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PMA: le lobby LGBT contre les parents

Entretien avec la psychanalyste Monette Vacquin


PMA: le lobby LGBT contre les parents
Gay pride de Paris, juin 2017. SIpa. Numéro de reportage : 00812502_000002.
monette vacquin pma gpa
Gay pride de Paris, juin 2017. SIpa. Numéro de reportage : 00812502_000002.

Daoud Boughezala. Le 27 mai, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé pour l’extension de la pratique de la procréation médicalement assistée (PMA), qui est jusqu’ici réservée aux couples infertiles hétérosexuels. Que vous inspire cet avis ?

Monette Vacquin.[tooltips content=’Psychanalyste, écrivain, Monette Vacquin travaille depuis des années avec des scientifiques, des juristes et des philosophes sur l’artificialisation de la reproduction humaine et les problèmes de bioéthique.’]1[/tooltips] Lisons-en un extrait : « L’ouverture de l’insémination artificielle avec don de sperme à des personnes ne souffrant pas de pathologie responsable de stérilité se concevrait pour pallier une souffrance ressentie du fait d’une infécondité secondaire à des orientations personnelles. Cette souffrance doit être prise en compte ». Cette sage remarque sera ânonnée à l’envi sur les ondes jusqu’à ce que la propagande nous soit bien rentrée dans la tête. Tandis que l’homme de la rue se demandera peut-être si l’on n’en fait pas un peu trop. Avec ses deniers de surcroît. Car il s’agit bien d’offrir des techniques coûteuses à des femmes non stériles, homosexuelles ou pas, qui pourraient, comme l’ont fait tous les homosexuels dans l’histoire avoir des enfants sans demander la permission à personne. Demain, nous pourrons tous demander l’accès à la PMA au nom par exemple de garanties sanitaires, et de motivations qui caressent l’inconscient dans le sens du poil…

A lire aussi: PMA pour toutes: l’adieu au père

En assignant la raison comme seule limite à la PMA, les membres du comité d’éthique ne sont-ils pas dans leur rôle ?

La raison à elle seule ne peut fonder la limite. Et elle peut conduire à la folie, ce qu’elle est en train de faire. Ce sont les pièges de la raison, son creuset délirant comme le nomme Pierre Legendre, qu’il appartient aux civilisations, et non pas à la science, de mettre en sens, de contenir.
Or, il est difficile de fonder une limite dans le langage de l’amour et de la compassion. En refusant l’appui de toute limite extérieure, celles que l’on peut trouver dans la nature, ou dans la tradition. Les sages ont parfaitement assimilé la novlangue bioéthique qui empêche de penser et la répandent, au nom de leur autorité, à peu près purement scientifique. Très bien, les femmes non-stériles auront accès aux techniques de la PMA. Mais nous aurons tous à vivre les effets de la généralisation d’un mode de pensée et d’un langage qui nous conduit tout droit à l’utérus artificiel ou au transhumanisme, puisque le « guérir la vie » des années 70 s’est mué en « indications sociétales ». Ce langage est discordant, sa candeur masque la violence de ce qui est en train de se passer.

Justement, sur un plan anthropologique, qu’est-il en train de se passer?

C’est un verrou très important qui vient de sauter : celui de la stérilité. La question importante n’est pas tant est-ce que des femmes homosexuelles peuvent élever des enfants – les homosexuels élèvent des enfants depuis que le monde est monde. Mais plutôt, qu’est-il en train de se passer ? La levée de ce verrou fait peut-être apparaître que la PMA n’a jamais été un palliatif de la stérilité, en tout cas pas seulement, mais aussi l’alibi d’une affaire autrement plus complexe.
Au début des années 1980, j’étais dans les couloirs de l’hôpital Béclère de Clamart. Sur la porte de son laboratoire Jacques Testart, avait affiché « Jacques Testart éprouveur, inventreur », ce qui témoignait d’une puissante intuition. On  était dans un climat de nurserie, on célébrait l’amour maternel  et les progrès de la science, mais il se passait aussi autre chose. Les gynécologues plaisantaient : « Stérilité, on déclenche le plan hors-sexe ! », les bannières de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) proclamaient « Affranchissons-nous de la sexualité ! » Rappelons que c’est de l’INRA qu’ont été tirées toutes les méthodes de la fécondation in vitro, un simple transfert de techniques qui  avaient  fait leurs preuves dans l’industrialisation de l’élevage! Déjà, à l’époque, des gynécos écrivaient qu’il fallait arracher les femmes de leur attachement archaïque à la maternité.

Mais c’est au nom de l’égalité entre couples hétérosexuels et homosexuels que le gouvernement va sans doute ouvrir la PMA. Rejetez-vous cet argument ?

Philippe Muray, nous avertissait de la perte de la pensée sous le joug de ce qu’il nommait « le dieu égalité et du diable discrimination » ! Au nom de ce mode de pensée, les homosexuels hommes vont revendiquer la GPA au nom de l’égalité de leurs droits avec ceux des femmes. Puis on aura droit, à l’ectogenèse, c’est-à-dire à l’utérus artificiel pour « libérer » les femmes de la maternité et sortir des embarras liés à la question des mères porteuses. Et nous serons entrés dans la science-fiction, dans la mutation, dans l’horreur, sans même nous en apercevoir ! Comme cette génération de chercheurs et de médecins, j’ai été gauchiste étant jeune, la douleur des couples stériles me touchait, mais je pressentais que si l’humanité désexualisait l’origine, l’affaire était d’une autre ampleur que le contournement des stérilités tubaires. Tant de choses se mêlaient ! Les jeunes médecins de cette génération n’étaient pas fâchés de piquer l’embryon à l’église…. Les grands récits tombés en désuétude, on se tournait vers la science. Quand on a commencé à congeler les embryons, j’ai écrit un texte qui s’appelait « Y a-t-il un froid entre les sexes ? »

Le don anonyme de gamètes permet justement d’occulter le père, tout comme l’adoption plénière que la loi Taubira a ouvert aux couples homosexuels.  Avec l’extension du droit à la PMA, naîtront bientôt des enfants issus de deux mères sans que cette fiction anthropologique n’apparaisse sur le livret de famille. Qu’en pensez-vous ?

Notre génération a rompu avec ses pères par toutes les rationalisations possibles. Cette histoire est un symptôme. Dans quel rapport sommes-nous avec notre généalogie pour tenter un tel coup de force sur le lien de filiation, nommé traçabilité dans certains services de Fécondation in vitro?
Il n’y a certes rien de plus légitime que le désir d’enfant mais quelque chose cloche dans cette histoire. Beaucoup le sentent mais échouent à l’énoncer. Par l’alliance de la loi et de la technologie, de la science et du désir d’enfants incontrôlé, les parents tendent à être neutralisés. C’est un terme guerrier qui est employé, disant autre chose que ces sucreries propres au langage de la bioéthique que Huxley nous avait d’ailleurs annoncé ! Il y a des offices de solidarité dans le meilleur des mondes et on y célèbre la messe du Tout en Un. On neutralise un navire de guerre. Les mots de père et de mère ont disparu d’un grand nombre de textes de loi. On parle de progéniteur 1 et 2 en Espagne. Les groupes LGBT, une très petite minorité d’homosexuels mais à la pointe de l’idéologie ont proposé la « neutralisation des parents » et soutiennent que l’impossibilité de procréer, cette loi de la nature, est une discrimination ! Au Québec, dans les couples de lesbiennes, on dit que les droits du père sont attribués à « celle des deux mères qui n’a pas donné naissance à l’enfant ». Ça fait délirer les juristes : Elton John a même été nommé mère des enfants qu’il a acquis d’une mère porteuse ! Et, vous verrez, le chantage à l’homophobie sera aussi efficace que le chantage à l’islamophobie….

Les partisans de ces réformes vous répondraient que les parents sociaux priment aujourd’hui les parents biologiques…

Evidemment, mais je ne parle pas au nom du biologisme ! On pense aujourd’hui avec des effets de langage issus de la novlangue bioéthique. Tant d’amour et de suavité dissimule la violence de ce qui est en train de se passer. Je ne m’inquiète pas d’un point de vue clinique du devenir de ces enfants, bien que toutes les situations ne soient pas identiques. Que voulez-vous qu’ils fassent, les enfants ? Ils se débrouilleront, ils passeront à la télé, et ils diront que tout va bien, que leurs parents les aiment, et qu’ils ont de bons résultats à l’école.  Cependant, en psychanalyse, on n’aime pas beaucoup les cadavres dans le placard, on n’aime pas beaucoup l’anonymat et on n’aime pas beaucoup le mensonge ! Mais tout cela masque un symptôme difficile à déchiffrer : Un symptôme global, qui n’est ni celui des parents stériles, ni celui des médecins, mais celui du monde occidental aujourd’hui, avec un fort parfum de rupture, et qui n’est compréhensible qu’avec les dimensions de l’histoire et de l’inconscient. Pourquoi, et pourquoi aujourd’hui. Ce sont des questions qui semblent totalement échapper au Comité d’éthique, qui semble ignorer le déchaînement qui produit au début de la vie des embryons congelés, à la fin, des cadavres chauds.

En Belgique, 90% des dons de sperme ne sont plus issus de dons, mais achetées et importées du Danemark. Etant donné la demande croissante d’enfants, va-t-on vers un marché de la PMA ?

Bien sûr. Je crois que c’est déjà le cas. On est d’ores et déjà dans le cadre d’un marché de la filiation… libre. Je l’annonçais déjà il y a trente ans dans Libé : le marché de la filiation sera libre. La marchandisation existe déjà mais se fait avec nos impôts : en pleine période de crise, l’argent public permet d’offrir des PMA à des femmes non-stériles ! On a l’impression que la sexualité est devenue une technique parmi d’autres pour avoir des enfants. Il y a près de quarante ans, Jacques Testart m’avait dit que les mères et les belles-mères adorent la PMA. Les hommes un peu moins. J’en ai vu un certain nombre dire oui quand ils pensaient non.

L’engouement pour la PMA masque-t-il une volonté de conception « propre », sans relation sexuelle ?

Absolument. C’est aussi une théorie sexuelle infantile, « je ne suis pas né d’un rapport sexuel », que la science réalise. La situation à venir est plutôt compliquée : il n’y a plus de limites naturelles et on ne peut plus interdire puisqu’on vit sous le règne de l’amour ! L’archaïque humain a le champs libre comme jamais, et ceci avec les moyens les plus sophistiqués. L’amour est une relation vécue qui donne un sens à la vie, il ne fonde pas la loi !
Nous sommes au seuil du transhumanisme et de l’utérus-machine. Avec quels outils les nouvelles générations Macron vont-elles pouvoir s’efforcer de penser cette volonté de mutation de l’humanité, ce symptôme qui travaille le monde occidental aujourd’hui que cache la célébration de l’amour maternel et du progrès des sciences ? Comment vont-elles penser que l’on peut être dans la science, mais plus dans la raison, si celle-ci est habitée par l’archaïque ? L’humanité semble connaître une nouvelle bouffée positiviste, le salut par la raison scientifique, mais celle-ci, avec les moyens que lui donne la techno-science et le marché, mène un train qui n’a pas dit son dernier mot. N’est-ce pas ce que nous ont annoncé les grands prophètes de la modernité que sont Huxley, Zamiatine, ou Orwell ? Je viens d’entendre la députée Barbara Pompili déclarer « qu’au pays des droits de l’homme et des droits de la femme, on ne pouvait tolérer que certaines femmes souffrent de discriminations ». Mieux vaudrait cesser d’être candides, quand les prochaines étapes sont la modification des gamètes et l’hybridation homme-machine !

Derrière les bons sentiments moraux, égalitaristes, y aurait-il des enjeux scientifiques et financiers ?

Il y a des enjeux scientifiques, financiers, inconscients et conscients dans ce grand changement civilisationnel, postérieur à la dernière guerre, faut-il le rappeler, sans doute le plus grand traumatisme que l’humanité ait vécu. Les couples ou les individus demandeurs d’une PMA ne sont que les acteurs particuliers d’une affaire bien plus large, les biologistes aussi ! N’oubliez pas que c’est l’offre qui crée la demande ! L’écho de la société entre au laboratoire, remarquait Jacques Testart…Prenons un peu de recul. Dans les années 1970, les femmes ont eu à peine le temps de crier « Mon corps est à moi » que dix ans plus tard, leur corps appartenait à la médecine. Jean Baudrillard s’intéressait beaucoup à mes travaux. Il m’avait dit : « Tu te rends compte, dans les années 1970, le mot d’ordre c’était « faire l’amour sans faire des enfants », dans les années 1980 « faire des enfants sans faire l’amour » et dans les années 1990 « peut-on faire des enfants sans être de sexes différents ? ». Aujourd’hui, avec les cellules souches remodelables dans toutes les directions, des travaux déjà fort avancés vont permettre de fabriquer des spermatozoïdes féminins et des ovocytes masculins, ce qui pourrait offrir la possibilité aux homosexuels d’avoir des enfants non pas ensemble, mais l’un de l’autre. Tension vers le même, comme déjà le clonage. Nous qui proclamons sans cesse notre intérêt pour la différence, semblons avoir un sérieux problème avec l’altérité. La boucle est bouclée.

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est journaliste.

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