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Quand les médias refusent d’admettre que Biden doit attendre pour être sûr d’être élu

La partialité des médias est criante


Quand les médias refusent d’admettre que Biden doit attendre pour être sûr d’être élu
Joe Biden à Moosic (Pennsylvanie), le 17 septembre 2020. © Carolyn Kaster/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22494287_000007

À une dizaine de jours de la validation des votes du collège électoral, le 6 janvier, Joe Biden semble assuré de succéder à Donald Trump avec 306 voix contre 232 pour son rival. Pourtant, ce dernier n’entend pas reconnaître la victoire du démocrate et agit sur plusieurs fronts que les médias n’abordent que superficiellement voire pas du tout concernant certains aspects, se contentant de les évacuer ou les présenter de façon biaisée.


S’ils se sont empressés de relayer la proclamation de la victoire de Biden par CNN, les médias français ont omis une analyse antérieure à l’élection de cette même chaîne sur une possibilité de victoire de Trump quand bien même le Collège électoral aurait attribué au moins 270 voix au candidat démocrate, minimum requis pour être élu sans que la Chambre des représentants ne tranche. Et c’est notamment l’une des pistes explorées par le Président américain qui, dès lors, devrait intéresser les médias pour comprendre sa stratégie. Il s’agit d’une hypothèse qui, même si les chances de Trump sont extrêmement minces, mérite d’être considérée dans un contexte où, selon un sondage Rasmussen publié le 7 décembre, 47 % des électeurs (contre 49) sont convaincus que Joe Biden a fraudé, une certitude partagée par 17 % de démocrates – avec une marge d’erreur estimée à +/- 3 % -, autre information évacuée par le journalisme en France.

Quand CNN expliquait comment « battu », Trump pourrait être « vainqueur »

Le 29 septembre dernier, le commentateur politique de CNN Fareed Zakaria expliquait comment le Président pourrait perdre les élections et cependant rester à la Maison-Blanche grâce au droit électoral. Fin novembre, des partisans de Trump relayaient à tort la vidéo de Zakaria en parlant de rétropédalage de CNN, omettant de la restituer dans son contexte pré-électoral. Cependant, même si Joe Biden a bien plus de chances que Donald Trump d’être élu, l’hypothèse émise par le journaliste vaut toujours.

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Dans son émission hébergée par la chaîne peu favorable à Trump, Zakaria établissait le scénario suivant en rappelant qu’il existe des mécanismes constitutionnels permettant au candidat ayant perdu de gagner. Le point central de sa démonstration est que des législatures des États fédérés pourraient ne pas tenir compte des résultats officiels du vote populaire et choisir des listes concurrentes de grands électeurs en faveur de Trump ; si jamais aucun des candidats n’obtient 270 voix, alors c’est la Chambre des représentants qui élit le Président. Mais il y a une subtilité : les démocrates sont majoritaires à la chambre basse, même s’ils y ont perdu des sièges le 3 novembre, cependant les électeurs seraient majoritairement républicains, car les États y enverraient chacun une délégation en vertu du XIIe Amendement. Or, 26 États sont républicains, la majorité.

Petit état des lieux par rapport à l’hypothèse de Zakaria

Avant de prolonger l’hypothèse jusqu’à ce stade, il faudrait que lors de l’ouverture des votes le 6 janvier, au moins un sénateur et un représentant contestent la légalité de la certification des votes de certains grands électeurs. Un droit déjà exercé, notamment par les élues démocrates des deux chambres, Barbara Boxer et Stephanie Tubb Jones, quant à la victoire de George W. Bush en 2004 dans l’Ohio. Dans cette optique, les républicains des États contestés ont envoyé des votes de « grands électeurs » alternatifs au Congrès ; ils espèrent qu’en cas d’invalidation des votes des grands électeurs envoyés par les gouverneurs, les leurs seront retenus. L’avocate constitutionnaliste de Donald Trump, Jenna Ellis, défend cette option, à condition que ce soient les législatures de ces États et non les partis qui envoient des listes alternatives à celles des gouverneurs. Ces républicains espèrent que les tribunaux leur donneront raison quant à la supposée illégalité et inconstitutionnalité des listes déjà certifiées, et que les législatures de leurs États pourront valider à temps leurs procédures alternatives.

Donald Trump en meeting à Omaha (Nebraska), 27 octobre 2020. © Steve Pope/Getty Images/AFP.
Donald Trump en meeting à Omaha (Nebraska), 27 octobre 2020. © Steve Pope/Getty Images/AFP.

Jusque-là, les juges se sont surtout prononcés sur des points de recevabilité, notamment l’intérêt à agir ou le délai, et non sur le fond, contrairement aux dires des médias pour qui ces décisions anéantissent les accusations de fraude. Les républicains entendent obtenir d’ici le 6 janvier des décisions sur le fond concernant le processus électoral. Il reste donc une possibilité théorique que les voix de Joe Biden soient rejetées : soit que les cours donnent raison sur le fond aux républicains ; soit que les législatures de ces sept États continuent d’enquêter et valident ultérieurement les listes concurrentes si elles démontrent les fraudes qu’elles allèguent, le droit électoral permettant de certifier des voix même après le 14 décembre. Donald Trump pourrait ainsi obtenir 270 voix. Mais on pourrait aussi arriver à l’hypothèse redoutée par Fareed Zakaria, celle où aucun des candidats n’aurait assez de votes. Dans ce cas, on recourrait au XIIe Amendement.

Si jamais la validation de l’élection du Président s’envasait le 6 janvier, en dépit de l’avance actuelle de Biden, les délégations des États réunis à la Chambre des représentants éliraient le Président. Cependant, bien qu’il y ait une majorité d’États républicains rien n’assure que, dans ce cas de figure, Donald Trump obtienne la majorité, les délégués n’étant pas tenus par leur affiliation politique.

Un double standard médiatique refusant les éventualités déplaisantes

Les chances de Trump ne sont donc pas inexistantes et les commentateurs ont tort de ridiculiser les multiples tentatives du républicain qui multiplie les flèches pour en avoir une ou plusieurs qui atteignent la cible. Elles sont très faibles, mais même George Bush avait été déclaré vainqueur en 2000 par la Cour suprême avec la voix du juge Breyer, proche des démocrates, alors que le juge Stevens, républicain, s’était prononcé contre l’interprétation de la majorité bénéficiant au futur vainqueur – cette année, la Cour semble vouloir éviter d’être mêlée à l’élection. Des médias relayant CNN qui déclare Joe Biden vainqueur se devraient ainsi d’être objectifs et suivre CNN quand elle explique comment Donald Trump peut gagner en étant donné perdant. On notera également le silence général sur le gain de plus de 11 millions de voix pour Trump par rapport à 2016, sur ses gains auprès des électorats noirs ou latinos, comme si la déontologie consistait à éviter que le public ne pense mal s’il disposait d’un maximum d’informations.

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Ainsi, les médias ont choisi d’attendre plusieurs semaines après l’élection pour parler implicitement, comme le New York Times, des risques de conflits d’intérêt pour Joe Biden, alors que des enquêtes fédérales concernent son fils, ce après avoir refusé d’aborder le sujet ou l’avoir ridiculisé durant la campagne. Ou encore, des médias français (par exemple France Culture) ont mentionné la décision de la responsable de l’Administration des services généraux, Emily Murphy, d’accepter la transition avec les équipes de Joe Biden sans mentionner ce que même des médias américains démocrates relevaient, à savoir que dans sa lettre publique à Joe Biden elle déclarait céder alors qu’il y avait des menaces contre sa personne, son équipe, sa famille et ses animaux.

En ne retenant que ce qui va dans le sens de leurs préférences politiques et en présentant l’actualité sous des angles favorables ou défavorables selon le candidat qu’ils préfèrent, nombre de médias outrepassent la légitimité d’une inclination pour se contenter de faire du militantisme, qui plus est en infantilisant ceux qu’ils se proposent d’informer.



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