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Syrie: contre Daech, les Etats-Unis forment… 90 combattants


Syrie: contre Daech, les Etats-Unis forment… 90 combattants

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On nous avait promis des bataillons de rebelles syriens laïques ou «islamistes modérés» combattant à la fois l’Etat islamique et Bachar Al-Assad. Certes, le moindre petit stratège de guerre nourri au lait de Clausewitz et Jomini sait combien il est difficile de se battre sur deux fronts, mais les diplomates occidentaux font peu de cas des réalités militaires. Ainsi, dans l’esprit de John Kerry comme de Laurent Fabius, le régime de Damas n’ayant plus droit de cité sur cette terre, il convient de financer et d’armer ce qui reste d’Armée syrienne libre et ne fraie pas encore avec la succursale locale d’Al-Qaïda (Front Al-Nosra).

L’été dernier, la Maison Blanche avait débloqué la bagatelle de 500 millions de dollars pour former et salarier des jeunes modérés. Une porte-parole du Pentagone explique que ces volontaires intrépides toucheront entre 250 et 400 dollars suivant leur rang et leurs compétences. Une véritable ruée vers le billet vert mise à la portée de ces jeunes syriens.

Le but de ce programme est de former 5 400 combattants par an. Mais, d’après le site US News, les Etats-Unis n’ont réuni que… 90 apprentis-guerriers en Jordanie. Officiellement, l’armée américaine a revu ses objectifs à la baisse mais continue affirmer que 3 000 militaires peuvent être formés d’ici la fin de l’année. En privé, ses responsables reconnaissent qu’il est difficile d’inverser la courbe de recrutements…

Non seulement ce réjouissant programme d’entraînement ne séduit pas grand-monde, mais les rares  bras cassés qui se proposent sortent souvent de la course dès le premier examen. Quand bien même ils passent cette épreuve avec succès, la plupart de ces aspirants rentrent à la maison pour cause de passé peu glorieux ou d’autres problèmes personnels aussi rédhibitoires que des affinités salafistes.

Quant aux quelques combattants sérieux, ils voient cette histoire d’un assez mauvais œil. Eux ne se concentrent pas sur Daech, leur ennemi principal reste le régime de Bachar Al-Assad contre lequel ils combattent depuis plusieurs années. Malgré les crimes de l’Etat islamique, ces recrues préfèrent s’attaquer au pouvoir en place. Certains poussent même le vice jusqu’à refuser d’informer leurs alliés yankees. Abdul-Jabbar Abu Thabet, chef d’un groupe modéré, le Bataillon d’Alep, auquel les Américains font les yeux doux, a refusé de leur donner les noms de ses combattants.

Comme la vieille entreprise de papa qui se fait doubler par les start-ups, les Etats se font doubler par les sabreurs d’Alep et les douze salopards de Daech. On aura une petite pensée pour la centaine de combattants qu’on enverra au front comme chair à canon.

Pour les choses sérieuses, il faudra attendre. Hormis une poignée de mercenaires chrétiens ou kurdes, n’est pas près de voir se constituer des brigades internationales anti-djihadistes, sinon dans les rangs des milices chiites irakiennes ou libanaises pro-iraniennes, dont Myriam Benraad a décrit quelques-unes des exactions ici.

On aura beau se récrier devant les crimes de l’Etat islamique, l’impuissance occidentale reste patente. Eh oui, avant de ricaner, souvenons-nous que des vies sont en jeu.

*Photo : Julian Fong.



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