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Rentrée littéraire : les prix que j’attribuerais


1. Le Prix Kafka à Imre Kertész pour Sauvegarde (Actes Sud). De retour de Lausanne, où il a donné une conférence, il note que la marque Kertézc génère des bénéfices appréciables. Ces conférences n’ont aucun sens : le même consensus ressassé partout passe pour une activité culturelle. Sans doute est-ce lié à la démocratie. On ne peut s’empêcher de devenir sceptique ou cynique. Kertécz penche pour cette dernière possibilité, cependant que la vie s’éloigne de plus en plus : on la cherche avec une longue vue.

2. Le Prix Dorothy Parker à Olivia Resenterra pour : Des femmes admirables. portraits acides (Puf). Le livre le plus misogyne depuis Pitié pour les femmes de Montherlant. Une chasse aux mégères et aux salopes écrite par une demoiselle de Rochefort qui n’aime pas les films de Jacques Demy. Encore un bon point pour elle.

3. Le Prix Louis Pasteur pour Peste et choléra (Seuil) de Patrick Deville. Récit admirable de la vie d’ un des derniers survivants de la bande à Pasteur : Alexandre Yersin, sur fond d’éloge du colonialisme. Citant Yersin, il écrit que la guerre est à la politique ce que la fornication est à l’amour, et qu’il faut bien de temps en temps en passer par là.

4. Le Prix Claude Chabrol pour : Une âme damnée, Paul Gégauff (éd. De Roux ). Pierre-Guillaume de Roux collectionne les âmes damnées. La plus fascinante est Paul Gégauff (1922-1983) que plus personne ne connaît et qui, grâce au talent d’Arnaud Le Guern, retrouve la place qu’il n’aurait jamais dû perdre, celle d’un grand écrivain et d’un scénariste de génie. Je voulais publier le livre d’Arnaud Le Guern aux PUF. On l’a refusé. J’ai démissionné. Les éditeurs sont souvent lâches et conformistes. Paul Gégauff était trop sulfureux pour eux et Le Guern trop original. J’aime ce que Gégauff a dit un dimanche d’ivresse à Jean Eustache : « Le cinéma doit être le glacial reflet de la vie. Il faut montrer les choses dans tout leur ennui, dans toute leur froideur. »

5. Le Prix Cioran revient incontestablement à Frédéric Schiffter pour son essai sur La Beauté (éd. Autrement). D’abord parce qu’il tient le western pour le genre suprême du beau cinéma (lire son Éloge de Sam Peckinpah). Ensuite parce qu’il nous entraîne dans une flânerie sur ce qu’il aime vraiment. Enfin parce qu’esthète dans l’âme, il décèle avec ravissement toutes les horreurs de l’existence, affronts personnels qu’il fuit en surfant.

6. Le Prix Albert Londres à Alain Bonnand pour Le Testament syrien (éd. Écriture ). Alain Bonnand est l’écrivain vivant le plus méconnu de la littérature française. Injustice à réparer d’urgence en découvrant ce Testament syrien. « Le grand échec de ma vie : je ne serais pas parvenu à être malheureux. » Bonnand, c’est du tonique. Et il était là où il fallait être, à Damas.

7. Le Prix Hervé Bazin à Tahar Ben Jelloun pour Le bonheur conjugal (éd. Gallimard). J’ai trop souvent raillé les facilités romanesques de mon ami Tahar pour ne pas reconnaître que sa description clinique de la déchéance d’un couple, en l’occurrence le sien, est impressionnante. La manière dont, à travers le regard de sa femme, il se dénigre est un modèle pour les écrivains un peu trop imbus de leur personne.

8. Le Prix Michel Polac à Alain Paucard pour Tartuffe au bordel (Le Dilettante). Michel Polac aurait aimé la vivacité de ton de cet éloge des bordels à l’ancienne. Et on retiendra cet aphorisme :  » Il y a deux sortes de clients des prostituées : ceux qui vont les voir parce qu’ils n’ont pas de femme et ceux qui vont les voir parce qu’ils en ont une.  »

9. Le Prix Roland Topor à Patrick Besson pour Les Jours Intimes (éd. Bartillat). Inutile d’argumenter, ce serait insultant. Patrick Besson écrit : « Suis allé si souvent au cinéma que j’ai l’impression d’avoir vu ma vie. » Nous avons vu les mêmes films en nous demandant à quoi pouvaient encore bien servir nos vies.

IO. Le Prix Hergé à Clément Rosset pour Récit d’un noyé et L’invisible (éd. De Minuit ). Parce qu’on ne peut pas toujours lui donner le prix Schopenhauer ou le prix Nietzsche…



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