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Serge Lama, le petit garçon au ballon rouge, a 80 ans

Serge voulait devenir écrivain, il y est parvenu: en distillant, chansons après chansons ses mots si justes et émouvants...


Serge Lama, le petit garçon au ballon rouge, a 80 ans
Serge Lama en concert à Paris en 1998. ©BENAROCH/SIPA

Pour l’occasion, il s’est confié à Mireille Dumas, notre confesseur(e) nationale, dans un documentaire émouvant: «Serge Lama la vie à la folie», toujours visible en replay sur France 5.


Bien sûr, comme dans tous les documentaires qui retracent la vie d’un artiste, on nous montre des images d’archives. Cependant, concernant celui-ci, elles sont peu nombreuses : Mireille Dumas, avec sa façon subtile de poser des questions, un peu en retrait, laisse toute la place à celui qui se trouve en face d’elle.

Et nous sommes immédiatement captivés par l’histoire de Serge Chauvier dit Serge Lama, parce que sa vie est un roman, mais surtout parce que Lama est un conteur, qui sait trouver les mots, ceux qui nous transpercent d’émotion. Nous le sentons également apaisé, lui qui fut secoué par tant de drames, comme celui de perdre la femme aimée, celui d’avoir vécu une enfance pas toujours rose, mais qui lui fit le cuir. Nous avons l’impression que Serge Lama a laissé la place au petit Serge Chauvier : « Qu’importe ma vie, je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que je fus » aurait pu dire Lama, comme Bernanos.

Maman Chauvier

Serge Chauvier est né en 1943 à Bordeaux, il est fils unique, et son père était un chanteur d’opérette qui remportait un certain succès. Serge adore traîner dans les coulisses des théâtres, il se souviendra toujours de l’odeur « de femmes et de fards » qui y régnait.

Mais papa Chauvier voulut conquérir Paris, qui ne voulut pas de lui. La famille en est donc réduite à vivre à trois dans une chambre, cependant au cœur du XIᵉ arrondissement. Ce premier traumatisme, Serge le raconte superbement dans une chanson un peu méconnue: Maman Chauvier : « En 50, j’avais 7 ans, j’habitais la rue Duvivier, pauvre dans un quartier diamant, trois dans une chambre meublée. » Mais pourquoi ce titre : Maman Chauvier ? Cette chanson est bien sûr dédiée à sa mère, qui selon ses propres mots, lui fit vivre l’enfer. Et fit vivre l’enfer à son mari, à cause de sa jalousie morbide.

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Lorsque Serge était au faîte de sa gloire, elle lui disait qu’elle aurait préféré qu’il soit avocat. Les artistes ne trouvèrent jamais grâce à ses yeux. Cependant, parce qu’on aime toujours sa mère, cette chanson est une déclaration d’amour du petit Serge à sa maman : « Maman Chauvier, un enfant t’aime, 19 rue Duvivier Paris 7ᵉ. » A travers ses chansons, Lama a finalement écrit son autobiographie, il a même déclaré qu’il est devenu chanteur pour venger son père, qui ne trouva jamais le succès qu’il avait si ardemment désiré.

Autobiographie en chansons

Serge voulait devenir écrivain, il y est parvenu : en distillant, chansons après chansons ses mots si justes et émouvants, de ceux qui vous vont droit au cœur, et qui nous laissent avec des larmes au bord des yeux.

Et puis, il y a cet épisode bien connu, cet accident qui faillit avoir sa peau, et qui eut la peau de la femme qu’il ne cessa jamais d’aimer. Il raconte que lorsqu’il apprit sa mort, qu’on lui avait cachée, il poussa toute une nuit des cris de bête. Ces cris, il les sublima dans une magnifique chanson : D’aventure en aventure« Bien sûr j’ai d’autres certitudes, j’ai d’autres habitudes, et d’autres que toi sont venues, marquer leurs dents sur ma peau nue. » Cette femme, qui en perdant la vie, a fait naître Serge Lama, était Liliane Benelli, la pianiste de Barbara, qui lui rendit hommage dans « Une petite cantate »« Mais tu es partie fragile, vers l’au-delà. »

Lama, dans son corps massif à la patte folle, englobe également toute la chanson française de la deuxième partie du XXᵉ siècle, il les connut tous : de Barbara à Brassens, en passant par Marcel Amont. Comme eux, il fit ses débuts au fameux cabaret l’Écluse, comme eux, il connut les vaches maigres avant le succès. Cependant, il ne gagna jamais les galons de chanteur à textes, lui qui en écrivit de si beaux. Il devint ce qu’on appelle un chanteur de variété, ce qui est à mon sens un statut hautement respectable, la variété française est ma marotte, et je ne cesse de la défendre.

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Un de ses plus grands tours de force est d’avoir mis des mots, si simples et si vrais sur la sale guerre, celle que l’on n’osa pas nommer pendant des décennies, la guerre d’Algérie : « L’Algérie, écrasée par l’azur, c’était une aventure dont on ne voulait pas, l’Algérie, du désert à Blida, c’est là qu’on est parti jouer les petits soldats. » Et, il faut croire que les Français en avaient besoin de ces mots-là, car lorsqu’il la chantait sur scène, elle avait encore plus de succès que Je suis malade. Je passe sur l’épisode Napoléon, et Lama semble également, au soir de sa vie, vouloir l’oublier, il l’esquive presque lors de sa conversation avec Mireille Dumas. 

Il préfère évoquer le petit garçon qui n’a pas eu de ballon rouge, et il a bien raison.

« Serge Lama la vie à la folie », sur France 5



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