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Les maladroits ont des droits !


Les maladroits ont des droits !

Ane

« Tout s’excuse ici-bas, hormis la maladresse. » Depuis ce vibrant cri de haine lancé en 1849 par Musset dans Louison, la situation faite en France aux personnes à adresse différente n’a, hélas, connu aucun progrès.

Il est vrai que la prise de conscience de la communauté des personnes à inadresse atypique est elle-même lente et difficile. La marche vers la fierté et l’affirmation des droits des maladroits est longue et semée d’embûches. Et nous autres maladroits ne savons, hélas, que trop bien que nous n’avons du reste pas même besoin d’obstacles pour trébucher. Les rares initiatives communautaires de personnes maladroites qui ont réussi jusque-là à aller très loin sans heurts ni glissades, nous le savons, étaient toutes parties, hélas, dans une mauvaise direction.[access capability= »lire_inedits »]

Forts de tous ces échecs, qui doivent être notre fierté et le signe précieux de notre singularité, nous n’avons pas le droit de baisser les bras (et ce d’autant moins que nous risquerions de blesser quelqu’un). Nous devons marcher fièrement et bras en l’air, en espérant que, cette fois, ce sera véritablement de l’avant. Depuis que les timides sont sortis du bois, les personnes à adresse alternative ne sont plus les mêmes. Galvanisés par la flamboyante lutte des timides, ils ont enfin pris conscience qu’ils avaient eux aussi droit aux droits et à la reconnaissance.

Les personnes à habileté insolite veulent à présent mettre un point d’arrêt – et sans déraper, s’ils le peuvent – aux innombrables discriminations dont ils sont l’objet, à commencer par toutes celles qui leur interdisent arbitrairement l’accès à un très grand nombre de métiers. Elles réclament à l’horizon de 2011 l’instauration d’un quota obligatoire de personnes à habileté insolite parmi les grutiers, les dentistes, les équilibristes, les chirurgiens, les relieurs, ainsi évidemment que dans les domaines de la restauration d’œuvres d’art, de la restauration humaine, de l’horlogerie, de l’orfèvrerie et des nanotechnologies.

Enfin, nous ne voyons pas au nom de quelle fantaisie ostracisante les personnes à adresse aléatoire devraient être maintenues à l’écart de la police et se voir éternellement refuser leur droit légitime au port d’armes à feu. Sur ce dernier point, il n’est pas difficile de reconnaître dans le refus obstiné de la société une manifestation aveuglante de la peur de la différence et de l’altérité souvent dérangeante des personnes à adresse glissante. Un grand pas sera franchi, également, lorsque l’Etat remboursera enfin systématiquement tous les objets cassés par les personnes à tactilité savonneuse.

Mais ce que la société française refuse de reconnaître, c’est que la maladresse est avant tout une danse, une danse libre et imprévisible, d’une enivrante beauté. Et cela, pourtant, chacun le sait déjà obscurément au fond de lui-même en entendant notre révolte : en entendant Buster qui tonne.[/access]

Octobre 2010 · N° 28

Article extrait du Magazine Causeur



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