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Les affaires d’Etat que le procureur Molins devrait régler avant de partir

Affaires Benalla, comptes de campagne de Macron,...


Les affaires d’Etat que le procureur Molins devrait régler avant de partir
Le procureur François Molins au tribunal de grande instance de Paris, janvier 2017. SIPA. 00790092_000009

Les médias nous ont appris la nomination de François Molins au parquet de la Cour de cassation et son départ prochain du poste qu’il occupe encore aujourd’hui, celui de procureur du tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Il nous est apparu souhaitable de faire le point dans la mise à jour de ses dossiers avant qu’il ne rejoigne ses nouvelles fonctions.

Restaurer la confiance dans la justice

Pourquoi cette sollicitude ? Pour une raison très simple. L’annonce simultanée de sa nomination à la Cour de cassation et du refus de son parquet de délivrer un réquisitoire supplétif aux juges d’instruction pour la disparition du coffre-fort d’Alexandre Benalla a provoqué dans l’opinion publique une réaction prévisible : « Le procureur de Paris a obéi aux ordres de l’Élysée et sa nomination en est la récompense ». Je ne crois pas une seule seconde à ce scénario, mais cette interprétation expose une nouvelle fois l’institution judiciaire à une perte de légitimité difficile à rétablir. C’est d’autant plus sérieux que, depuis l’arrivée à la présidence de la République d’Emmanuel Macron, les pouvoirs exécutifs et législatifs ont été complètement déconsidérés. Un gouvernement composé d’ectoplasmes politiques assume complètement de ne servir que de relais aux directives de l’Élysée. Et que dire de cette Assemblée nationale peuplée de sombres et improbables nullités ?

Il serait donc judicieux que l’institution judiciaire, troisième pilier de nos institutions, restaure une confiance largement entamée. Le meilleur moyen serait de remplir scrupuleusement sa mission, et notamment en donnant à toutes les affaires invraisemblables apprises cet été les suites judiciaires qu’elles méritent.

Les affaires Benalla ne sont pas finies

À tout seigneur tout déshonneur, commençons par Alexandre Benalla et ses acolytes. En rappelant encore une fois que le principal d’entre eux bénéficie d’une immunité pénale pour la durée de son mandat.

Concernant les violences de la place de la Contrescarpe, l’homme de main est poursuivi pour l’instant pour « violences en réunion n’ayant pas entraîné d’incapacité temporaire de travail », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant des actes réservés à l’autorité publique », « port et complicité de port prohibé et sans droit d’insignes réglementés par l’autorité publique », « recel de violation du secret professionnel » et «recel de détournement d’images issues d’un système de vidéo protection». Son complice Vincent Crase pour « violence en réunion n’ayant pas entraîné d’incapacité temporaire de travail », « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant des actes réservés à l’autorité publique » et « port prohibé d’arme de la catégorie B ».

D’après ce que l’on sait, et comme l’établissent des vidéos qui circulent, des faits strictement similaires s’étaient produits peu avant au Jardin des Plantes et ont fait l’objet d’une plainte des victimes. Les incriminations, en dehors de la question de la violation du secret professionnel, seront exactement les mêmes. En cumulé, nous arrivons déjà pour nos deux duettistes, bien sûr présumés innocents, à pas moins de 16 infractions… Mais il ne faudrait pas oublier la question de la complicité par fourniture de moyens dont auraient pu se rendre coupables tous ceux qui ont facilité la commission de ces délits. Notamment un étrange personnage présent sur tous les coups, le policier Philippe Mizerski. A priori, celui-ci a apporté son concours à la commission de 15 des 16 infractions. Ce qui positionne l’aiguille du compteur d’infractions sur 31…

Passons maintenant à la chaîne administrative et aux exploits accomplis par ceux qui n’ont rien su refuser au prince. Au sujet de certains des avantages loufoques systématiquement accordés à Alexandre Benalla, j’avais relevé là aussi l’éventualité de la violation à plusieurs reprises de l’article 432–15 du code pénal relatif au détournement de biens publics. Il y a pour l’instant trois infractions bien visibles, avec une collection d’auteurs dans la chaîne administrative. Il y a aussi l’histoire ahurissante de la violation du secret professionnel par trois hauts gradés de la police pour permettre à Benalla de préparer sa défense médiatique. Les trois policiers ont été suspendus et mis en examen pour deux infractions distinctes : violation du secret professionnel et détournement d’images issues d’un système de vidéosurveillance. Mais surtout, il y a la suite. Car on voit mal comment la crème des collaborateurs d’Emmanuel Macron pourrait, elle aussi, échapper aux poursuites. Reportons-nous à l’imprudente interview de Benalla, sous magistère de Mimi Marchand, au journal Le Monde. Receleur de la violation du secret professionnel commis par les trois gradés, il encourt les mêmes peines que les auteurs principaux. Pour se justifier, il a trouvé intelligent de dire la chose suivante à la journaliste : « Ce CD [d’une vidéo qui montrerait que « les gens en face ne sont pas de simples passants mais des casseurs »], je ne le regarde pas et je le remets à l’Elysée à un conseiller communication ». Ce conseiller sera identifié quelques heures plus tard par BFM TV. Il s’agirait d’Ismaël Emelien. Relancé par les journalistes du Monde sur l’usage fait de ces images dans la foulée par le service de communication de l’Elysée, Alexandre Benalla lâche : « Je crois qu’ils ont essayé de la diffuser et de la fournir à des gens, pour montrer la réalité des faits. »

Alexandre Benalla nous dit benoîtement qu’un proche d’entre les proches du président a visionné ces images pour qu’elles soient ensuite transmises à des militants LREM pour les besoins de leur propagande. Absolument génial ! Une Infraction de recel pour Ismaël et ses collaborateurs et une nouvelle fois un défaut d’application de l’article 40, avec un refus de signalement au parquet et de transmission à celui-ci des images. Un ban pour les artistes ! Compte tenu du nombre de personnes probablement impliquées dans cette opération de recel, difficile d’être précis sur le nombre d’infractions. L’aiguille de notre compteur flirte cependant avec la zone rouge du surrégime en s’approchant dangereusement du chiffre de 50 délits !

Passons maintenant à ce qui ressemble à des parjures devant les commissions parlementaires. Il y a Gérard Collomb prétendant ne pas connaître Benalla, mais plus grave les contrevérités du préfet Delpuech qui a mécaniquement énoncé les éléments de langage fournis par l’Élysée, mais qui présentaient le défaut d’être contraires à la réalité. L’on sait qu’un mensonge est justiciable par les articles du Code pénal relatifs au faux témoignage, la seule question qui se pose étant celle du déclenchement de l’action publique et de la poursuite. Celle-ci appartient normalement au président de la Commission parlementaire au moment de la publication du rapport. À mon sens, la Commission ayant fini en queue de poisson, le parquet retrouve sa liberté et peut (doit ?) poursuivre les faux témoins.

Égrener cette litanie qui n’est probablement pas exhaustive, n’est pas vouloir à tout prix la mort des pêcheurs, mais demander que la justice fasse son travail et la clarté sur ce qui n’est pas, loin de là, une simple « affaire d’été » comme nous l’ont seriné les préposés au colmatage. Parce qu’il y va de la crédibilité de l’institution judiciaire qu’il faut mettre à l’abri de l’accusation meurtrière d’être soumise au pouvoir de l’Élysée.

Pour cela, il faut s’occuper soigneusement de l’affaire Benalla, mais pas seulement.

Et ça, et ça, et ça…

Le parquet de Paris devrait se saisir de l’existence des infractions pénales commises et reconnues (voire revendiquées par Castaner qui n’en rate pas une) à l’occasion du financement de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. C’est la question des ristournes commerciales accordées à la campagne Macron. Le parquet de Paris devrait évidemment accorder au juge l’instruction de l’affaire de délit de favoritisme France business/Havas pour faire la clarté sur la responsabilité de Muriel Pénicaud. Le parquet de Paris ne devrait pas non plus oublier la pauvre Marlène Schiappa, qui a laissé utiliser les fichiers et le personnel de son ministère pour faire la promotion d’un livre qui n’avait rien à voir avec ses fonctions ministérielles. Édouard Philippe est sorti de sa léthargie pour nous dire, sans crainte du ridicule, que tout cela n’était pas grave puisqu’il s’agissait d’une « erreur humaine ». Magnifique justification que les avocats ne manqueront pas d’utiliser dans les prétoires à l’appui de leurs demandes d’acquittement : « Vous comprenez, Monsieur le président, mon client a certes coupé la tête de sa belle-mère, mais c’était une erreur humaine ». On rappellera simplement que soit la ministre l’a demandé et dans ce cas c’est l’article 432–15 du Code pénal qui s’applique, soit elle a été négligente et l’a laissé faire, ce sera alors le 432–16.

Il y a sûrement beaucoup d’autres dossiers à traiter, mais on va s’en tenir là pour ne pas gâcher la fin de vacances de François Molins, en s’adressant quand même quand même à son collègue du TGI de Nanterre. Pour lui narrer l’histoire d’un des petits marquis les plus déplaisants de la Macronie. Le député Gabriel Attal, perdant le sens des convenances et de la décence commune, a trouvé malin, au moment où Benalla se déguisait en policier, d’enfiler l’uniforme du facteur pour jouer les briseurs de grève. Notre preux législateur a simplement oublié que cette profession de facteur est réglementée. Assurant le « service public universel du courrier », il doit prononcer un serment de respecter le secret professionnel et d’assurer en toute circonstance le secret des correspondances. Cette très ancienne obligation relève aujourd’hui du décret no 93-1229 du 10 novembre 1993. Gabriel Attal a donc, semble-t-il, commis le délit d’usurpation de fonctions prévu et réprimé par l’article 432–12 du Code pénal. Et exposé, par la même, le vrai facteur qu’il prétendait aider, à la complicité dans la commission de cette infraction puisque celui-ci lui a remis illégalement une partie de son courrier à distribuer. Un simple rappel à la loi, après une garde à vue, permettrait de lui rappeler ses obligations. Un moment de détente dans l’exploration du marécage.



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