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Trente-trois raisons d’être catholique


Trente-trois raisons d’être catholique

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1. Je suis catholique par mon baptême, ma communion et ma confirmation.

2. Je suis catholique par mon enfance et je le suis resté par « esprit d’enfance », aurait dit Bernanos.

3. Je suis catholique par tous les saints et toutes les saintes des litanies, chacun avec leur spécialité parfois dérisoire mais qui sont le meilleur reflet de nos angoisses humaines, trop humaines. Sainte Rita, faites donc cesser cette gueule de bois…

4. Je suis catholique par La Légende dorée et la manière dont Jacques de Voragine raconte la vie de ces saints. Les beaux récits sont toujours vrais, parce qu’ils sont beaux.

5. Je suis catholique parce que j’ai eu l’intuition de ce que signifiait la Pentecôte en 1999, à Jérusalem, quand j’ai visité le cloître du Notre-Père sur le mont des Oliviers. La prière, jamais oubliée malgré les années rouges, se trouvait reproduite sur les murs dans plus de 60 langues différentes et, forcément, tout d’un coup, je comprenais tout ce qui était écrit.

6. Je suis catholique parce que la virginité de Marie, pour qui a lu Le Jeu de saint Nicolas, une pièce du XIIIe siècle écrite par Jean Bodel, n’est pas une aberration. Il suffit de comprendre les choses de manière poétique, c’est-à-dire, finalement, de manière technique. Que nous dit Jean Bodel ? « Un rayon de soleil qui traversa un vitrail sans le briser et illumina toute la nef. »[access capability= »lire_inedits »]

7. Je suis catholique par saint Augustin jeune homme : « Nondum amabam et amabam amare »« Je n’aimais pas encore mais j’aimais aimer. » Il faut d’abord apprendre à aimer l’amour avant d’aimer un être ou une idée ou un pays. Sinon, cet amour-là ne sera pas bien solide. D’ailleurs saint Augustin, encore lui, écrit : « Pondus meum, amor meus » : « Mon poids, c’est mon amour. »

8. Je suis catholique par le révérend père Lacordaire, en chaire à Notre-Dame de Paris, en 1848 : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la loi qui libère et la liberté qui opprime. »

9. Je suis catholique par les écrivains catholiques, Bernanos, Mauriac, qui seuls savent tirer contre leur camp au nom même de leur foi. Bernanos contre Franco dans Les Grands Cimetières sous la lune, Mauriac dans son Bloc-Notes de L’Express contre la torture en Algérie.

10. Je suis catholique par le monastère de Saint-Jérôme, à Lisbonne, sa profusion manuéline, son refus d’un monde désenchanté, son allure d’embarcadère sur le Tage, pour les Grandes découvertes.

11. Je suis catholique par mon prénom, Jérôme, justement. Père de l’Église, accompagné d’un lion comme s’il avait su, en soignant le fauve devenu reconnaissant, dominer la sauvagerie qui dort en chacun de nous. Jérôme, traducteur de la Bible, et qui continua son travail dans un monde qui s’effondrait dans la barbarie. Mais il savait, avant Mallarmé, que « ce monde existe pour aboutir à un livre. »

12. Je suis catholique par la « théologie de la libération », par Dom Helder Camara et Léonardo Boff. Dom Helder Camara : « La seule invention moderne, en matière de torture, c’est l’électricité. »

13. Je suis catholique par Mgr Romero, abattu dans sa cathédrale par les « escadrons de la mort » au Salvador et par le père Ernesto Cardenal, poète et guérillero, ministre de la Culture du premier gouvernement sandiniste au Nicaragua, se mettant à genoux lors de la visite de Jean Paul II et recevant du Saint-Père une admonestation, doigt levé, comme pour un enfant indiscipliné mais qui a bon cœur.

14. Je suis catholique par le Sermon des Béatitudes, le discours le plus doux de l’histoire de l’humanité.

15. Je suis catholique par l’Évangile, qui fait partie de mes livres de chevets car on y défend les enfants, les putes, les fous et les morts, et que c’est tout de même l’histoire, avant tout, d’une bande de copains « sur la route », aurait dit Kerouac.

16. Je suis catholique parce que les pays catholiques ont mieux résisté que les autres, ou en tout cas plus longtemps, aux révolutions industrielles, au capitalisme, au prêt avec intérêt, à Max Weber.

17. Je suis catholique parce que je suis latin, c’est-à-dire français, c’est-à-dire enraciné et universel.

18. Je suis catholique par sainte Thérèse d’Avila et son ivresse spirituelle, sa défonce mystique quand l’Époux l’emmène boire dans les caves du Seigneur.

19. Je suis catholique par saint Thomas d’Aquin, qui a prévu la crise des subprimes et de la dette dans la Somme Théologique : « Une possession virtuelle est inférieure à une possession actuelle » (IIa, IIae, q62, art4).

20. Je suis catholique parce que les catholiques ne voient aucun signe d’élection particulière dans le fait d’être riche. Et même pire, si l’on en croit Léon Bloy dans Le Sang du pauvre : « Le riche est une brute inexorable qu’on est forcé d’arrêter avec une faux ou un paquet de mitraille dans le ventre… »

21. Je suis catholique par Pascal quand il nous demande soit de parier sur l’existence de Dieu soit de nous taire et d’attendre que ça vienne.

22. Je suis catholique par le rire de saint François d’Assise et par la prière de Francis Jammes pour « aller au Paradis avec les ânes ».

23. Je suis catholique par Bossuet qui ouvre un tombeau devant la Cour.

24. Je suis catholique parce que je crois à la fin de l’Histoire et au Jugement dernier et qu’importe si c’est, au bout du compte, la « Cité de Dieu » ou la «
société sans classe ». Quelque chose me dit que ce ne sera pas très différent, au fond.

25. Je suis catholique par « l’agneau qui enlève le péché du monde ».

26. Je suis catholique par la communion des saints : nous payons peut-être aujourd’hui, collectivement, pour l’offense faite il y a longtemps à un plus faible. Ou bien, qui sait si un simple regard, un simple sourire de bienveillance, aujourd’hui, ne sauvera tout un monde demain ?

27. Je suis catholique par la conclusion qu’il faut en tirer : nous ne sommes pas seuls, ni dans le temps, ni dans l’espace et nous sommes métaphysiquement obligés à la solidarité. C’est drôle, Badiou dit la même chose : « Il n’y a qu’un seul monde. » Mais on oublie que Badiou est aussi un grand paulinien.

28. Je suis catholique par la traduction janséniste de la Bible de Lemaistre de Sacy, qui est belle comme du Racine, son contemporain : « Seigneur, écoutez-nous : Vous êtes parmi nous comme un grand prince ; enterrez dans nos plus beaux sépulcres la personne qui vous est morte. »

29. Je suis catholique par quelques absolutions qui m’ont, qui sait, épargné des années de psychanalyse.

30. Je suis catholique par l’Encyclique Caritas in Veritate de Benoît XVI.

31. Je suis catholique par saint Paul, dans son Épître aux Colossiens : « Il n’est plus question de Grec ou de juif, de circoncision ou d’incirconcision, de Barbare, de Scythe, d’esclave, d’homme libre. Il n’y a que le Christ, qui est tout et en tout. » Vous vouliez une définition de l’universalisme ? La voilà.

32. Je suis catholique par saint Paul, encore, dans son Épître aux Corinthiens : « Mort, où est ta victoire ? »

33. Je suis catholique par ces paroles si vraies de l’Eucharistie : « Il est grand le mystère de la foi » Si grand que je suis bien incapable de vous dire si je l’ai ou si je ne l’ai pas.[/access]

*Image : Saint Jérôme, Caravage (wiki commons).

Décembre 2012 . N°54

Article extrait du Magazine Causeur



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