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Le fascisme anti-famille

Geoffroy de Lagasnerie, le Gide de notre temps


Le fascisme anti-famille
Geoffroy de Lagasnerie et Assa Traoré, Paris, 2019 © Edouard Richard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Familles, je vous hais! Foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur…


Il s’appelle Geoffroy de Lagasnerie. On le dit philosophe. Chez les philosophes, nous distinguerons au moins deux catégories. Il y a les philosophes pour le penser juste et ceux pour les dîners en ville. Ce sont rarement les mêmes. Dans le registre dîners en ville, on peut s’aventurer à inclure le petit déjeuner à la table d’une certaine radio dite de service public. Le susnommé était l’invité d’un de ces petits déjeuners l’autre matin. Très en appétit, il s’est attaché à dévorer à belles dents le concept de famille. Elle constituerait, la famille, la structure fasciste par excellence. Le lieu où l’individu, sans aucun doute naturellement bon – ce brave vieux Jean-Jacques Rousseau n’est jamais bien loin – se verrait irrémédiablement perverti, spolié de ses aspirations profondes et castré de ses moindres talents personnels.

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La famille serait donc une pure abjection. Il conviendrait de rechercher le plein épanouissement ailleurs, dans l’amitié, la connivence allégée de tout engagement formel, donc. Faire l’économie de l’engagement durable est en effet une préoccupation forte des générations nouvelles par ces temps de zapping généralisé. En réalité, rien de bien neuf. Nous avons affaire là au ressentiment terriblement conventionnel de tout adolescent plus ou moins attardé qui se rêve en poète maudit. Le « famille je vous hais » a eu ses hérauts fameux. Baudelaire, Gide, voire Hugo… Ceux-là ont l’excuse du génie. Leur œuvre plaide pour eux. Concernant le susnommé, nous ne nous avancerons pas. Il semble ignorer que le modèle même sur lequel l’État s’est constitué est la structure familiale, en raison, précisément, de sa stabilité et de sa permanence. C’est du moins ce que nous indique Hegel, philosophe, lui, d’une autre hauteur de vue que celle requise pour briller dans les dîners en ville où le ravissement est acquis d’avance à qui pense à la pioche.

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Notre invité du petit déjeuner semble également ignorer – mais l’ignore-t-il vraiment au fond ? – que son discours reprend quasiment mot pour mot les réquisitoires anti-famille de tous les totalitarismes de l’ère moderne. Les dictatures, quelles qu’elles soient, voient dans la cellule familiale un lieu de libre échange, de libre propos, le refuge où l’éducation de l’enfant échappe au système, au bourrage de crâne institutionnel, le lieu unique où se transmettent à bas bruit, de génération en génération, les références, les traditions, les usages culturels, là où plongent et se nourrissent les racines des gens. La famille est donc l’ennemi à abattre, qui risque à tout moment de venir parasiter l’emprise dogmatique. Tu es nazi, le parti est ta famille. Tu es communiste, le parti est ta famille. Tu es fasciste, le parti est ta famille. En conséquence ceux qui combattent la cellule familiale, qui visent à la détruire sont évidement considérés comme des héros, des bienfaiteurs de la cause des peuples. Pavel Morozov, le pionnier-héros 001 de l’Union soviétique sous Staline, a été exhaussé au rang d’icône nationale juste pour avoir dénoncé son propre père aux autorités pour son peu d’entrain à se soumettre aux diktats collectivistes. À l’époque, une Aleksandra Kollontai, proche de Lénine, seule femme commissaire du peuple, milite ardemment pour l’abolition pure et simple de la famille. Dommage qu’elle ne soit plus de ce monde pour se voir conviée aux petits déjeuners de la radio en question, elle y ferait merveille. 


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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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