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Lampedusa, terre d’un affrontement démagogique

Une analyse d’Edoardo Secchi, entrepreneur et conseiller économique France-Italie


Lampedusa, terre d’un affrontement démagogique
L'Italienne Giorgia Meloni et le Français Emmanuel Macron, Rome, 26 septembre 2023 © Filippo Monteforte/AP/SIPA

La crise migratoire que symbolise l’île de Lampedusa met à mal l’unité européenne, notamment en opposant l’Italie de Meloni à l’Allemagne de Scholtz. À la justification humanitaire traditionnelle, les acteurs pro-migration ont ajouté un nouvel argument, selon lequel nos économies auraient besoin de main-d’œuvre. Mais ont-ils raison? Analyse.


Depuis plusieurs années, l’ile de Lampedusa est prise d’assaut par les migrants qui, quotidiennement, débarquent dans l’attente d’un transfert dans l’espace italien puis européen. Symbole de la lassitude qui domine en Europe, au regard de la plus importante crise migratoire du siècle, la petite ile sicilienne est trop souvent utilisée comme terrain d’une bataille politique tous azimuts. Discours après discours, visite après visite, promesses après promesses, Lampedusa se retrouve seule, abandonnée face à un problème pour lequel des solutions existent mais ne sont pas appliquées.  À qui profite le crime ?

En l’espace de quelques semaines, l’Italie s’est transformée en champ de bataille politique mais aussi économique. Dans les deux cas ce sont deux visions opposées de l’Europe qui s’affrontent. En témoigne la visite de la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen à Lampedusa, le jour même de la venue de Marine Le Pen, invitée à Pontida par Matteo Salvini.

À lire aussi, Georges Kuzmanovic: Lampedusa: « Marine Le Pen, Giorgia Meloni et Ursula von der Leyen font des moulinets »

Que reste-t-il donc des annonces et des bonnes résolutions de solidarité européenne ?

Ile de Lampedusa, Italie, 16 septembre 2023 © Cecilia Fabiano/LaPresse cecilia/SIPA

Un sommet Med 9 qui ne permet pas de résoudre le problème des traversées

La France a été le premier pays à avoir trouvé une entente commune avec l’Italie concernant la gestion des migrants. Quant à l’Allemagne, elle a démontré toute son ambiguïté en finançant les ONG qui aident les clandestins à débarquer en Italie, tout en refusant ensuite aux migrants débarqués l’accès à son territoire.

L’attitude du gouvernement allemand a fortement irrité le gouvernement italien qui a adopté une position dure à son égard. En réponse à la proposition allemande dans le Pacte sur la migration et l’asile, l’Italie pourrait présenter un amendement qui prévoit que la responsabilité de l’accueil des migrants incombe au pays d’où provient l’ONG qui les transporte.

En marge du sommet Med9 qui s’est déroulé vendredi 29 septembre à Malte, Giorgia Meloni a déclaré : « J’ai eu des échanges avec le chancelier Scholz. L’Allemagne est arrivée avec quelques amendements, dont un en particulier, celui concernant les ONG qui représente pour nous un pas en arrière. » Et a ensuite ajouté : « On ne peut pas être solidaire avec les frontières des autres ».

La Tunisie disposée à aider, oui mais…

Avec la situation dramatique qui frappe la Tunisie, les fuites vers l’Europe vont augmenter et il deviendra impossible de gérer cet énorme flux de personnes qui débarqueront sur les côtes italiennes. Le ministre tunisien de l’Intérieur, Kamel Feki, a souligné que son pays ne peut pas absorber les flux massifs de migrants irréguliers, en provenance des pays subsahariens, au-delà de ses capacités sociales et financières, ni agir en tant que pays d’accueil. Et il a ajouté que la question de l’immigration nécessite des concessions mutuelles de la part des pays les plus riches. Bruxelles a immédiatement mis à disposition 150 millions d’aides, et promis que 900 autres seraient débloqués si Tunis parvient à un accord avec le FMI – lequel demande toutefois de profondes réformes économiques en échange de 1,5 milliard € de soutien…

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Une chose est claire : chaque pays d’Europe est sous la pression de l’opinion publique qui souhaite plus de fermeté vis-à-vis de l’immigration de la part de leurs gouvernants. Les Européens ne comprennent pas pourquoi, malgré les promesses et les annonces, l’Union Européenne n’a pas encore agi.

Continuer à faire venir des milliers de personnes en utilisant toujours les mêmes discours est pure démagogie. L’immigration serait obligatoirement bénéfique, car elle répond au besoin de main d’œuvre pour soutenir l’économie. Mais ces discours ne nous disent pas comment intégrer correctement des gens ayant une éducation, une formation et une culture différente de notre style de vie.

Pour fonctionner l’intégration a besoin de deux critères fondamentaux. Primo, l’assimilation. Les immigrés doivent accepter et respecter les règles, le mode de vie et la culture du pays qui les accueille. Secondo, les perspectives économiques. Avec 95 millions de personnes à risque de pauvreté et d’exclusion sociale, quel type d’avenir peut bien offrir l’Europe si ce n’est du travail pour la plupart insuffisant pour vivre dignement ?




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Edoardo Secchi est entrepreneur et conseiller économique France-Italie

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