Accueil Politique Crise de la démocratie ou faillite de nos représentants?

Crise de la démocratie ou faillite de nos représentants?

Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson


Crise de la démocratie ou faillite de nos représentants?
Questions au gouvernement, Assemblée nationale, 9 novembre 2021 © Olivier Veran ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01047718_000018

Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson


« Il faut instaurer le vote obligatoire pour répondre à la crise de la démocratie ». Cette antienne est répétée à l’envie par nos représentants [1] chaque fois qu’ils sont interpellés sur cette fameuse « crise ». Ce serait donc la faute des Français qui se désintéressent de la politique si notre système représentatif est constamment remis en question ? Pourtant, ne serait-t-il pas plus judicieux d’incriminer les représentants plutôt que les représentés ? Si les responsables politiques ne sont pas capables d’incarner les aspirations du peuple correctement, la crise ne sera pas résolue, quelles que soient les contraintes que l’on imposera aux Français pour les forcer à aller choisir de « nouveaux maîtres » – car c’est ainsi que de plus en plus de citoyens perçoivent hélas leurs gouvernants.

Quand bien même le vote obligatoire serait instauré, le droit de vote à 18 ans serait abaissé à 16 ans pour augmenter la participation des jeunes, que des sanctions tomberaient sur les contestataires, et même si les jauges de participation atteignaient les 100%, le problème resterait entier. Car il tient à la nature des dirigeants qui se croient trop souvent en position de bafouer la parole donnée. Ils le peuvent d’autant plus qu’ils vivent en permanence avec un sentiment d’impunité. Le « qu’ils viennent me chercher » d’Emmanuel Macron est l’expression la plus aboutie de ce sentiment de toute-puissance et de cette irresponsabilité qui a cours jusqu’aux plus hautes marches du pouvoir. Il ne faut donc pas s’étonner du nombre de Français de plus en plus nombreux qui ne souhaitent plus cautionner ce système, à l’instar d’un Michel Onfray qui expliquait déjà en 2013 ne plus avoir envie de voter[2] et à qui l’on ne peut pas reprocher de ne pas s’intéresser à la vie politique française : beaucoup refusent d’avoir à aller choisir qui tiendra le bout de la chaîne, alors que celle-ci ne cesse de se resserrer depuis trente ans, et en particulier depuis le début du quinquennat Macron et de sa politique de restriction de libertés.

La faillite de nos responsables politiques se constate en particulier dans leur refus de prendre en compte la volonté des Français quand ces derniers l’expriment clairement. En effet, beaucoup s’interrogent : à quoi bon voter pour des maires, des députés ou pour un gouvernement quand ces derniers prouvent tous les jours qu’ils se fichent éperdument de l’avis des citoyens par un mépris mêlé de prétention ? Comment faire confiance aux contre-pouvoirs lorsqu’un projet de loi prolongeant un état d’urgence sanitaire contesté par une bonne partie de Français est voté par seulement 208 députés présents dans l’hémicycle sur 577[3] ? Pourquoi souhaiter être représenté lorsque les représentants dédaignent, insultent, mentent, se rétractent puis se souviennent de leurs électeurs quelques mois seulement avant les scrutins ? Le dégoût des Français envers leurs élus ne pourra être réglé qu’en les plaçant devant leurs responsabilités.

Pour reconstruire le lien entre les Français et leurs représentants, ces derniers doivent donc impérativement et prioritairement donner des preuves de bonne foi. Ils doivent par exemple accepter que soit inscrit dans la Constitution l’impossibilité que le peuple français soit saisi directement ou indirectement sur une question à laquelle il avait déjà clairement répondu « non » auparavant, et cela pour un délais de plusieurs années. Nous éviterons ainsi un nouveau scandale comme celui du Traité de Lisbonne, imposé par les parlementaires trois ans après le refus de la Constitution européenne. Il semble également nécessaire que l’investiture du chef de l’Etat prenne la forme d’une prestation de serment avec une cause d’empêchement, voire de destitution en cas de parjure. Enfin, pour les parlementaires, une peine d’inéligibilité serait un bon premier pas en cas de manquement avéré aux obligations touchant les conflits d’intérêts, les comportements criminels, ou pourquoi pas, en cas d’absences répétées dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ou du Sénat. La sévérité de ces règles est la condition préalable au rétablissement de la confiance du peuple français dans les responsables politiques. Même si l’adoption de ces dispositions ne peut garantir à elle seul un changement des comportements, elle constituera déjà un signal positif envoyé aux Français. C’est donc aussi, voire prioritairement, à cette tâche que devraient se consacrer les futurs candidats à la fonction suprême.


[1] « Proposition de loi visant à rendre obligatoire la participation au vote et pour la reconnaissance du vote blanc », Sénat, le 15/11/2021.

[2] « Michel Onfray : ‘Je ne vote plus pour des guignols.’ », RMC, le 08/11/2013.

[3] « Où étaient nos représentants lors du vote crucial sur le prolongement de l’urgence sanitaire ? », le Figaro, le 22/10/2021.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Marianne, c’est lui
Article suivant Zemmour, le dernier israélite
Président de VIA, la voie du peuple. Auteur de "La voie du peuple"

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération