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Un navet est beaucoup plus qu’un navet

Le billet de Dominique Labarrière


Un navet est beaucoup plus qu’un navet
Image d'illustration Unsplash.

Dominique Labarrière nous propose aujourd’hui un peu de médecine préventive


De ce que nous mettons au bout de notre fourchette dépend, en grande part, notre santé. Pardon de rappeler une vérité si bien connue. Dans le catalogue des prescriptions de la médecine préventive, il est clair qu’une alimentation équilibrée et saine devrait tenir le premier rang. D’ailleurs, on nous en serine les bienfaits à l’envi : s’appliquer à consommer cinq fruits et légumes par jour (hors versions distillées, cela s’entend) vaudrait non seulement un élixir de longue vie mais assurerait de surcroît un prolongement de la vitalité juvénile absolument prodigieux. Big Pharma en crèverait. La perte serait considérable, du moins à la corbeille.

Ce que nous mettons dans nos assiettes participe aussi – sans doute le perd-on trop facilement de vue – de notre plaisir, notre plaisir d’individus de chair et de sang, et donc de notre art de vivre. Chacun admettra qu’il n’y pas de moments heureux dans nos existences bien françaises sans qu’on se sente tenu de s’offrir quelques fastes de table.

Bref ! J’oserais aller jusqu’à déclarer que le navet fait effectivement partie intégrante de notre « patrimoine commun ». Un peu après le château de Versailles et le chapeau de l’empereur, certes, mais pas si loin que cela. Ce n’est pas rien. On s’en persuadera sans peine. Ce dont les peuples se sustentent, ce qu’ils ont agrément à se mettre en bouche participe évidemment et très profondément des mille et cent éléments, importants ou dérisoires, qui fondent leur culture. À cet égard, le navet est donc bien plus qu’un navet. Il ne devrait pas demeurer plus longtemps, comme la chaussette ou le caleçon molletonné popeckien, un produit de plus à entasser sur les rayons des supermarchés, une chose vulgaire, banale. Pour inanimée qu’elle soit, cette chose aurait, me dis-je, poussant toujours plus loin l’innocent délire que je m’autorise ici, une âme. (Pour ma défense, ce poète fameux qui finalement ne dit pas autre chose : « Objets inanimés qui s’attachent à notre âme et patati et patata… ». On connaît.)  

Pour toutes ces raisons, le navet mérite respect et considération. On pourrait par exemple le citer de temps en temps à l’ordre de la nation reconnaissante. Je galèje encore, bien sûr. J’en suis bien conscient. Mais il me semble que s’autoriser en ce moment une once de rigolade ne peut pas être mauvais pour notre santé, mentale en l’occurrence.

Enfin, pour tout dire, je verrais d’un assez bon œil que notre navet ainsi que tous autres légumes et plus généralement toutes productions paysannes de chez nous, bénéficient d’un traitement privilégié, plus ou moins calqué sur le modèle de notre exception culturelle française dont le mérite, en soi remarquable, aura été de sauver du naufrage la création cinématographique hexagonale. Rien de moins. Navets compris, au demeurant.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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