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Geert Wilders: la gauche immigrationniste et le point Godwin

La victoire de son parti laisse pantois les progressistes


Geert Wilders: la gauche immigrationniste et le point Godwin
Geert Wilders lors d'un débat télévisé, Rotterdam, le 13/3/2017 Yves Herman/AP/SIPA

La haine déversée sur Geert Wilders, grand vainqueur des élections législatives aux Pays-Bas, ravive le spectre de l’assassinat de celui dont il défend l’héritage, Pim Fortuyn, abattu par un militant végan des droits animaliers le 10 mai 2002. Les dénonciateurs de Wilders dans la presse néerlandaise tentent donc de modérer leur langage pour ne pas être accusés d’avoir encouragé un assassinat éventuel.


Lors des élections législatives du 22 novembre 2023, le Parti Pour la Liberté (PVV) de M. Wilders obtint 37 des 150 sièges dans la Chambre Basse, un gain de 17 sièges. Ainsi, le PVV devint de loin le plus grand parti. Depuis lors, M. Wilders et les dirigeants de trois autres partis conservateurs tentent de former un gouvernement qui aura comme objectif principal de freiner considérablement l’immigration.

Certes, la gauche politique et médiatique a appris la leçon. Elle évite les comparaisons foireuses entre la politique prônée par M. Wilders et les pratiques en vigueur dans l’Allemagne nazie, dont M. Fortuyn fut accablé. Un politicien de centre gauche se risqua même à la gageure que pendant l’Occupation, M. Fortuyn n’aurait pas hésité à dévoiler la cachette d’Anne Frank aux sbires nazis.

Cependant avec M. Wilders, pourfendeur de l’immigration extra-européenne comme Fortuyn, politiciens et journalistes évitent toute allusion aux nazis. Soucieux, sans doute, d’éviter le reproche-constatation qui a fait florès depuis l’assassinat politique dont les blessures sont loin d’ être cicatrisées :  « La balle venait de la gauche ».

Aujourd’hui, les critiques se bornent à dépeindre M. Wilders comme un danger pour la démocratie dont les politiques liberticides feraient fi de la Constitution. Et à inviter les Néerlandais à embrasser tous ceux qui se sentiraient indésirables après le verdict des urnes qu’aucun sondage n’avait prévu.

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Malgré la campagne de haine qui lui aurait coûté la vie, Pim Fortuyn ne profitait d’aucune protection de la part de l’État. Seul son chauffeur particulier donna la chasse à l’assassin, qui, après avoir purgé sa peine, fut remis en liberté en 2020. La situation de M. Wilders, constamment entouré de gardes-du-corps après sa condamnation à mort par Al Qaeda en 2004, est tout autre, sans que cela n’exclue un attentat.

La victoire de son parti, dont il est le seul membre, laissa pantois les progressistes dans les cercles politico-médiatiques. Le bon peuple avait donc fait la sourde oreille aux injonctions de ne surtout pas voter pour ce dangereux raciste, d’ apprécier l’immigration comme une chance, de célébrer la diversité, de vouer aux gémonies ceux qui osaient dire le contraire, solides arguments à l’appui.

Le choc électoral, quand un journaliste de gauche se croyait victime d’un grave accident de la circulation, dont il sortait vivant mais complètement sonné, fit rapidement place au doute. Comment la gauche et les médias qui lui sont proches, avaient-ils à ce point pu s’éloigner du peuple, donnant même l’impression de le mépriser ? Un autre écrivain et journaliste donna libre cours à son désarroi  dans le journal NRC qui, peu après la victoire de M. Wilders, publia dans le même numéro une dizaine d’articles catastrophistes sur ce qui attendrait les Pays-Bas après ce séisme électoral. Le journaliste, du nom d’Arjen van Veelen, eut recours à un long poème en prose aux relents d’autoflagellation et quelque peu misérabiliste. Il y tança aussi son propre journal, lecture obligée pour l’élite libérale néerlandaise. Que M. Van Veelen nous pardonne notre traduction bancale de ces quelques extraits:

« Ils disaient qu’ils aimaient leur drapeau rouge-blanc-bleu

Et nous leur faisions la gueule

Ils disaient leur nostalgie envers le temps où même les gagne-petit

Pouvaient se permettre un logement décent.

On les appela irréalistes et simplistes

Ils gueulaient qu’ils se sentaient abandonnés

On les traitait d’antisociaux, nous moquions leurs accents, leurs fautes de grammaire

Ils se plaignaient de ne plus pouvoir nourrir décemment leurs enfants

On leur donna un drapeau arc-en-ciel

Nous souhaitions un accueil chaleureux aux migrants,

Pourvu q’ils ne s’installent pas dans nos quartiers

Nous appelions « raciste » la fête préférée de leurs enfants, la Saint-Nicolas

Le résultat des élections nous coupa l’haleine,

Ah, comme le réveil fut amer, ce morne matin du 23 novembre

Quand on se prépara à ne plus gouverner ce pays,

Pour un certain temps ».

Peu après, un sondage Ipsos rompit avec les clichés négatifs sur les quelques 2,4 millions de Néerlandais qui avaient voté pour M. Wilders. Le PVV attire bien plus de jeunes entre 18 et 34 ans que les autres partis. 10% de citoyens ayant suivi des études supérieures vota pour le PVV, contrairement au préjugé qui les voudrait tous ignares. Le PVV attire des électeurs provinciaux dans la même mesure que des citadins, et n’est donc pas un repaire de ploucs. Selon Ipsos, M. Wilders est apprécié également par des immigrés non-Blancs, comme les Asiatiques et les hindous.

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Le hasard faisait bien les choses pour M. Wilders et ses partenaires gouvernementaux de choix quand, le 15 janvier, apparut une étude crédible sur la nécessité de freiner l’immigration si les Pays-Bas tiennent à rester vivables. Un rapport de sages, strictement apolitiques, esquissait un avenir marqué par « des pénuries, l’irritation, des inégalités sociales, une perte de foi dans l’État de droit » si l’immigration n’est pas freinée avec force. Scénario catastrophe qui risque de devenir réalité quand, en 2050, le nombre d’habitants atteindrait 22,8 millions de personnes « dans le pire des cas ». Ce qui équivaut à une augmentation de 5 millions de personnes dans les 26 ans à venir. Et cela dans un pays aux dimensions modestes ; la France est treize fois plus grande. Les experts prônent que les Pays-Bas optent, au sein de l’Union européenne, pour  une réduction drastique du nombre de demandeurs d’asile.

Les sages jugent donc crédible l’enfer immigrationniste que MM. Wilders et Fortuyn avaient dit craindre, au prix d’être frappés d’ostracisme pour l’un et par la mort pour l’autre.

M. Wilders a d’ores et déjà rayé des promesses électorales inacceptables pour ses partenaires, dont l’interdiction de la construction de mosquées et d’écoles coraniques ainsi que le port d’habits « islamiques » dans les lieux publics. Priorité absolue à freiner l’immigration sous toutes ses formes, mais surtout les demandes d’asile et le regroupement familial qui en résulte. Selon M. Wilders, 95 pour cent des demandeurs d’asile sont de simples migrants qui doivent être expulsés dare-dare. Selon un sondage publié le 20 janvier, le parti de M. Wilders obtiendrait 49 des 150 sièges parlementaires si des élections avaient lieu maintenant.



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Journaliste hollandais.

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