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Les écoles hors contrat, coupables de mieux réussir que l’Etat ?

Le Sénat veut punir le bon élève de l'école française


Les écoles hors contrat, coupables de mieux réussir que l’Etat ?
Ecole Montessori bilangue en Haute-Savoie, février 2016. ®AMELIE-BENOIST / BSIP

Une proposition de loi, discutée aujourd’hui et demain au Sénat, veut « simplifier et renforcer l’encadrement » des écoles hors contrat. Sous prétexte de lutter contre l’islamisme, des parlementaires comptent menotter un enseignement dont la réussite fait de l’ombre au système public. 


Tous les matins, 6,8 millions d’élèves rejoignent les bancs du premier degré. Parmi ces enfants, environ 40 000 suivent l’enseignement de ce que l’État appelle les écoles « hors contrat », terme à la fois imprécis et réducteur pour rendre compte d’une réalité multiple.

Les écoles hors contrat, c’est beaucoup plus que ça

Imprécis car il est faux de dire que ces écoles n’ont aucun devoir, aucune responsabilité envers la collectivité publique : les lois Goblet du 30 octobre 1886, Falloux du 15 mars 1850 et Astier du 25 juillet 1919 régissent ainsi l’ouverture de ces écoles. Rappelons également que 73% des établissements hors contrat ouverts à la rentrée 2017 auront été contrôlés d’ici juin.

Réducteur car il ne saisit pas des réalités diverses : parmi ces écoles, certaines encouragent des formes de pédagogie innovantes (comme les écoles Montessori), d’autres ont pour ambition de venir en aide aux enfants les plus défavorisés (comme les écoles Espérance Banlieues), d’autres, enfin, ont vocation à enseigner dans un cadre confessionnel (20% seulement des écoles hors contrat, contrairement à ce que pourraient croire les laïcs les plus vigilants)… Plutôt que des écoles hors contrat, on pourrait donc les appeler des écoles « de la société civile », chacune manifestant l’engagement d’enseignants, de responsables et de parents en faveur du bien commun des générations futures.

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Si certains passent à côté de cette mosaïque éducative, tous se rejoignent sur trois constats. Le premier, le plus connu sans doute, est la dynamique exceptionnelle de l’école libre : ces huit dernières années, les effectifs du privé hors contrat ont plus que doublé dans le premier degré. Ce plébiscite des parents se manifeste symétriquement par la désaffection de plus en plus manifeste pour l’enseignement public. Alors même que l’école publique attire chaque année moins d’élèves, le hors contrat croît en moyenne de 15% chaque année. Mieux : sur les 22 académies où l’enseignement public est en baisse en 2017, 14 voient les effectifs du privé hors contrat augmenter. Le privé hors contrat est ce que l’on pourrait appeler le bon élève du système éducatif français.

Les écoles hors contrat, l’arbre qui montre la forêt

Alors que la rue de Grenelle ne cesse de financer des classes de préscolarisation (en l’occurrence, des enseignements pour les enfants de deux ans) pour un résultat médiocre (-3% d’élèves en REP+ [éducation prioritaire renforcée] – et -1,7% en REP [éducation prioritaire] cette année), le hors contrat agit et remplit les objectifs du ministre Jean-Michel Blanquer : +16,1% en REP et REP+ à la rentrée 2017. Quand on sait que les classements internationaux insistent justement sur la nécessité de la préscolarisation pour lutter contre les inégalités scolaires, il faut se réjouir de la présence d’écoles hors contrat sur les territoires populaires et dans les communes difficiles. Enfin, les initiatives liées au hors contrat, tant dans le premier degré qu’ensuite, tendent à se professionnaliser : l’école 42 de Xavier Niel en est un exemple, comme le lycée pilote ouvert par Acadomia à Nice ou les onze écoles du réseau Espérance Banlieues dont la vocation est d’aider les enfants des quartiers défavorisés.

Vitalité, engagement, professionnalisation : trois termes qui décrivent concrètement la vocation des écoles hors contrat. Dans ce contexte, la proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture des établissements privés hors contrat, déposée au Sénat en juin 2017 et discutée aujourd’hui et demain (21 et 22 février), pose problème. Annick Billon, rapporteur de cette proposition, prévoit en effet de lutter contre « des phénomènes de radicalisation religieuse, de sectarisme, d’amateurisme ou d’insuffisance pédagogique », prenant l’exemple de la fermeture de l’école islamique Al-Badr à Toulouse. Que des écoles soient gangrenées, en France, par le fondamentalisme musulman, c’est sans doute le cas. Que certaines insuffisances pédagogiques puissent être constatées dans nos écoles, cela n’étonnera pas les anciens élèves que nous sommes. Mais en quoi consiste cette proposition de loi ? Trois articles la composent : le premier impose l’allongement des délais d’opposition du maire et des services de l’État lors de la constitution d’une nouvelle école ; le second oblige un contrôle régulier, tous les cinq ans, des établissements ; et le troisième exige un niveau pédagogique minimum pour chaque chef d’établissement. En somme, le Sénat souhaite combattre les dérives fondamentalistes et l’endoctrinement idéologique à coup d’allongements administratifs. La belle affaire !

Le Sénat se trompe de combat

Ajouter de nouvelles réglementations et de nouvelles contraintes à notre arsenal n’y changera rien. C’est se tromper de combat que de chercher à entraver un modèle en plein essor. A moins qu’il n’y ait des raisons moins avouables, comme le laisse entendre l’affirmation confondante du sénateur socialiste David Assouline : « Notre timidité à cet égard fait le lit des fondamentalismes issus de toutes les religions, qui régulièrement s’unissent pour mener des combats contre le progrès, comme lors des manifestations contre le mariage pour tous »

Si le législateur souhaite s’attaquer au mal qui ronge notre société, qu’il le fasse clairement et efficacement : c’est en démantelant les écoles coraniques, en faisant la chasse aux madrasas illégales implantées sur notre sol et en évaluant, sur pièce, le contenu pédagogique de chaque établissement que l’Etat protègera les enfants, rassurera les familles et œuvrera pour le bien du pays. Mais imposer aux écoles hors contrat toute une série de normes ex ante ne conduira encore une fois qu’à tuer dans l’œuf une vitalité et des initiatives innovantes, que tel service administratif obscur pourra juger bonnes ou mauvaises. Au contraire, évaluer régulièrement les méthodes pédagogiques employées dans toutes les écoles françaises – privées et publiques, d’ailleurs – se révèlera bien plus utile pour les élèves.

Finalement, l’école privée hors contrat dérange parce qu’elle réussit et qu’elle s’efforce d’apporter des réponses nouvelles et originales aux maux d’un système éducatif ankylosé. Mais, de grâce, laissons pour une fois l’idéologie de côté, épargnons du travail inutile à l’administration de l’Education nationale et laissons vivre et fleurir la liberté scolaire afin de nous attaquer à un problème, bien réel cette fois : le fondamentalisme musulman.

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est délégué général de l'institut Thomas-More

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