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Le grand déménagement

Le marché locatif privé menacé par des règles imposées par des technos.


Le grand déménagement
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Face aux nouvelles contraintes énergétiques, le marché locatif privé, déjà tendu, va être amputé de centaines de milliers de logements.


En cette fin d’année, le marché immobilier français est affecté par deux phénomènes structurels : la hausse des taux d’intérêt et les conséquences de la transition énergétique. Si la hausse de taux, à la fois importante et rapide, pèse sur la solvabilité des ménages, le durcissement considérable des réglementations et restrictions énergétiques risque de bouleverser profondément le marché locatif.

Le dispositif passe de l’incitation à la contrainte. Depuis cet été, il est déjà interdit d’augmenter les loyers des « passoires thermiques » – logements classés F et G après diagnostic de performances énergétiques. En janvier, nombre des logements classés G seront interdits à la location (environ 70 000 logements dans le parc privé). Enfin, à partir de 2025, un niveau de performance énergétique minimal (progressivement rehaussé) sera exigé pour pouvoir louer un logement. Ces mesures qui concernent 4,8 millions de logements en France pourraient fortement perturber le marché. En établissant sur le locatif une contrainte forte difficile à respecter faute d’offre suffisante, la réglementation devrait conduire à une accélération des mises sur le marché de biens F et G. Résultat : moins d’offres locatives, plus d’offres sur un marché des ventes en décélération.

Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), anticipe déjà les conséquences de cette réglementation : « Les bailleurs ont tendance soit à rénover soit à vendre les biens classés G ». En effet, réaliser 25 000 euros de travaux dans un appartement en valant 100 000 ou 150 000 pour espérer à peine 1 000 ou 1 500 euros supplémentaires de loyer annuel n’est pas économiquement raisonnable. Et les professionnels craignent une période difficile. « Nous sommes très inquiets, confie Torrollion, parce que nous pensons que les bailleurs vont mettre en vente des logements du parc privé locatif qui ne pourront plus être loués à l’avenir. Ce parc – 1 200 000  à 1 400 000 logements loués chaque année, dont 30 % pour moins de deux ans – va perdre 400 000 logements dans les cinq ou six années qui viennent ! »

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Torrollion n’exclut pas un scénario d’effondrement de l’offre de location en Île-de-France. « En Île-de-France, 27 % des logements du parc privé locatif sont classés F ou G. [..] 34 % des logements parisiens sont en dépassement énergétique. Imagine-t-on se priver de 150 000 logements sur les 500 000 du parc privé locatif de la capitale ? »

Le goulot d’étranglement est la filière de la rénovation énergétique, qui commence avec les entreprises chargées des diagnostics. « On fait reposer sur elles une mission de service public, déplore Torrollion, décider si on a ou pas le droit de louer un bien et influencer fortement la valeur des biens. Cette filière doit se structurer et gagner la confiance de l’ensemble des filières de l’immobilier ». Autant dire qu’aujourd’hui, elle ne l’a pas…

Viennent ensuite tous ceux qui doivent faire les travaux (ingénieurs, corps de métiers, fournisseurs). Et là aussi les perspectives sont sombres. « Je ne crois pas un instant que ce secteur soit capable d’absorber la rénovation énergétique de 1 500 000 logements d’ici cinq ans », constate Torrollion. Pour lui, « le calendrier actuel imposé par l’État est trop serré et, en plus d’être inflationniste, il rend impossibles le suivi et la mise en œuvre de ces chantiers ». En conséquence, la seule option raisonnable est de revenir sur ces règles adoptées par des technos qui semblent n’avoir aucun contact avec la vie réelle.




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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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