne nous apprendra rien ni sur leurs raisons, ni sur leur identité), la maison chaulée de blanc qui, au milieu de la plaine, sert de modeste lieu de culte disparaît dans les flammes. Le mari de Yana est tenté de porter plainte mais la police lui laisse entendre qu’il ferait mieux de s’abstenir. Contre l’avis de sa femme, il part aussitôt en voyage chercher des soutiens pour reconstruire l’édifice. Restée seule, Yana reçoit alors la visite d’un jeune inspecteur de police, personnage retors, libidinal et glaçant. Terrifiant, leur sobre échange verbal est filmé comme une opération –  au scalpel (n’en disons pas plus). Contre toute attente, le type s’en va. Mais Yana se sait sous sa menace. De fait, un peu plus tard, l’homme surgit et la viole au bord d’un ruisseau. Séquence stupéfiante, car filmée à grande distance, en plan fixe, sans cri, sans musique, avec pour fond sonore le seul vacarme continu de l’eau qui roule, torrent imperturbable, au cœur d’un paysage riant. À son retour, l’époux tombe sur l’enregistrement du dialogue pervers intenté par le futur violeur pour humilier sa proie. Devant son époux interdit, elle s’effondre, dévastée par la honte. On comprend au passage que Yana a dû renoncer à sa carrière d’actrice pour suivre celui-ci, corps et âme, dans son projet missionnaire. Comment survivre à l’humiliation irrémissible ? Victime expiatoire, Yana se punira… en tuant son enfant. 

Tragédie absolue

Ainsi le châtiment du viol s’abat-il sur deux innocents. Impuissance devant la disgrâce conjugale, devant la sujétion au désir, impuissance devant l’abjection masculine, impuissance devant l’oppression de l’État :  la tragédie absolue. On est loin du moralisme neuneu sur le « féminicide ». 

À Paris, le film ne passe que dans une seule salle : le cinéma du Panthéon, dans le cinquième arrondissement. Autant dire qu’il n’y a pas de temps à perdre pour s’y risquer…. 

Au commencement. Film de Dea Kulumbegashvili. Géorgie/ France, couleur, 2020. Durée : 2h05          



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Valérie Pécresse, à vous de protéger les Français!
Article suivant François Cérésa, toujours aussi vert!

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération