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Macron, le chauffard de la Vème

L’édito politique de Jérôme Leroy


Macron, le chauffard de la Vème
Emmanuel Macron et Elisabeth Borne en décembre 2022. © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA

Au cours des semaines passées, l’utilisation que le gouvernement a faite de la Constitution nous renvoie au rang d’une démocratie illibérale…


Les Français vont devenir des champions de droit constitutionnel. Ce n’était pas forcément l’idée. L’idée, au départ, était de partir à la retraite à 62 ans et de faire voler en éclats une réforme scélérate. Descendre en masse dans la rue, manif après manif, grève après grève, et faire reculer Macron et son coup d’Etat sur nos existences, son putsch sur nos fatigues, pour satisfaire le monde d’où il vient, celui de la finance pour qui la maximisation des profits considère la vie des gens comme une variable d’ajustement.
C’est ce qui s’est passé depuis le 19 janvier.
Dans un système démocratique normal, surtout face à une intersyndicale unie comme jamais, y compris entre les deux vieux frères ennemis de la CGT et de la CFDT, à un moment, on se met autour d’une table. Mais les Français ont surtout appris qu’ils vivaient dans la Ve République qui se révèle chaque jour un peu plus perverse et antidémocratique. Pour aller vite, cette Constitution permet à l’exécutif de se passer du législatif. Il est tout à fait possible à un président élu (plus par défaut que par adhésion), de gouverner sans vraiment rendre compte au Parlement (a-t-on eu un débat sur l’Ukraine, par exemple ?), où il ne dispose que d’une majorité relative qui elle-même se fissure.

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C’était bien la peine de renverser une monarchie pour retrouver depuis 1958 un roi de France élu tous les sept ans, puis tous les cinq ans ! Avant le quinquennat, il y avait encore la possibilité de freiner les agités du bocal avec la cohabitation, mais, désormais, on lui donne après chaque élection les clefs du pouvoir dans la boite à gants (coucou Frédéric Dard !). Il prend le volant et il va où il veut, comme il veut pendant cinq ans. Il peut écraser les passants, faire des doigts d’honneur aux radars, accélérer à la sortie des écoles, on n’a pas le droit de l’arrêter. Et même si les passagers sur le siège arrière ont mal au cœur, le chauffeur ne s’arrêtera pas. Il s’en moque qu’on vomisse. Il est pressé d’arriver. Il ne sent plus rien. D’ailleurs, ce n’est plus un chauffeur, avec Macron, c’est un chauffard. Un chauffard ivre de son narcissisme, qui n’écoute plus personne. Son code de la route, c’est la Ve République. Il est dans son droit. Tout ce qu’il fait est illégitime… mais ce n’est pas illégal. Rouler en Ve autorise tous les excès de vitesse, tous les dépassements dangereux, tous les franchissements de ligne blanche.
On connaissait l’article 49-3, qui permet de faire passer un texte sans vote. Ivre également, Elisabeth Borne, la copilote, l’a déjà utilisé à répétition. Une véritable addiction. Il faudrait penser à créer pour elle un genre d’association des utilisateurs anonymes du 49-3, sur le modèle des alcooliques du même nom. « Bonjour, je m’appelle Elisabeth, je me shoote au 49-3 depuis un an et j’ai honte. » On a appris aussi que l’article 47-1 permettait de raccourcir un débat à quelques jours, quelle que soit l’importance de la loi et on a découvert au Sénat que le 44-3 autorisait des votes bloqués.  Ce n’est plus une Constitution, c’est le temple perdu des Aventuriers de l’Arche Perdue, avec un piège mortel à chaque tournant.

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Quand on conduit aussi mal, à la fin, ça finit par un accident de la route : radicalisation des manifestants façon gilets jaunes qui, eux, ont obtenu 17 milliards en le faisant trembler de trouille ou, bien pire, vengeance dans les urnes avec le RN en embuscade. Il paraît que le cauchemar de Macron est d’être dans l’histoire le dernier président avant Marine Le Pen. En même temps, quand on a refusé de donner des consignes de vote entre un candidat Nupes et un candidat RN lors des législatives et quand on retrouve tous ses réflexes autocratiques et technocratiques pour faire passer une loi dont personne ne veut, il ne faudra pas s’étonner de rester comme le fourrier de la droite nationale!
Mais, à ce moment-là, notre chauffard national sera loin, il donnera des conférences comme Blair ou Sarkozy, des conférences bien payées par ses vrais patrons, ceux qui lui avaient demandé de mettre l’exception française aux normes libérales. Quitte à avoir pour ça transformé la France en une démocratie illibérale, façon Orban ou Erdogan.

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