Pour Daech, Bruxelles c’est la France


Pour Daech, Bruxelles c’est la France
Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne, réagit à l'annonce des attentats de Bruxelles lors d'une conférence à Amman, Jordanie, 22 mars 2016 (Photo : SIPA.AP21874025_000001)

Ah, les larmes de Federica Mogherini en conférence de presse à Amman, où elle venait d’apprendre le drame de Bruxelles ! Quel symbole que la femme chargée de la politique étrangère et de sécurité de l’UE se sentant atteinte au cœur par cet acte barbare ! Et quelle belle image que celle du ministre des Affaires étrangères jordanien consolant paternellement la jeune et blonde italienne ! Il n’en fallait pas plus à nombre de commentateurs pour formuler leur diagnostic et suggérer une thérapeutique : les djihadistes veulent détruire l’Europe en frappant à proximité du siège de ses institutions, donc il faut que l’Europe s’unisse encore plus pour mener la lutte contre ces terroristes.

Alors que cette union se délite à vitesse accélérée, le choix de Bruxelles comme cible par les djihadistes intervient comme une divine surprise pour les européistes béats qui, jusque-là, broyaient du noir. Ils rêvaient d’un ennemi pouvant rassembler les peuples qui se regardent le nombril. Eh bien ! le voici… « Tous ensemble ! Tous ensemble ! Eh ! Eh ! » C’est en substance le cri du cœur que l’on peut lire du Monde au Figaro, en passant par La Croix et les quotidiens belges francophones, dont l’inénarrable Soir de Bruxelles, organe central des « collabobos » wallons et francophones bruxellois avec l’islam radical, jamais en retard d’une excuse sociologique pour les damnés de la Terre de Molenbeek et alentour.

Sachez pourtant, mesdames et messieurs qui commentez si doctement ce qui nous arrive, que l’Europe n’a strictement aucune existence dans l’imaginaire djihadiste, et encore moins la Belgique. Ils ont une géopolitique autrement plus pertinente pour définir leurs ennemis et organiser leurs actions guerrières en conséquence.[access capability= »lire_inedits »] La France et la Belgique francophone, pour eux, c’est kif-kif bourricot : même langue, le français, qui est aussi leur lingua franca, même héritage laïque, même espace culturel et littéraire qui comporte, depuis Voltaire, une perception spécifique de l’Islam. La seule différence, dont ils font un usage immodéré à leur profit, c’est la faiblesse de l’État central, qui laisse des failles béantes dans le contrôle des individus, et des ouvertures intéressantes de pénétration des institutions grâce au clientélisme des élus politiques. Les lois dites antiterroristes, concernant notamment la garde à vue, sont aussi moins strictes qu’en France.

Personne n’a encore noté que les réseaux terroristes étaient exclusivement basés là où on parle français, à Bruxelles, Liège ou Verviers. La Flandre, jusqu’à ce jour, a été épargnée par la terreur, si l’on veut bien considérer que Zaventem, commune flamande de l’aéroport, n’a pas été attaquée en tant que telle, mais au titre de principale porte d’entrée et de sortie de Bruxelles, où les francophones représentent 90 % de la population. Dans un entretien accordé au Monde, l’historien Pierre Vermeren note la profondeur historique de la haine de la France (et accessoirement de la monarchie marocaine) par les Rifains qui constituent une partie importante de la communauté musulmane de Molenbeek.

Au-delà des grandes déclarations de solidarité, cette situation n’a pas échappé aux partenaires européens de la France, qui continuent à tenter de se préserver du terrorisme dans le cadre d’une approche strictement nationale du problème. On veut bien faire fonctionner les instances de coopération policière et judiciaire habituelles, mais pas question de se mettre soi-même en danger, par la définition d’un état d’urgence européen impliquant, à titre provisoire, des mesures exceptionnelles mettant entre parenthèses quelques libertés publiques pour faire face avec efficacité à cette menace grandissante. L’affaire du blocage, par le Parlement européen, du PNR – l’enregistrement préalable au vol de l’identité des passagers aériens – est la manifestation la plus éclatante de cette situation lamentable.

La solitude française dans son combat contre l’expansion djihadiste au Sahel est toujours aussi dramatique : la participation d’autres pays de l’UE à l’effort militaire d’endiguement du djihadisme africain est tellement symbolique qu’elle en devient ridicule.

Prenons l’Allemagne, oui, cette Allemagne d’Angela Merkel si chère au cœur des belles âmes françaises. Comment se fait-il que ce grand pays, dont le leadership en Europe est maintenant indéniable, n’ait jamais été frappé par le terrorisme djihadiste ? Certes, il a été jadis un terrain du terrorisme proche-oriental dont l’action la plus spectaculaire fut le massacre des athlètes israéliens aux J.O. de Munich en 1972. Il s’agissait alors d’un terrorisme nationaliste arabe, soutenu politiquement et logistiquement par l’URSS et son satellite la RDA, pour mettre en difficulté l’Occident dans un contexte de guerre froide, ce qui n’a rien à voir avec la situation actuelle. Aujourd’hui, l’Allemagne a sa méthode pour se préserver des attentats terroristes : elle se résume à une abstinence militaire à l’extérieur et à des « accommodements raisonnables » (bien mal nommés) avec les islamistes radicaux à l’intérieur. On n’a que mépris, outre-Rhin, pour les valeurs laïques à la française, considérées comme liberticides, voire racistes. Pourquoi l’Allemagne dévierait-elle alors d’un chemin qui semble la préserver des bombes dans les lieux publics ? Un bon accord avec le sultan Erdogan est, dans cette perspective, plus efficace que les bombardements de Raqqa ou les raids dans le Sahara pour protéger les citoyens allemands.

Du reste, les djihadistes ont bien compris que leur liberté d’action et de mouvement était protégée par le refus allemand de promouvoir, à l’échelle européenne, un comportement à la mesure des menaces qu’ils font peser sur la France ou son appendice belge. Les Néerlandais et leurs clones nationalistes flamands ont adopté cette même ligne. Quant aux autres Européens, ils n’ont plus d’autre choix que de fermer leurs frontières et de refuser de « multiculturaliser » leurs sociétés ethniquement homogènes, quitte à se faire traiter de populistes, voire de fascistes.

Autant dire qu’en matière de terrorisme, l’Europe n’est pas la solution, mais le problème !
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Avril 2016 #34

Article extrait du Magazine Causeur



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