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Un jeudi à l’Assemblée


Un jeudi à l’Assemblée
Jeudi, c'est tartiflette
Tartiflette
Jeudi, c'est tartiflette

Qu’on ne compte pas sur moi pour pratiquer l’anti-parlementarisme primaire. Néanmoins, jeudi, j’ai eu un doute. Pour les béotiens, l’Assemblée nationale est ouverte tous les jours. Mais un député qui veut maximiser son crédit politique et travailler sa visibilité pour se faire réélire vient surtout le mardi et le mercredi, les deux jours des questions au gouvernement : retransmises sur France 3, on y assiste à des assauts de flagornerie de la part de la majorité et à des interventions piquantes venues de l’opposition, auxquelles ne répond que très rarement le Premier ministre qui a autre chose à faire.

Mardi et mercredi, à l’Assemblée, c’est la fête au village

Cela dit, quand une loi un peu compliquée, ou bien susceptible de valoir un sujet d’une minute quinze au 20 heures, se présente devant l’Assemblée, le député peut imaginer rester un peu plus longtemps que ces deux seuls jours. Evidemment, je caricature : chacun sait que le député travaille, en commission, loin des caméras, fait un travail de fond, souterrain, silencieux. Et si ça se trouve, préfère rester discret et fuir la presse, donc les bancs, donc les Quatre Colonnes, cet endroit où se mélangent à la sortie de l’hémicycle les journalistes et les députés. La plus belle usine à petites phrases et à langue de bois de France – et accessoirement à blagues et à rumeurs, faut bien le reconnaître.

Donc, le mardi et mercredi, c’est la fête au village. Les conférences de presse sont pleines de journalistes de télé d’info continue ou de radios, de retraités, de gratte-papier de la grande presse politique, d’intrigants, de filles perdues. Mercredi, 17 heures, rideau. L’Assemblée retrouve son calme. Presque tu te sens à la maison.

Pour autant, n’allez pas croire qu’il n’y a pas de textes à l’ordre du jour. Tiens, jeudi on causait régulation financière et bancaire. Pas un petit texte. Promis par le président de la République lors de son discours de Toulon sur la finance, il ne s’agissait ni plus ni moins que de donner au politique les moyens d’arrêter les conneries des banques et des agences de notation, qui ont, disons-le, pourri la situation économique mondiale. Sous le regard bienveillant, ou ébloui, des élus, faut bien le dire. Bref, bref, le texte arrive. Tambours, trompettes : on allait voir ce qu’on allait voir. Limiter les bonus des traders, serrer les banques, contrôler les risques, interdire les ventes à découvert (comme les Allemands viennent de le faire sans barguigner).

Régulation financière : 4 députés à gauche, 0 à droite

Ben, jeudi, j’y étais. Dès l’ouverture. Je suis d’un naturel hargneux ou malade. C’est selon. Et bien, j’ai vu. D’un côté, la loi sur la finance. Pendant la discussion générale du texte le matin (en fait, là où on ne risque pas grand-chose, ni vote, ni surprise de dernier moment, ni coup de théâtre, là où on permet seulement aux orateurs de causer pendant leurs 20 minutes réglementaires), j’ai compté : avant midi, 4 députés de gauche en séance avec le président de la Commission des finances, le socialiste Jérôme Cahuzac. À droite, personne dans les travées. Si ce n’est le rapporteur du texte, le président de séance, la ministre de l’Economie. Ceux qui sont obligés, quoi, auxquels on ajoutera en tribune votre serviteur ainsi qu’une palanquée de chargés de mission de Bercy, le teint cireux, l’œil cerné, la main fébrile sur la liasse d’amendements à passer dans le bon ordre à leur cheffe.

Alors, outre que le texte était présenté comme fondamental, rapport que l’économie mondiale part en capilotade, il y a un autre truc qui aurait justifié un poil plus de monde dans les lieux : la réforme du Parlement, celle adoptée dans la foulée de la Constitution en 2008. Les députés allaient avoir plus de possibilité d’expression, de proposition, plus de moyens d’imposer leurs idées, leurs textes. Fini les godillots qui votent des deux mains ce que le gouvernement leur amène. Déjà, on avait des doutes. Jeudi, ils ont été balayés. Je veux bien que tout le monde ait à faire en circonscription : après les régionales, notamment à droite, on a senti un repli stratégique brutal sur les bases, la réélection c’est dans deux ans. Mais en vrai, ce n’est pas que ce noble motif qui pousse à cette désertion.

Jeudi, un événement d’une haute importance se tenait à deux pas de l’hémicycle et de ses débats sur la finance mondiale : on fêtait chez le président de l’Assemblée, mais néanmoins savoyard, Bernard Accoyer, les 150 ans du rattachement de la Savoie à la France, avec force Apremont et tomme au lait cru, on imagine. Alors tes CDS, tes ventes à découvert, tes comités de déontologie, tes agences de notation, à côté de la tartiflette géante de la Questure… On va encore dire que j’ai mauvais esprit. Sinon, le texte a été adopté à 23 h 57, jeudi soir.



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