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Fiction: la France n’a plus à rougir de ses séries TV!

La série de Canal + sur les escrocs du C02, avec Vincent Lindon et Ramzy, mérite qu'on allume sa télé


Fiction: la France n’a plus à rougir de ses séries TV!
Niels Schneider, Vincent Lindon et Judith Chemla © Canal +

Télévision. Philippe Bilger nous partage son coup de cœur pour la série « D’argent et de sang » de Xavier Giannoli, diffusée par Canal+.


Il faut que j’arrête avec ce syndrome qui m’a conduit trop souvent à juger médiocres les œuvres de fiction françaises, les scénarios et les dialogues à la télévision, notamment par comparaison avec certaines réussites américaines ou britanniques. Longtemps j’ai eu tendance à considérer que j’avais raison tant manquaient l’invention, le sens narratif, la qualité technique et l’excellence des acteurs. Il me semble que si je continuais sur cette pente, j’appartiendrais à la catégorie des grincheux professionnels. Ce n’est pas que je sois enthousiasmé chaque année par le choix des films au Festival de Cannes, la composition du jury, l’atmosphère, dans le meilleur des cas, élégamment vulgaire et corporatiste de cette manifestation et en définitive par les prix décernés. Rien qui émane de ce monde festif qui prend ses goûts pour une adhésion universelle, alors qu’ils privilégient l’outil au détriment du fond, de la profondeur et de l’absence d’ennui, ne suscite l’approbation totale, une admiration indiscutable. Beaucoup de films français, il est vrai, ne sont pas loin de confirmer mon sens critique. Faiblesse des scénarios, dialogues pauvres (quand on les entend), appétence obscène pour la nudité des actrices, rarement nécessaire, lenteur du rythme, particularismes et incongruités aussi éloignés de l’art universel que Marc Lévy de Marcel Proust, sentiment, à leur sortie, que l’histoire s’oubliera vite, se perdra parce que rien ne nous aura accrochés à elle.

Le cinéma français subventionné, ce Titanic

Il y a évidemment des exceptions mais pour un Emmanuel Mouret, un Xavier Beauvois, que de réalisateurs se piquant aussi d’être scénaristes, que de scénaristes croyant être cinéastes, et perdant sur les deux tableaux au détriment d’un spectateur tout étonné que le CNC ait permis à cette imperfection d’être présentée au public ! Et on dit avec forfanterie que notre système, ne faisant courir de risque qu’à ceux se déplaçant pour voir les films, a sauvé le cinéma français ! Il y a des naufrages souhaitables…

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On pourra me comprendre alors quand j’affirme le bonheur de pouvoir accueillir chez soi, dans un confort où on n’est gêné par rien ni personne, des séries qu’on a pu choisir spontanément ou sur les conseils d’un entourage à la curiosité plus étendue que la mienne.

Ainsi, avant d’aborder mon coup de cœur essentiel et qui est exclusivement français, je voudrais – j’arrive probablement très en retard avec mon enthousiasme, la série datant déjà – attirer l’attention sur « Beckham », quatre épisodes d’à peu près une heure chacun. La relation du grand footballeur anglais avec un père à la fois dur et aimé lui faisant répéter interminablement ses gammes quand il était petit, le génie des corners, des coups francs, des centres, des très longues passes, son lien extraordinaire avec l’entraîneur Alex Ferguson, le beau gosse, l’élégant véritable gravure de mode, le couple mythique avec son épouse, ses coups du sort sportifs, sa patience, sa résilience, leur vie familiale avec leurs enfants adorés emmenés partout, une sérénité pour cet homme s’étant avoué « sans intelligence » et pourtant admirable par certains côtés. Ceux qui tourneraient en dérision ma passion pour cette série auraient bien tort : elle dépasse de très loin le football.

La fraude à la taxe carbone racontée par Fabrice Arfi

Arrivons à ce miracle français qu’est « D’argent et de sang », une perfection d’intelligence, de narration, de limpidité, avec des acteurs au comble de leur art : d’abord Vincent Lindon époustouflant, Ramzy Bedia, Niels Schneider, André Marcon et tous les autres incarnant avec force et sensibilité des personnages contrastés. Il s’agit d’une énorme escroquerie à la TVA, « fraude à la taxe carbone » dont j’avoue que sa représentation médiatique ne m’avait pas immédiatement mobilisé. Mais dès le premier épisode regardé presque au hasard j’étais pris. Impossible de ne pas voir très vite les cinq autres ! Devoir attendre la suite jusqu’en janvier est insupportable.

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Cette série est extraordinaire parce qu’elle raconte des événements réels (adaptés d’un récit de Fabrice Arfi) – et bien sûr la réalité dépasse la fiction – mais avec le travail de deux scénaristes inspirés, dont Xavier Giannoli également réalisateur, qui ont su donner à ces péripéties intenses, dramatiques, passionnantes, d’argent et de sang, de rires et de larmes, une tonalité à la fois exacte et revisitée avec une limpidité et une accessibilité sans égales. Avec des acteurs autorisant une sublimation artistique des bons comme des méchants. Et, surtout, le sentiment si rare, dans les œuvres françaises, de favoriser une profonde admiration pour le camp du Bien et également une volonté affichée de faire connaître les rouages de services douaniers et ministériels, et ses fonctionnaires parfois frileux, passifs, méprisants. Hâte que la prochaine année nous fasse don de ce beau cadeau : les six épisodes qui restent.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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