Le travail, père de tous les vices


Le travail, père de tous les vices

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« Ne travaillez jamais ! » Le célèbre graffiti de la rue de Seine, attribué à Guy Debord en 1953, était à l’époque le comble de la subversion. Il s’apparente aujourd’hui à un projet de société. Dans un monde où le chômage de masse est devenu endémique, on parle ainsi régulièrement du « revenu universel ». Il s’agirait d’une somme versée à chacun, de sa naissance à sa mort et sans conditions. Libre au bénéficiaire de la compléter par d’autres revenus s’il veut ou peut travailler. L’idée est déjà concrètement appliquée par la mairie d’Utrecht. Elle figure aussi au programme de Podemos en Espagne, mais aussi à celui de l’actuel gouvernement finlandais qui allie centre et extrême droite.

Le revenu universel n’est donc pas la propriété d’un camp politique. Une ligne de partage traverse même assez férocement la gauche à ce propos. Cet été, dans Libé, un économiste d’Attac, Jean-Marie Harribey, s’en prenait ainsi au revenu universel au nom de l’« éthique ». De fait, on retrouvait chez lui l’idée du travail émancipateur, chère à nos grands progressistes du xixe, Hugo et Zola. Si Hugo critiquait le travail des enfants dans Melancholia, c’était « au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux / Qui fait le peuple libre et qui rend l’homme heureux ! ». Quand Zola dénonçait la misère dans Germinal, c’était pour mieux célébrer dans Travail, son roman utopique, « la Cité rêvée, la Cité du travail réorganisé, rendu à sa noblesse, la Cité future du bonheur enfin conquis, qui sortait naturellement de terre, autour de l’usine élargie elle-même, en train de devenir la métropole, le cœur central, source de vie, dispensateur et régulateur de l’existence sociale ». Et Harribey de lui faire directement écho : « Nous devons nous orienter plutôt vers une nouvelle organisation des activités de production. (…) C’est vers l’universalisation du salariat qu’il faut tendre. »

Pour en finir avec le travail (qui est par ailleurs le titre d’un disque situ de 1974 composé de chansons détournées par Debord et Vaneigem), on ne trouve guère à gauche que Paul Lafargue et son Droit à la paresse qui réclamait déjà le revenu universel sous forme de temps libre : « Si, déracinant de son cœur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible (…) pour forger une loi d’airain, défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, la Terre, la vieille Terre, frémissant d’allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers… »

Alors, Zola ou Lafargue ? Choisis ton camp, camarade !

*Photo: melina1965

Juillet-Aout 2015 #26

Article extrait du Magazine Causeur



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