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Zemmour le dynamiteur

Fidèle à sa vision, il fait peur et révèle les vieilles manies gênantes des autres


Zemmour le dynamiteur
Philippe de Villiers et Eric Zemmour à la frontière entre l'Arménie et la Turquie, 12 décembre 2021 © KAREN MINASYAN / AFP

Tous ses petits compagnons de jeu – les candidats à la présidentielle 2022 – l’accusent d’hystériser la vie politique. Mais c’est leur propre hystérie qui est vraiment remarquable !


Les Républicains l’imitent, quoique tardivement. Une bonne partie de la gauche s’enferre dans son déni et sa paranoïa. En se portant candidat à l’élection présidentielle, Éric Zemmour provoque une agitation instructive dans le vieil entre-soi des gens de pouvoir qui façonnaient tranquillement l’opinion publique jusque-là. On dirait des mômes attirés et révulsés par la violence du cador de la cour de récré ! Tous désapprouvent sa tyrannie et le craignent, et tous sont fascinés par lui et aimeraient bien s’imposer aussi efficacement.

À droite, le RN inquiet…

Parmi ces mômes, on retrouve ceux qui voudraient être comme lui mais n’osent pas (ou plus) par souci de relégation ou de validation sociale : la droite politique LR et le RN principalement. Le cador historique de la droite nationaliste et patriotique – le RN et sa candidate Marine Le Pen – voit d’un mauvais œil l’arrivée de ce mouflet qui frappe plus fort. Ses thèmes les plus porteurs (souveraineté, immigration, islam, identité) sont aussi ceux de l’ancien journaliste, qui rencontre naturellement son public – tandis que la porosité d’une partie de l’électorat RN n’est un mystère pour personne.

France TV

Logiquement, Marine Le Pen et son état-major se sentent menacés dans leur stratégie de normalisation et réagissent : la vidéo de candidature de Zemmour ? « Passéiste et crépusculaire. «  Zemmour ? Un « polémiste » qui « n’apporte rien » et déploie « une forme de brutalité« . Ces attaques semblent mues par une double inquiétude. Celle de voir une partie de son électorat se tourner vers lui dès le premier tour, et celle née de la contestation de la stratégie par une partie de ses cadres (Nicolas Bay, Philippe Vardon ou Stéphane Ravier par exemple, à en croire le Huffington Post). Le Pen le reconnaît elle-même : Zemmour est « un concurrent » qui « disperse des voix qui sont utiles au redressement du pays.« . La baronnie RN est menacée, et le sent.

… et LR envieux ?

Pour LR, c’est différent. La droite traditionnellement libérale, européiste et mondialiste ressemble au gringalet fasciné par la brute Zemmour. Le parti qui enverra Valérie Pécresse à l’élection semble tenaillé par des sentiments ambivalents, entre attraction et répulsion. L’équation est simple : LR craint un siphonnage de ses électeurs les plus à droite. Les candidats à l’investiture LR ont donc été forcés de se positionner sur les sujets prisés par Zemmour, affichant une fermeté parfois opportune sur l’islam, l’identité et l’immigration durant le Congrès.

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Envoyée dans la cour, Valérie Pécresse martèle donc un discours fortement régalien pour « mettre fin à l’immigration incontrôlée« , « renforcer la sécurité au quotidien« , ou encore « réarmer notre pays contre l’islamisme et le terrorisme« (octobre 2021) . Qu’elle est loin, la Pécresse qui expliquait que l’islam est « une religion française » (CNews, 2019) ! Forcée par Zemmour à sortir du bois et à se positionner plus fermement, Pécresse sera jugée sur ses éventuels revirements rhétoriques en cas de second tour face à Macron.

À gauche, le déni et l’injure

Les mômes de gauche sont eux comparables aux gamins devenus impopulaires qui haïssent le caïd parce qu’il est le centre de l’attraction, et pas eux : ils ont peur de ne pas exister. Mais au lieu de s’adapter, ils paniquent, s’avilissent ou s’enferment dans le déni. Leurs armes : l’anathème, la censure, voire carrément l’injure.

Sans argument, le PS se réfugie dans le reductio ad hitlerum : Zemmour a « le discours de Pétain » (Olivier Faure), ou alors c’est carrément un « négationniste » (Anne Hidalgo). La maire de Paris claironne même son refus de débattre avec celui qu’elle traite de « guignol« . Plutôt que se retrousser les manches et remonter la pente, elle préfère les mantras apotropaïques, piètres faux-fuyants pour éviter une prévisible mise en charpie si un tel débat avait lieu.

Même son de cloche chez EELV ou au PCF : pour Yannick Jadot, Zemmour est un « petit collabo de salon« .(BFM, 17 octobre) Plus littéraire, Fabien Roussel paraphrase Robert Merle : « La haine est son métier« (Twitter, 30 novembre). Le candidat PCF, qui s’était pourtant distingué en abordant les questions d’identité, de protectionnisme économique et d’immigration, semble avoir mis depuis de l’eau dans son vin.

Mélenchon se distingue lui par une attitude ambivalente. Le candidat LFI avait déjà accepté un débat télévisé avec Zemmour et expliquait que l’interdiction de son meeting à Villepinte n’était « pas le principe de la démocratie« (BFM, 3 novembre). Ses lieutenants – Alexis Corbière ou Clémentine Autain – semblent bloqués eux dans leurs vieux réflexes : Zemmour est « haineux » (pour Corbière, cette assertion tient lieu d’argument) ; et pour Autain, il faudrait lui interdire de s’exprimer ! Mélenchon n’oublie donc pas de rassurer ses troupes lors de son meeting à La Défense : oui, Zemmour est « l’ennemi du genre humain » et veut faire de nous « la France qui a peur« . Mamma mia !

À gauche, les ambitions élyséennes de Zemmour agissent donc comme une mise en lumière extrêmement crue. Incapables de se renouveler et de séduire, ces mômes sous-entendent, injurient, veulent interdire. Toute une conception de la démocratie !

Il agit, ils réagissent

Le tableau est assez clair : c’est Zemmour qui impulse la dynamique et le rythme de ce début de campagne présidentielle. Conscients que ses propos rencontrent une adhésion puissante et sans artifices à des lieues de l’enthousiasme tiède qui prévaut ailleurs, le reste de la sphère politique se cabre, séduit, crache, hésite, singe, nie, bref : adapte son comportement au trublion qui met le bazar dans la cour de récré.

Pour certains, cette adaptation prend la forme de revirements et d’atermoiements dont la sincérité paraît douteuse. Les autres préfèrent accélérer leur fuite en avant pour éviter de se demander pourquoi Zemmour trouve dans une partie du peuple une oreille si attentive. Le déni devient un délire paranoïaque.Que l’on soit d’accord avec lui ou non, Éric Zemmour agit et les autres mômes réagissent. Il dynamite ? Ils sont en pétard.



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Enseignant à l’École de Guerre Économique, Louis Favrot a créé et anime le blog « Libres Paroles ». Il y décrypte des contenus médiatiques et s’intéresse particulièrement à la guerre informationnelle et à la lutte des idées dans l’espace médiatique.

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